N° 927 28/05/2025 On peut dire que l’impossibilité de nier le génocide à Gaza rend difficile la position antérieure de certains sionistes, en France et ailleurs. Bien sûr, ceux qui assument le discours cynique de Netanyahu continuent de parler comme avant. Les paroles récentes du premier ministre de l’entité sioniste (prise de contrôle de la Bande de Gaza, déportation, camps de concentration) donnent définitivement raison à tous ceux dénonçant le génocide et l’éradication ou la déportation des Palestiniens comme but des sionistes. Ceux qui assument cette chose, directement, à l’instar de Meyer Habib ou Caroline Yadan, ou indirectement, comme les « journalistes » qui relaient l’idée mensongère comme quoi la Résistance palestinienne confisque l’aide humanitaire[1], continuent de soutenir le gouvernement de l’entité sioniste et de proclamer sans vergogne leur haine des Palestiniens.
Mais une autre frange du courant sioniste, de même qu’une partie des media, semble changer de discours, c’est particulièrement vrai au Royaume Uni et en France.
Au Royaume Uni, c’est dans la presse que le phénomène se produit depuis trois semaines. Le Financial Times, quotidien financier de l’establishment britannique, a été le premier à rompre les rangs la semaine du 5 mai dernier, en dénonçant « le silence honteux de l’Occident » face à l’assaut meurtrier d’Israël contre l’enclave. Dans un éditorial le FT a accusé les États-Unis et l’Europe de se rendre de plus en plus « complices », alors qu’Israël rend Gaza « invivable », et a noté que l’objectif était de « chasser les Palestiniens de leur terre ». The Economist est ensuite intervenu, avertissant que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et ses ministres étaient mus par le « rêve de vider Gaza pour y reconstruire des colonies juives ». Le week-end des 10 et 11 mai, The Independent a décrété que le « silence assourdissant sur Gaza » devait cesser. Il était « temps que le monde prenne conscience de ce qui se passe et exige la fin des souffrances infligées aux Palestiniens piégés dans l’enclave ». À propos de l’entité sioniste, le journal écrivait : « Il prévoit désormais une bande de Gaza sans Palestiniens. De quoi s’agit-il, si ce n’est de génocide ? Quand les États-Unis et leurs alliés agiront-ils pour mettre fin à l’horreur, si ce n’est maintenant ? ». Mercredi 14 mai, l’émission PM de BBC Radio a décidé d’accorder la priorité au témoignage de Tom Fletcher, chef des affaires humanitaires de l’ONU, devant le Conseil de sécurité. Le présentateur Evan Davis a déclaré que la BBC avait choisi de « faire quelque chose d’un peu inhabituel ». Inhabituel, en effet : la BBC a diffusé l’intégralité du discours de Tom Fletcher, y compris ce commentaire : « Pour ceux qui ont été tués et ceux dont la voix est réduite au silence : de quelles preuves supplémentaires avez-vous besoin ? Allez-vous agir, de manière décisive, pour empêcher un génocide et garantir le respect du droit humanitaire international ? ».
En France, ce sont surtout des personnalités sionistes qui s’expriment enfin. Nous avons déjà évoqué le trio Delphine Horvilleur, Yohan Sfar et Anne Sinclair commettant des déclarations semblant montrer de l’empathie pour Gaza. Côté presse, on sent un vent nouveau dans les voiles du « quotidien de référence », Le Monde. Mais il a attendu le 21 mai pour publier un éditorial intitulé « Le gouvernement israélien ne doit plus bénéficier de la moindre impunité », ainsi qu’un article documentant la banalisation du discours génocidaire parmi la population de l’entité sioniste. Dans ce-dernier, notre quotidien du soir relaie cette phrase d’un article de Haaretz : « A la télévision israélienne, affamer les bébés de Gaza n’est pas un problème. Aussi longtemps qu’il n’y a pas de photos d’eux » ou encore un extrait d’un discours d’un universitaire sioniste lors d’un séminaire : « Si l’expansion de la campagne militaire à Gaza fonctionne, ce sera le chaos. Mais je ne crois pas que cela doive nous effrayer, parce que le chaos donnera à Israël la liberté d’action. Et pas seulement : une version somalienne de Gaza (…) encouragera l’immigration. ».
Mais, dans notre pays, la caractéristique principale est la sortie de sa léthargie de la « gauche » politique. Nous avons plusieurs fois expliqué ce que nous pensions de la position de LFI, au milieu du gué, pas franchement anticolonialiste, mais eux n’ont pas attendu 19 mois pour dénoncer le massacre. C’est du reste de la « gauche » qu’il est question. Le meilleur exemple de ce « bouger » est l’initiative, certes clairsemée, du Trocadéro lundi 26 mai, à l’initiative du PCF, avec les principaux dirigeants des trois partis, PCF, PS et EELV. Depuis plusieurs jour, Fabien Roussel a fait sien le terme de génocide.
