Gantry 5

 

N° 900 21/11/2024  En France, le discours dominant est le seul autorisé
Plus la responsabilité écrasante d’Israël se fait jour, plus nombreux sont les gens dans le monde qui comprennent que nous sommes face à un génocide en Palestine, plus, en France, le Grand Capital, à travers ses relais que sont l’État capitaliste ou les media, publics ou aux mains des milliardaires serre la vis, pour empêcher que la vérité ne se fasse jour.
Le discours des véhicules de l’idéologie dominante est désormais bien au point, avec ses multiples facettes. La base consiste à ne jamais, ou alors le moins possible, parler du sort de la population de Gaza, ne surtout montrer aucune image des massacres. Le langage est important aussi, ne serait-ce que le mot de frappe à la place de bombardement. Et enfin, à chaque fois que le sujet est abordé, il s’agit de reprendre exclusivement le discours de la propagande sioniste, en nous abreuvant des mots « antisémite » ou « terrorisme ». Pour finir, un silence absolu sur les destructions de bâtiments, y compris historiques, tant au Liban qu’à Gaza, sur le ciblage des humanitaires, des personnels de la protection civile au Liban ou des professionnels de Santé (tués ou kidnappés) à Gaza.
 
Le discours radicalement prosioniste
Le discours pro-israélien a toujours été fortement présent, depuis plus d’un an et bien avant. Cette argumentation autour du « seul pays démocratique » et du « droit à se défendre » tend à laisser place à une autre où les véritables buts de l’entité sioniste sont dits et assumés. On peut citer le discours du Ministre des Affaires étrangères, Barrot, qui indique qu’Israël est l’État du « peuple juif », ce qui, au vrai sens du terme, est antisémite quand on sait le nombre de Juifs dans le monde qui ne veulent surtout pas être des soutiens d’Israël et ont ce fameux cri : « Pas en notre nom ! ». Mais ce qui frappe, c’est surtout le nombre astronomique de consultants et autres experts en tous genres, qui « se lâchent » sur les plateaux en faisant passer les sionistes pour des victimes ou en reprenant le thème cher à Netanyahu de défense de la civilisation ou encore en proférant des insultes racistes contre les Arabes (ce qui se mélange souvent au discours raciste général et inclut donc la cible principale de ce discours, les Arabo-Berbères du Maghreb), insultes qui passent inaperçues sur les plateaux et ne sont relevées que par les réseaux sociaux. Ce discours vantant l’éradication des « terroristes » est très loin d’être le seul fait des Habib ou Yadan, de nombreuses stars du système et certains professeurs d’universités le tiennent aussi. De nombreux politiciens macronistes (Braun-Pivet, Haddad, Bergé entre autres) sont à deux doigts de dire ces choses crûment. Que dire de la réaction de Mme Braun-Pivet, qui « ne comprend pas ce qu’il a voulu dire » quand Macron indique à Netanyahu qu’on ne peut défendre la civilisation en semant la barbarie ?
 
Le discours prosioniste plus déguisé
On connaît aussi une posture plus pernicieuse, celle qui relaie, par exemple, le discours éhonté des soi-disant boucliers humains, qui justifie les bombardements des hôpitaux ou des écoles, en les concevant comme des lieux d’abris des combattants palestiniens et non des lieux d’apprentissage ou de soins. Le comble est atteint avec une chroniqueuse qui déclare qu’on ne devrait pas « mettre de civils dans les hôpitaux de Gaza », comme si l’important n’était pas de soigner les blessés ou les malades, mais de détruire les hôpitaux sans trop de massacres. Il est bon de rappeler qu’à aucun moment l’armée d’occupation n’a pu prouver que les hôpitaux de Gaza abritaient des « centres de commandement du Hamas », comme dit leur propagande. Et quand un journaliste ose douter, à la vue d’un reportage sur le Liban, qu’il y ait un tel centre dans les souterrains mis à jour par l’armée d’invasion, le colonel Rafowicz, porte-parole de l’armée sioniste et de BFM TV se fâche tout rouge et s’étonne de la question « pour une démocratie ». Une démocratie, c’est donc un État qui soutient Israël et relaie sa propagande sans émettre le moindre doute. On peut ajouter les doutes suggérés sur le nombre de morts à travers l’expression « le ministère de la Santé du Hamas » et non de Gaza, l’absence de référence aux nombres d’enfants tués, ou le fait de ne systématiquement parler que du Hamas, et pas des autres mouvements de la Résistance palestinienne ; il est vrai que, même si l’UE traite de « terroriste » le FPLP, il sera difficile, même au plus zélé des prosionistes de l’assimiler à DAESH. Ensuite, relève de ce discours plus pernicieux, les affirmations distinguant les morts civils de Gaza de ceux du 7 octobre 2023, parce que les premiers seraient victimes soit de dommages collatéraux, soit du Hamas, soit des deux : « Que le Hamas rende les otages et la guerre s’arrête » peut-on lire ou entendre, alors que les « journalistes » savent pertinemment que c’est faux. Mais comme il s’agit, contrairement au premier discours, de cacher les vrais buts de l’entité sioniste, à savoir massacrer et chasser les Palestiniens, tout est bon pour mentir et tromper.
 
