708-17/03/2021 La Chine est devenue en quelques décennies un acteur majeur sur la scène internationale.
Elle doit cette situation tout à la fois à sa stratégie de développement interne qu'à son inscription dans la mondialisation capitaliste dont elle est devenue un acteur majeur. Si son développement capitaliste est patent elle est en voie de passer de ce que l'on a appelé pour la désigner d' "atelier du monde" à celui d'une puissance innovante au plan scientifique et technologique, une puissance financière intégrée au marché mondial et une puissance militaire de premier ordre. C'est dans cette dynamique de développement du capitalisme qu'il convient d'analyser la portée des décisions prises dans le cadre du 14e plan quinquennal.
Le 14e plan quinquennal qui vient d'être adopté par l'Assemblée Nationale Populaire en Chine et qui court jusqu'en 2025 est un événement de première importance en ce qu'il trace la stratégie de ce pays dans les domaines économiques, sociaux et politiques. Ce plan qui a fait l'objet d'une longue élaboration impulsée par le Parti Communiste de Chine s'appuie sur les acquis de la période précédente et projette dans l'avenir le développement du pays. Il se situe dans une période marquée tout à la fois par la pandémie mondiale de Covid 19 qui affecte profondément et durablement les économies mondiales et donc les échanges internationaux et les chaînes de valeur, tout autant que dans une confrontation exacerbée au sein de l'impérialisme qui fait de la région Asie un épicentre de cet affrontement tout particulièrement entre les USA et la Chine. Le changement d'administration présidentielle aux USA est aussi un facteur important de la situation. S'il est déjà clair et les déclarations du chef du Pentagone, Lloyd Austin, comme le déplacement du chef de la diplomatie US, Antony Blinken, à Tokyo le confirment: Les USA entendent travailler à maintenir leur suprématie et tout particulièrement en Asie en créant :" une « dissuasion crédible » face à la Chine", partant du constat que :"« Notre avantage concurrentiel s’est érodé [...] Nous avons encore un avantage mais nous allons le renforcer ». « Notre objectif est de nous assurer que nous avons les capacités, les plans et les concepts opérationnels pour pouvoir opposer une dissuasion crédible à la Chine ou à quiconque qui voudrait s’en prendre aux États-Unis ". La réponse à ces déclarations américaines a été faite par le Conseiller d'État et Ministre des Affaires étrangères chinois Wang Yi qui a donné une conférence de presse à l'occasion de la 4e session annuelle de la 13e Assemblée populaire nationale et répondu aux questions de journalistes chinois et étrangers sur la politique étrangère et les relations extérieures de la Chine. Dans son intervention Wang Yi a souligné: "Au cours de l'année dernière, nous avons suivi avec la plus grande attention la bonne orientation de la gouvernance mondiale. La Chine a combattu résolument la montée de l'unilatéralisme, et défendu le multilatéralisme et les normes régissant les relations internationales par des actes concrets. Face à la montée du protectionnisme, nous avons œuvré à élargir l'ouverture sur l'extérieur, à valoriser l'atout du marché immense de la Chine, et à offrir au monde plus d'opportunités de développement". Il a rappelé les lignes rouges de la diplomatie chinoise et tout particulièrement la question de l'unité et de la souveraineté du pays: "La souveraineté de la Chine ne souffre aucune violation. La dignité de la nation chinoise ne souffre aucune atteinte. Les droits légitimes du peuple chinois doivent être préservés". C'est donc sous tous ces aspects qu'il convient de porter une première appréciation sur les orientations générales du 14e plan quinquennal. Selon le premier Ministre Li Keqiang, l'objectif est que la Chine soit en 2035 un «pays socialiste moderne ». Il vise surtout à « améliorer la qualité et la rentabilité du développement ». Toutefois, le taux de chômage devra être maintenu « en dessous de 5,5 % », et le « niveau des prix devra rester stable dans l’ensemble ». L’accent est surtout mis sur l’innovation. Il faut «accélérer la construction d’une société numérique » et les investissements en recherche et développement devront augmenter de « plus de 7 % par an ». La part du numérique doit passer de 7,8 % à 10 % du PIB dans les cinq ans. Parallèlement, la Chine doit poursuivre son développement urbain. Le taux d’urbanisation doit passer à 65 % contre 60,6 % aujourd’hui.
Les principaux domaines de recherche concernés comprennent l’intelligence artificielle de la prochaine génération, les semi-conducteurs et l’informatique quantique, ainsi que les voitures électriques et les technologies vertes. La raison essentielle étant que la Chine est fortement dépendante dans le domaine des semi-conducteurs et des puces informatiques nécessaires à toute l'électronique civile et militaire. Elle importe actuellement pour environ 200 milliards de dollars de ces composants. Trump ne s'y était pas trompé en restreignant l'accès de la Chine à ce marché. De fait, il a effectivement forcé la Chine à accroître ses investissements dans la recherche en imposant des sanctions paralysantes à des entreprises chinoises clés, dont le géant de la haute technologie Huawei. Plus de 60 entreprises chinoises, notamment le principal fabricant de puces informatiques, Semiconductor Manufacturing International Corporation, avaient été mises sur la liste noire au cours des dernières semaines du gouvernement Trump. Les sanctions visaient à couper l’accès aux composants et aux technologies de pointe, y compris les puces informatiques de pointe qui sont en forte demande.
Concernant l’écologie, le plan quinquennal prévoit de réduire de 13,5 % la consommation d’énergie par unité de PIB et de 18 % les émissions de CO2 par unité de PIB. « Un plan d’action visant à parvenir au pic d’émission de carbone d’ici 2030 sera élaboré », a indiqué sans plus de précision le premier ministre.
La défense n'est pas oubliée dans le développement du plan et ses capacités sont appelées à croître tout particulièrement dans le domaine maritime si important pour les ambitions chinoises de contrôle dans la mer de Chine.
Les deux tendances majeures du plan sont donc la recherche d'une indépendance scientifique et technique et celle d'un appui sur le développement du marché intérieur, tout en s'inscrivant dans une conception élargie de la mondialisation. Ainsi, tandis que des tendances se développent en Europe et aux USA pour une redistribution spatiale et régionalisée de la production afin de mieux capter la valeur produite, la Chine milite activement pour une inscription plus forte dans un espace de marché mondialisé. C'est ce que répète, dans toutes les conférences internationales, la direction du pays. Cette vision stratégique qu'illustre la fameuse "route de la soie" nommée aujourd'hui "la ceinture et la route" entend donner à la Chine les moyens d'être un acteur économique et politique incontournable à l'échelle mondiale. Ce que le Président Xi Jin Ping résume par :"« l'Est se lève et l'Ouest chute ». Cette réalité, qui est celle d'un développement rapide du capitalisme en Asie et tout particulièrement en Chine rentre donc en conflit avec les puissances impérialistes en déclin et tout particulièrement les USA à la recherche depuis des décennies de solutions pour garder leur leadership mondial. C'est la raison pour laquelle, le Président J. Biden veut intensifier la confrontation avec la Chine. C'était le concept de «pivot vers l’Asie», orientant la politique étrangère US vers la Chine du gouvernement Obama, dont Biden faisait partie, et qui s’est intensifiée sous Trump. Il y quelques mois, nous parlions à propos de l'Asie de la rencontre des plaques tectoniques des puissances impérialistes:
https://www.sitecommunistes.org/index.php/monde/asie/96-chine-usa-une-guerre-commerciale-ou-le-repartage-du-monde, l'évolution de la situation mondiale et en Chine, les orientations du 14e plan quinquennal confirment cette appréciation.
