N° 928 04/06/2025 Le 5 mai dernier, Jeremy Scahill, du medium d’investigation US Drop Site News, que nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer dans certains de nos articles, a interviewé Osama Hamdan, important dirigeant du Hamas, sur la vision que porte son mouvement sur la situation actuelle en Palestine, sur les perspectives en germe et les leçons à tirer.
Cette interview donne des éléments importants à la fois sur le réel, déformé par nos media et sur l’état d’esprit de la Résistance palestinienne. Nous en avons tiré quelques extraits que nous commentons.
L’état des négociations
Concernant la situation et les négociations au point mort, ce que dit Osama Hamdan confirme notre analyse. L’entité sioniste, et elle seule, a brisé l’accord de janvier et les médiateurs ne sont pas enclins à les faire changer d’avis : « Les Israéliens ont mis fin au cessez-le-feu le 18 mars et ont repris leurs attaques contre Gaza. Nous avons échangé avec les médiateurs qui avaient garanti cet accord, et qui ont la responsabilité de convaincre, voire de contraindre les Israéliens à respecter les engagements pris le 17 janvier. Malheureusement, cela n’a abouti à rien. Ils sont donc revenus avec des propositions qui nous ont convaincus que les Israéliens ne veulent pas d’un cessez-le-feu. Nous comprenons que Netanyahou préfère voir les prisonniers israéliens encore détenus mourir plutôt que d’accepter leur libération, car ceux qui sont rentrés ont sapé la narration israélienne selon laquelle ils auraient été torturés, maltraités, etc. ».
On en vient ensuite à l’état de la négociation chaotique et aux positions du Hamas et de l’ensemble de la Résistance quant au cessez le feu : « Quoi qu’il en soit, selon les derniers échanges avec les médiateurs, deux options sont sur la table. La première consiste à revenir à l’accord du 17 janvier, et nous sommes prêts à poursuivre sur cette voie. Si cela est impossible, nous proposons un règlement global en une seule étape : un cessez-le-feu permanent, un échange de prisonniers, le retrait des troupes israéliennes de Gaza et l’ouverture des frontières pour permettre l’acheminement de l’aide humanitaire et la reconstruction. Et si, en tant que médiateurs, vous nous interrogez sur les modalités d’un cessez-le-feu, nous sommes prêts à discuter d’une trêve de cinq à sept ans, qui permettrait d’instaurer une certaine stabilité, au moins temporaire, pour les deux parties.
Malheureusement, à ce jour, nous n’avons reçu aucune réponse positive de la part des Israéliens, et nous continuons de dire clairement qu’aucun progrès n’est possible sans un véritable cessez-le-feu, ou sans des arrangements concrets qui protègent les Palestiniens et leur donnent au moins la possibilité de vivre en paix, sans être assassinés par les Israéliens dans le cadre du génocide qui se déroule depuis 18 mois. ».
Osama Hamdan est ensuite interrogé sur les raisons qui font que le Hamas refuse de cautionner un accord limité, par exemple une trêve de 45 jours qui permettrait l’acheminement de l’aide, la libération de Palestiniens emprisonnés en Israël et la restitution de colons israéliens détenus par la Résistance à Gaza, il répond d’abord que ce n’est pas seulement la position du Hamas, mais celle des autres organisations de la Résistance et de la majorité des Gazaouis. Ensuite, il explicite cette position : « Ce que proposent les Israéliens, c’est : « Nous vous accordons un cessez-le-feu temporaire, puis nous reviendrons vous tuer. » Quel est le sens de vous donner à manger pendant 12 ou 40 jours, deux ou trois semaines, pour ensuite reprendre les massacres ? Cela revient à cautionner le génocide, à l’accepter pour votre propre peuple. C’est pourquoi nous avons dit que nous n’étions pas intéressés par la libération des prisonniers israéliens, qui, du point de vue palestinien, n’ont aucune valeur, pour simplement reprendre le combat et retomber dans le génocide. Pourquoi ne pas aller vers un cessez-le-feu permanent ? Je pense que notre proposition a mis à nu la position israélienne : ils ne veulent pas de cessez-le-feu, ils ne veulent même pas la paix avec les Palestiniens. Leur objectif est clair : tuer tous les Palestiniens ou les expulser. Ils ont évoqué l’expulsion des Palestiniens, non seulement de Gaza, mais aussi de Cisjordanie. Leur plan est donc de poursuivre les tueries jusqu’à ce que l’une des deux options se concrétise : soit éliminer tous les Palestiniens, soit les faire partir. ».