Explications et limites de ces évolutions
Pour autant, ni les journaux britanniques, ni Le Monde, ni les pseudo-intellectuels sioniste et la « gauche » française ne sont devenus anticolonialistes, encore moins des soutiens à la Résistance palestinienne. Même le qualificatif de « Résistants de la 25ème heure », souvent employé sur les réseaux sociaux afin de qualifier les gens de « gauche », sionistes ou pas, venant de faire leur « coming out », ne décrit pas correctement la réalité.
Revenons à l’éditorial du quotidien Le Monde, évoqué plus haut. Il ne parle ni de crimes de guerre, ni de crimes contre l'humanité, mais évoque une « dérive » (mot répété dans le premier et le dernier paragraphe de l'éditorial). Le « nettoyage ethnique » ne serait qu'à l'état de « projet ». Le terme même de « génocide » est envisagé comme une lointaine hypothèse, avec un prétexte grossier : ce n'est pas aux journalistes de l'utiliser : « la possibilité à terme d’une qualification de génocide par la justice internationale, seule légitime à le faire », faisant fi du fait que la CIJ et d'autres instances l'ont déjà entériné et « oubliant » l’existence d’un texte de l’ONU le caractérisant pour lequel les sionistes cochent quatre critères au moins sur cinq. En revanche, Le Monde n'hésite pas à qualifier l'opération du 7 octobre d' « attaque terroriste », et affirme que « La responsabilité du Hamas dans la catastrophe en cours a été et reste écrasante », ce qui relève d'un négationnisme odieux. Une phrase reste parfaitement vraie dans cet énième Edito de la honte : « La coalition de Netanyahu a pourtant bénéficié jusqu’à présent d’une indulgence et d’une complaisance qui relèvent désormais de la complicité. » En France, Le Monde, qui n'a cessé de parler de « Guerre Israël-Hamas », et tous ses épigones, méritent une place d'honneur dans la liste des complices du génocide en cours. En fait, tout ce que l’on peut trouver de positif à ce changement peut se résumer ainsi. Depuis 19 mois, le camp de concentration de Gaza s'est transformé en camp de la mort. Face à l'horreur, l'état du journalisme occidental et tout particulièrement français est si déplorable que le moindre signe de progrès mérite d’être relevé.
On peut dire la même chose des politiciens de gauche. Au PS, Jérôme Guedj se dit « sioniste et propalestinien », ce qui relève du non-sens ; quant à Mayer-Rossignol, candidat à la direction du PS, il demande que soient hissés dans les villes, côte à côte, les drapeaux de la Palestine et de l’entité sioniste. Nous avons suffisamment dénoncé cette position des torts partagés depuis des mois pour ne pas nous priver de dire que, fondamentalement, rein n’a changé dans ces discours. Pour ce qui est du PCF, le plus « avancé » des trois partis, lui non plus n’a pas changé, il en reste à la « solution à deux États », la paix coloniale et réclame comme revendication centrale « la reconnaissance de l’État de Palestine par la France, comme si c’était de nature à changer quoi que ce soit à la situation actuelle.
Finalement, ce que révèle cette situation, c’est l’importance du point de vue commun à toute la gauche, LFI comprise. Le refus de cette dernière de condamner le sionisme en tant que tel, soutenir la Résistance, son insistance à formuler les rituels et consensuels « Netanyahu d’extrême-droite » et « les crimes du Hamas » font que les uns et les autres se retrouvent sur une ligne très proche.
Pour ce qui est des nouveaux convertis, nous n'assistons pas à un sursaut de conscience, loin de là : après plus d'un an de complicité, les acteurs politiques et médiatiques cherchent cyniquement un alibi pour se dédouaner, avant qu’il ne soit trop tard pour feindre le remords. Ils se couvrent, tout en continuant de ne pas attaquer ou de défendre l’entité sioniste. Ainsi, le trio Horvilleur, Sfar et Sinclair s’en prend à Netanyahu tout en défendant Israël. Dans son fameux éditorial du 21 mai, Le Monde dit ceci : « Dire clairement que ce qui est en cours à Gaza est nécessaire. Mais cela doit s’accompagner du constat que de nombreux alliés d’Israël n’ont plus rien en commun avec la coalition de Benyamin Netanyahu, qui a fait le choix d’une dérive plaçant les autorités israéliennes en dehors des nations respectant les droits humains ». Quant à Roussel, il affirme : « J’appelle nos binationaux à interroger leur conscience. Ne participez pas à ce massacre. Ne participez pas à ce génocide. » sans un mot de critique sur les 4.000d’entre eux qui ont activement participé au génocide. Dans un extrait de discours, Mélenchon lance un appel similaire aux binationaux.
La cerise sur le gâteau vient de cet autre extrait du discours de Jean-Luc Mélenchon, le 27 mai dernier : « Le retournement est commencé, et de quelle manière […] Et bien sûr, beaucoup d’entre nous ont l’envie de dire "Ah ! C’est maintenant que ça vous prend. Ben il était temps". […] Depuis des mois, nous menons un combat pour obtenir un résultat : isoler absolument et complètement Benjamin Netanyahou et son gouvernement d'extrême droite et de fascistes. […] Depuis des mois, les organisations communautaires juives ont été toutes en soutien inconditionnel à Benyamin Netanyahu. ». Arrêtons-nous un instant sur cet extrait d’un discours dans lequel le mot sionisme ne figure pas. L’isolement de Netanyahu c’est exactement ce que demandent les sionistes de « gauche », pour mieux défendre la « démocratie ». On aurait pu penser que le « bouger » du reste de la gauche aurait entraîné un « bouger » similaire de LFI, se décidant enfin à dénoncer le sionisme. Il n’en est rien ! Au contraire, les militants de LFI se félicitent de ces ralliements en leur reprochant le côté tardif ou en exprimant l’idée que, désormais, ces gens-là ne les accuseront plus d’être antisémites. Il se produit un resserrement vers le centre de la « gauche ». Ils sont finalement tous d’accord sur l’arrêt du génocide, mais aussi sur Netanyahu le seul méchant d’extrême-droite, sur le respect de ce qu’ils appellent le droit international et sur la solution à deux États (à l’exception sur ce point de Rima Hassan et Aymeric Caron).
On ne peut clore ce chapitre sans citer les propositions qui, selon Mélenchon et LFI, doivent être celles de la France : Cessez-le-feu ― Libération des « otages » ― Fin du blocus de Gaza ― Corridors humanitaires ― Jugements des crimes et des criminels de guerre. Notons que LFI ne demande pas le retrait total de l’armée d’occupation de la Bande de Gaza, qui aurait dû figurer en 2ème, puisque c’est le préalable toujours fixé par la Résistance à la libération de tous les captifs et que cela figure dans le dernier accord que les sionistes ont violé. Autre remarque, quand on se projette dans l’avenir, avec le jugement susmentionné, on peut aussi réclamer le retour de tous les réfugiés. Mais, surtout, qui va juger et quelle assurance aurons-nous, si c’est la CPI, que cet instrument de l’impérialisme occidental condamnera quelque criminel de guerre que ce soit ?
En conclusion
Ce rapprochement objectif doit pouvoir avoir une réponse, le rassemblement de tous les véritables anticolonialistes pour amplifier la solidarité avec la Palestine. Pour le Parti Révolutionnaire Communistes, plus que jamais, il faut dénoncer le sionisme, redire sans relâche que ce que veut faire Netanyahu n’est rien d’autre que de finir la besogne laissée inachevée par Ben Gourion en 1948. Il faut, à côté de ces positions des torts partagés de la « gauche », une position claire.
Une position claire c’est le soutien total au peuple palestinien, à sa résistance, sous toutes ses formes, des gestes de tous les jours, au combat armé. Il n’est pas possible de soutenir la lutte pour une Palestine libre sans soutenir la Résistance armée, dans toutes ses composantes et dans toutes ses actions.
Il faut donc, plus que jamais, un discours clair, anticolonialiste, antisioniste, dénonçant les acteurs, les complices de la colonisation de substitution mise en œuvre en Palestine, les complices du génocide de l’entité sioniste qui ressemble de plus en plus à celle de l’Ouest états-unien, perpétrée là aussi par des colons européens !!! Et il faut plus que jamais la solidarité active des peuples et des travailleurs du monde entier avec la résistance du peuple palestinien, à Gaza, en Cisjordanie, à Jérusalem. Il est plus que temps qu'une grande manifestation populaire s'organise en France pour soutenir la lutte de libération nationale du peuple palestinien et crier que les crimes cela suffit, que les droits légitimes du peuple palestinien doivent être reconnus.
Une telle manifestation doit porter la revendication d’une paix juste en Palestine. Une paix juste, c’est le démantèlement des colonies, le retour des réfugiés et un État palestinien indépendant. Pour notre part, nous portons aussi celle de la fin de l’État colonial d’apartheid, car son existence empêche une telle paix. Les travailleurs d’Israël ne peuvent être libres s’ils ne rompent pas avec le sionisme et continuent de se trouver objectivement et activement dans le camp des colonisateurs, des génocidaires. Il faut un État où tous les habitants jouissent des mêmes droits et puissent vivre ensemble, quelle que soit leur origine, en l’occurrence, un État palestinien démocratique.
Le Parti Révolutionnaire Communistes soutient plus que jamais les revendications fondamentales du mouvement de libération nationale palestinien : fin intégrale de l'agression militaire sioniste, droit au retour des réfugiés et formation d'un État palestinien sur le territoire de la Palestine mandataire.
[1] En réalité, l’aide est complètement bloquée par l’armée d’occupation. Et ce qui arrive au compte-goutte, pour le compte de la propagande sioniste, est souvent pillé par des gangs soutenus par les sionistes, quand ce ne sont pas les soldats eux-mêmes qui le font.