Pour l’avenir : direction palestinienne et sort des armes de la Résistance
L’interview se poursuit sur le sujet de l’après, en cas de véritable cessez-le-feu. On peut lire très clairement, dans les réponses d’Osama Hamdan, que le Hamas est prêt à accepter une direction provisoire de Gaza compatible avec l’Autorité palestinienne et l’Égypte « Les Égyptiens ont proposé de créer un comité composé de dirigeants indépendants, originaires de Gaza, qui prendraient en main la gestion du territoire pour une période temporaire, en attendant des élections générales. Nous avons donné notre accord. S’ils sont nationalistes et qu’ils œuvrent pour le bien de Gaza et de sa population, pourquoi pas ? C’est acceptable. En fait, nous, ainsi que les autres partis et factions politiques palestiniens, avons proposé une liste d’environ 40 à 45 noms, susceptibles d’être acceptés par toutes les organisations palestiniennes. Nous attendons toujours qu’Abou Mazen[1] en sélectionne quinze pour former ce comité. Et nous sommes prêts à collaborer avec ce comité, dans la mesure où, si cela peut aider les Palestiniens à surmonter ce massacre et ce génocide, alors c’est notre devoir d’y contribuer. ».
Mais la ligne rouge reste, comme pour toute la Résistance palestinienne, celle du désarmement des branches armées. La réponse apporte aussi des éléments de caractérisation du conflit : conflit colonial et non guerre de religion : « Nous avons clairement dit que nous sommes un peuple sous occupation. Nous ne combattons pas parce que nous aimons nous battre ou que cela nous semble une bonne idée. Nous ne combattons pas les Israéliens parce qu’ils sont Juifs, par exemple. Nous n’avons aucun problème avec le peuple juif. […] Même si un musulman venait occuper ma terre, je le combattrai. Il ne s’agit pas d’une question de religion, mais d’occupation. Nous, Palestiniens, résistons à l’occupation, et cela ne date pas d’hier. Le Hamas n’a pas inventé la résistance en Palestine. Les Palestiniens ont résisté à l’occupation britannique, puis à celle d’Israël, depuis des décennies. Parler de désarmer les Palestiniens ne résoudra pas le problème. La nouvelle génération se lèvera à son tour, car vous continuez à opprimer un peuple. Il n’y a pas d’autre voie pour les Palestiniens que la résistance pour se libérer de cette occupation. […] On ne peut pas parler de désarmer un peuple occupé, alors qu’il fait face à l’armée la plus puissante de la région — peut-être même la quatrième, la cinquième ou la sixième au monde en termes d’armement. Si l’on veut parler de désarmement, il faut parler de désarmer l’occupant, pas les Palestiniens opprimés par les Israéliens. […] . Il faut se concentrer sur le vrai problème : l’occupation. Parlons de la libération des Palestiniens, du retrait israélien des territoires occupés, et de la création d’un État palestinien souverain. Ce serait un premier pas vers la confiance et la stabilité. Si cela se réalise, ce sera une excellente chose. Si ce n’est pas le cas, on ne peut pas demander à des gens de déposer les armes pendant qu’ils sont tués, torturés, emprisonnés — et victimes de ce que je considère comme le plus grand génocide de l’histoire moderne. ».
Jérémy Scahill évoque plus loin le rôle plus qu’ambigu de l’Égypte et la surprise qui a été celle des Résistants palestiniens d’entendre l’Égypte proposer une initiative incluant le désarmement du Hamas. Il demande au passage si l’Égypte exerce des pressions croissantes sur le Hamas pour qu’il conclue un accord et accepte davantage de concessions. La réponse est très claire : « Eh bien, en tant que médiateurs, ils sont tenus d’insister, mais ils ne peuvent pas forcer le Hamas à accepter. Pourquoi avons-nous été surpris de les voir aborder cette question ? Parce qu’il s’agit d’une demande israélienne, et qu’en tant que médiateur, on n’est pas censé simplement entériner toute proposition venant de la partie israélienne. Il faut s’en charger. Il faut s’adresser directement aux Israéliens et leur dire : "Cela ne marchera pas". Si, par exemple, le Hamas disait : "Nous voulons que Netanyahou quitte le pouvoir et cède Tel-Aviv aux Palestiniens", ils répondraient sans détour : "Il n’en est pas question.". Pourquoi ne pas s’adresser aux Israéliens de la même manière : "Il n’en est pas question" ? Voilà pourquoi cela nous a étonnés, même s’ils ont déclaré que ce n’était pas une suggestion de leur part, mais une idée israélienne. Or cette idée n’est pas recevable. Elle ne sera même pas évoquée au sein de la direction du Hamas. ».
A propos des négociations directes entre le Hamas et les USA
Après avoir précisé que c’est bien l’administration Trump qui a imposé aux sionistes le cessez-le-feu de janvier, Osama Hamdan est interrogé sur les discussions bilatérales qui ont permis la libération du captif Edan Alexander[2], et notamment sur les discussions avec Adam Boehler[3]. Voici ce qu’il répond : « Lors des réunions avec Adam Boehler, une véritable opportunité s’est dessinée. C’est précisément pour cela que les Israéliens ont été furieux. […] Je pense qu’il y avait là une véritable chance. En réalité, nous avons abordé des sujets politiques, pas seulement la question de l’échange de prisonniers. Et je crois qu’il a entendu des choses auxquelles il ne s’attendait pas de la part du Hamas, non parce que nous voulions le surprendre, mais parce que nous avons répondu à des questions précises que tout le monde se pose, comme celles que vous venez de poser : comment résoudre ce conflit ? Nous avons des idées concrètes. Et c’est cela qui met les Israéliens en colère : ils n’aiment pas voir des Palestiniens, surtout du Hamas, dialoguer directement avec l’administration américaine, car ce que nous proposons, ce sont des idées justes, des solutions équitables, des pistes sérieuses, pour être précis. […] Boehler a écouté avec attention. Il a posé des questions pour défendre la position de son administration, et il s’est exprimé avec franchise. En retour, nous avons été directs avec lui. Et je pense que cela a permis l’émergence de certaines idées politiques que nous avons exprimées et discutées. Je crois que l’une des raisons pour lesquelles certains dirigeants palestiniens ont été assassinés, c’est précisément parce qu’ils avaient la possibilité de s’adresser directement aux États-Unis. Les Israéliens veulent empêcher tout contact entre la résistance palestinienne et l’administration américaine, car ils s’efforcent de maintenir le narratif selon lequel nous serions des terroristes. Mais lorsqu’il y a un échange, l’administration découvre qu’il s’agit de combattants de la liberté, porteurs d’un discours politique, d’une position politique, à la recherche d’une issue politique. C’est cela que les Israéliens veulent empêcher. Et c’est cela que l’administration américaine, tout comme les membres du Congrès, doivent comprendre, et traduire en actes. ». Il y a là quelque chose de forcément intéressant pour quiconque analyse ce conflit colonial et souhaite la libération de la Palestine. Nous sommes loin des caricatures et du Trump comme mal absolu, sans naïveté pour autant. Interrogé sur la pression exercée par l’impérialisme US sur l’entité sioniste, Osama Hamdan est direct et sans illusion : « Elle n’est pas suffisante. Ils savent qu’ils peuvent agir. Ils le peuvent, tout simplement. Il leur suffirait de dire : "Nous ne vous fournirons pas de nouvelles armes. " ; rien que le dire ferait comprendre aux Israéliens que l’administration est sérieuse, et qu’ils doivent accepter le cessez-le-feu. La pression actuelle est insuffisante. J’ignore pourquoi, mais je suis convaincu qu’ils en ont les moyens. Pourquoi ne le font-ils pas ? C’est à l’administration d’y répondre. ».
Les dirigeants du Hamas suivent de très près les démarches des impérialistes US et notamment leurs tentatives de pacifier le Moyen Orient. Voici leur appréciation sur les négociations commerciales entre les USA et l’Arabie Saoudite[4] : « Les relations entre les États-Unis et l’Arabie saoudite sont compliquées. Mais je crois que les Saoudiens restent fermement attachés à la création d’un État palestinien. Donc, même si la situation est complexe, ils feront tout leur possible et parviendront à dissocier leurs relations avec les États-Unis de la question de la normalisation avec Israël. ».
La solution à moyen terme
Le Hamas, depuis 1990 a proposé à plusieurs reprises à Israël des accords de hudna « un cessez-le-feu durable ». Face aux nouvelles propositions israéliennes, qui écartent le cadre convenu en janvier, le Hamas a proposé à nouveau, une trêve de longue durée.
Dans ce passage, Jeremy Scahill revient d’abord sur les intentions des dirigeants sionistes et le dirigeant du Hamas lui répond ceci : « Il existe un peuple, qui, d’ailleurs, à l’époque, était l’un des plus développés de la région, et vous lui prenez ses terres par la force. Je vous renvoie à ce qu’a déclaré Smotrich, ministre des Finances du gouvernement Netanyahu, il y a deux ans : la survie d’Israël au cours des soixante-dix dernières années, dit-il, tient au fait qu’ils ont contraint les Palestiniens à quitter leurs terres. Et si Israël veut survivre encore soixante-dix ans, il faut, selon lui, les expulser de Cisjordanie et de Gaza.
Quand ils parlent de désarmer les Palestiniens, c’est leur manière de tuer l’espoir des Palestiniens d’être libérés. Ainsi, s’ils veulent les chasser, les Palestiniens n’auront aucun moyen de se défendre. S’ils veulent les tuer, ils n’auront d’autre choix que de subir. Donc, quand ils évoquent le désarmement des Palestiniens, pas seulement celui du Hamas, mais de tous les Palestiniens, cela signifie qu’ils veulent que les Palestiniens capitulent. Et lorsqu’on se rend, on est contraint d’accepter la volonté de l’occupant. Ils iront alors dire partout : "Eh bien, ils se sont rendus, que voulons-nous de plus ? Ils ont accepté.". C’est pourquoi je pense que non seulement le Hamas, non seulement la résistance, mais même les Palestiniens qui ont accepté le processus de paix avec les Israéliens, n’accepteront jamais l’idée de se rendre à Israël. ».
Osama Hamdan est ensuite interrogé sur ce que signifie cette proposition de "hudna" que porte le Hamas, il replace d’abord cette proposition dans son contexte : « Lorsque nous avons reçu des propositions absurdes après l’attaque israélienne sur Gaza, le 18 mars, nous avons répondu qu’il ne restait que deux options. La première est de revenir à l’accord en trois phases, et nous sommes toujours prêts à avancer dans cette voie. Sinon, si l’on souhaite discuter d’autre chose, nous sommes également prêts à envisager un accord global. Nous voulons un cessez-le-feu, le retrait israélien de Gaza, la reconstruction, l’entrée de l’aide humanitaire et des matériaux nécessaires à la reconstruction, ainsi qu’un échange de prisonniers. » ; ensuite il précise le contenu de la proposition : « Afin que les deux parties aient le sentiment qu’une certaine stabilité peut s’instaurer, nous sommes prêts à accepter un cessez-le-feu de longue durée, une hudna, d’une durée de cinq à sept ans. L’objectif principal de cette hudna est que chaque partie soit convaincue qu’elle ne sera pas attaquée par l’autre, ce qui instaurerait un minimum de sécurité. C’est une occasion de construire la confiance et d’envisager une certaine stabilité et sécurité. Pendant cette période, on pourrait se concentrer sur l’objectif principal : le retrait israélien des territoires palestiniens occupés. Si cela se produit, alors nous avons une solution politique. Si ce n’est pas le cas, il faudra que les Israéliens montrent clairement s’ils entendent respecter les droits des Palestiniens ou non. S’ils ont cette intention, ils doivent le démontrer concrètement. Nous n’avons pas besoin de discours, nous avons besoin d’actes. Et s’ils ne le font pas, nous pensons que la communauté internationale doit jouer son rôle et les y contraindre. ».
L’impact durable de l’opération « Déluge d’Al-Aqsa » le 7 octobre 2023
Jeremy Scahill interroge ensuite Osama Hamdan sur ce qu’il pense de l’impact de l’opération de résistance du 7 octobre, impact passé, présent et à venir. Ce passage est particulièrement intéressant en ce qu’il balaie toutes les billevesées déblatérées par les sionistes, les impérialistes occidentaux et leurs media sur les buts du Hamas. Interrogé sur la façon dont l’histoire devrait se souvenir des combattants palestiniens tombés, Yahya Sinwar et Muhammad Deif, il répond : « Je pense que l’histoire retiendra surtout qu’en dépit de toutes les difficultés auxquelles font face les Palestiniens, ces hommes avaient les idées claires et restaient concentrés sur l’objectif principal de la nation palestinienne : l’indépendance des Palestiniens, la libération de la terre palestinienne et la libération de son peuple. Jamais ils n’ont parlé du Hamas comme d’un mouvement, ni d’eux-mêmes comme de dirigeants du Hamas. Ils ont toujours parlé de la nation palestinienne, du peuple palestinien opprimé par l’occupation. Ils resteront dans l’histoire comme des hommes qui se sont sacrifiés en combattant pour leur cause, en tant que Palestiniens, qui ont défié la puissance de l’occupation la plus féroce et de l’armée la plus puissante de la région. Ils ont refusé de vivre comme du bétail. Ils ont choisi de vivre en peuple libre, quitte à devoir se sacrifier pour cela. On se souviendra d’eux comme d’hommes assez courageux pour combattre en première ligne. Ils ne se sont pas dissimulés dans des tunnels ni abrités derrière leurs soldats. Ils étaient en première ligne. ».
Interrogé ensuite sur la façon dont l’histoire, selon lui, jugera l’opération « Déluge d’Al-Aqsa », il a ces mots, qui nous éclairent sur la réalité de cette journée du 7 octobre 2023 : « Le message essentiel de cette action, c’est que les Palestiniens ne renonceront jamais à leurs terres, et qu’ils feront l’impossible pour atteindre cet objectif. Et cet impossible a eu lieu le 7 octobre. Personne n’imaginait que la Brigade de Gaza, la composante la plus puissante de l’armée israélienne, puisse être vaincue en quelques heures. Personne ne s’attendait à ce que des combattants dotés d’armes rudimentaires, des kalachnikovs, des RPG, rien de plus, puissent mettre en déroute une armée équipée de chars Merkava 4 dernier cri et disposant, disons-le, de la flotte aérienne la plus puissante. Personne ne s’attendait à un tel échec total des services de renseignement israéliens. Cet « impossible » devenu réalité montre que la volonté des Palestiniens de se libérer demeure intacte après 70 ans d’occupation, et qu’elle le restera jusqu’à ce qu’ils puissent s’en affranchir. », et encore : « Je pense qu’il s’agira d’un tournant décisif dans l’histoire palestinienne. Selon moi, c’est le début de la véritable libération de la Palestine. Cela prendra du temps, mais je pense que les conséquences de l’opération Déluge d’Al-Aqsa mèneront à la véritable libération du peuple palestinien. ».
A propos de Mahmoud Abbas, de l’Autorité Palestinienne et de la guerre des sionistes en Cisjordanie
Jeremy Cahill demande encore à Osama Hamdan quelle sera sa réponse à Mahmoud Abbas, qui a récemment qualifié les membres du Hamas de « fils de chien », a déclaré : « Le Hamas doit rendre ses armes et libérer les prisonniers israéliens. » et a très clairement désigné le Hamas comme un obstacle à tout accord, et comme responsable du génocide. Voici, en substance, ce que dit le dirigeant du Hamas, sur le fond : « Malheureusement, il ne perçoit pas ce qui se passe comme un génocide. Il n’a fait aucun commentaire à ce sujet. Même au cours des dix-huit derniers mois, il n’a jamais évoqué l’armée israélienne comme étant responsable d’un génocide contre les Palestiniens. Et voilà soudain qu’il commence à parler de la Résistance palestinienne. Je pense qu’il a perdu toute crédibilité en tant que dirigeant palestinien et qu’il n’est plus respecté par son peuple. Quant à la manière dont l’histoire parlera de lui, je l’ignore. Il a été l’instrument utilisé contre Yasser Arafat, mais il ne sera pas un instrument efficace contre la Résistance. Il ne fait que détruire sa réputation et son image. Je ne sais pas comment ses fils et petits-fils pourront un jour marcher parmi le peuple palestinien après sa mort. ».
Il poursuit sur la situation en Cisjordanie et la responsabilité de l’Autorité palestinienne : « Je pense que le problème, en Cisjordanie, c’est l’Autorité palestinienne et sa collaboration avec les Israéliens, qui leur facilite grandement la tâche. Prenons l’exemple du camp de Jénine, qui a été assiégé pendant quarante jours par les Palestiniens eux-mêmes. Ils y cherchaient des armes, des combattants. En réalité, ils ont ouvert les routes, démantelé les embuscades de la Résistance, puis laissé les Israéliens envahir le camp. Résultat : plus de 3 000 maisons y ont été détruites ou rasées par les Israéliens. On parle de 50 000 Palestiniens de Jénine expulsés de chez eux, interdits d’y retourner. La même chose se produit à Tulkarem et à Naplouse. Et personne, au sein de l’Autorité palestinienne, ne dit que ça suffit. Ils ne veulent pas résister. C’est une erreur fatale pour leur cause. Mais au moins, ils doivent commencer à s’exprimer. Je pense que l’objectif principal des Israéliens est de prendre le contrôle de l’ensemble de la Cisjordanie. Ils considèrent déjà la zone C, soit 62 % de la Cisjordanie, comme faisant partie d’Israël. Ils sont également prêts à négocier pour obtenir la zone B. Ils essaient de pousser l’ensemble du peuple palestinien à partir, soit vers la Jordanie, soit vers des zones fermées, enclavées derrière les murs des grandes villes. Et ces villes ne seront réservées qu’aux personnes que l’on souhaite soumettre au contrôle sécuritaire. Dans la logique du gouvernement israélien, il n’y a plus de place pour une Autorité palestinienne unifiée. Ils veulent la fragmenter en zones de sécurité, où des personnes seraient réduites à l’état d’esclaves, simples travailleurs au service des intérêts israéliens. Voilà ce qui se passe. C’est le projet pour la Cisjordanie. Et je pense qu’ils se trompent s’ils croient que l’Autorité palestinienne va continuer à tenir la situation en main indéfiniment. Le peuple va résister, se retourner contre elle. Même si l’Autorité palestinienne tente de jouer les médiateurs, elle ne sera plus acceptée. ».
Le dirigeant du Hamas est alors interrogé sur le choix, comme successeur désigné de Mahmoud Abbas, de Hussein Al-Sheikh : « Israël l’a désigné, parce qu’ils savent qu’il fera le sale boulot pour eux. […] C’était le choix d’Israël. Tout le monde le sait. […] Il est également très impliqué dans les opérations de sécurité, et davantage encore, en réalité. Bien plus. Si vous l’entendiez parler en privé, vous auriez l’impression d’écouter un soldat israélien. Ce ne sont pas mes mots, ce sont ceux de certains hauts responsables du Fatah. ».
En conclusion
Pour le Parti Révolutionnaire Communistes, cette interview constitue un tour d’horizon tout à fait complet de la situation, qui donne lieu à des analyses que nous partageons en grande partie. Il y a grand intérêt à la consulter, ne serait-ce que pour être réellement informé sur la situation en Palestine et la véritable nature du Hamas, mouvement de la Résistance nationale palestinienne. Il ne s’agit pas de partager toutes les idées du Hamas, ce n’est pas le cas, nous l’avons déjà affirmé. Mais il s’agit de voir avec lucidité ce qu’est la Résistance palestinienne armée, comme la résistance non armée, et de les soutenir jusqu’à la libération de la Palestine.
[1] Abou Mazen est le « nom de guerre » de Mahmoud Abbas, président de l’Autorité Palestinienne.
[2]Edan Alexander est un soldat de l’armée d’occupation binational (états-unien et israélien), qui a été libéré grâce à ces négociations directes.
[3] Adam Boehler était l’envoyé spécial US pour les questions des « otages » et un proche de Jared Kushner, le gendre de Trump.
[4] Rappelons que l’interview a eu lieu avant la visite de Trump à Ryad ; visite dont les résultats, finalement, confirment la vision du dirigeant du Hamas : accord commercial sans mention des sionistes.