Le discours des torts partagés
Sur le fond, tous les tenants des torts partagés sont d’accord pour deux choses. D’abord, même s’ils utilisent les mots « colonie » ou « colonisation », ils ne caractérisent pas vraiment le conflit colonial car ils ne caractérisent pas l’État sioniste comme un État colonial et raciste, qui est la source de tous les problèmes. Donc, ils sont d’accord pour la pseudo-solution à deux États (en évitant rigoureusement d’évoquer Oslo) et donc pour le maintien de l’État colonial sioniste. Leur cible n’est pas le sionisme, mais le " gouvernement d’extrême-droite de Netanyahu". Et, s’ils évoquent les souffrances du peuple palestinien, même si, ici et là, certains disent que les Palestiniens ont le droit de se défendre, ils ne parlent ni de la Résistance armée palestinienne, ni de celle du Liban.
Pour autant, on peut en distinguer deux. Il y a le discours des torts partagés totalement acceptable par les media et l’État, c’est celui incarné par Fabien Roussel : il ne parle de la Palestine que de temps en temps, et, reprend par ailleurs le discours de la propagande sioniste sur la plupart des événements, parle d’antisémitisme de telle manière qu’il est impossible de ne pas comprendre qu’il défend au moins en partie les sionistes. Sa réaction scandaleuse au moment des événements d’Amsterdam (nous y reviendrons plus bas) est très significative d’un discours qui veille surtout à ne pas soutenir du tout la Résistance palestinienne et à ne pas s’engager du tout dans une réelle dénonciation du colonialisme.
Il y a aussi le discours des torts partagés à peine toléré, celui de certains représentants de LFI, comme les députés Caron ou Guiraud. Les journalistes les supportent difficilement, parce qu’ils les mettent souvent devant leurs responsabilités. Et l’on peut facilement penser que leur défense de la Palestine n’est pas une posture mais une position sincère. Pour autant, ils servent les dominants et leur idéologie, parce qu’ils sont caractérisés comme des fermes défenseurs des Palestiniens, voire des fermes opposants à Israël, et, cerise sur le gâteau, des gens d’extrême-gauche, alors qu’ils ne sont rien de tout ça. On ne peut réellement défendre le peuple palestinien sans défendre sa Résistance armée et sans vouloir la fin de l’État colonial sioniste. Il est d’ailleurs intéressant de regarder comment se passent les choses lorsque les journalistes les interpellent en leur demandant pourquoi les pays arabes ne proposent pas d’accueillir les Palestiniens ou encore pourquoi ils s’intéressent tant à la Palestine, et pas au Soudan, au Myanmar, au Congo. Nous sommes là dans le comble, non seulement de l’hypocrisie, mais aussi de l’empêchement de caractériser le conflit comme colonial. Comme on ne leur répond presque jamais que les Palestiniens ne veulent pas partir et jamais que la Palestine a une importance particulière parce que c’est un conflit colonial et non impérialiste ou impérialiste par procuration (le Soudan), eh bien cela fonctionne plutôt bien.
L’idée est donc bien d’écarter du débat public tous les antisionistes réels, de plus en plus victimes de répression et, pour cela, de fixer une limite au débat : celle de condamner les actions du Hamas, ce qui interdit de discuter ou même seulement de questionner le discours de la propagande israélienne sur le déroulé de la journée. C’est d’ailleurs significatif de voir l’écart de traitement qu’il y a entre ces dirigeants de LFI et Rima Hassan.
 
Amsterdam
La maire d’Amsterdam, Femke Halsema, a répondu le 17 novembre à une interview télévisée, et, le moins que l’on puisse dire, c’est que ses propos, qui remettent l’église au milieu du village, n’ont pas plus à nos media. Elle est simplement revenue sur le véritable déroulement des événements et a regretté d’avoir, le 7 novembre, utilisé le mot pogrom. C’est d’ailleurs à peu près la seule chose que retiennent nos media, à commencer par BFM. Voici ce que rapporte un « journaliste » de la chaîne possédée par Rodolphe Saadé des propos de Femke Halsema : « Si j'avais su que cela serait utilisé politiquement de cette manière, y compris comme propagande... Je ne veux rien avoir à faire avec cela ». Et, le « journaliste », d’ajouter ce commentaire : « regrette-t-elle en déplorant une réutilisation de ses propos par les officiels de l'État hébreu. ». Or c’est bien le contraire que dénonce la maire d’Amsterdam, non pas une instrumentalisation a posteriori de ses propos outranciers de l’époque, elle avait parlé de « cocktail d’antisémitisme et d’hooliganisme », mais bien une mise en condition préalable où les mots des dirigeants génocidaires ont précédé les siens. Le Premier ministre israélien avait tenu une conférence de presse dans l’heure qui a suivi les bagarres à Amsterdam, qualifiant ces évènements de « chasse aux Juifs » et de « pogrom palestinien », présentant les supporters de Maccabi comme des victimes. Comme beaucoup d’élus européens, la maire d’Amsterdam avait repris mot pour mot les accusations lancées par Israël, sans attendre de connaître le rapport de police. Elle a confirmé lors de son interview qu’elle avait été instrumentalisée a priori et qu’il y avait eu des pressions du gouvernement, lui-même sous pression de Netanyahu. Cela montre que tout cela avait bien été planifié et organisé à l’avance par les sionistes.
Mais, ce n’est pas tout pour le compte de BFM TV. Le 7 novembre, la chaîne a diffusé, quasiment en boucle une vidéo tournée à Amsterdam, censée montrer des Hollandais, dont une majorité de gens d’origine marocaine, s’en prenant très violemment à des supporters du Maccabi Tel Aviv. En voilà, une preuve ! Et patatras ! Voilà que la journaliste qui a filmé et commenté la vidéo, révèle, dès le 8 novembre que, pas du tout, cette vidéo montre des hooligans sionistes s’en prenant à des supporters de l’Ajax d’Amsterdam… Cinq jours après, le 13 novembre, BFM a posté sur X un message disant que, après vérification, cette vidéo montrait bien les exactions des hooligans sionistes. Mais, en a-t-il été question à l’antenne ? Poser la question, c’est y répondre. On a fait défiler le bandeau, mais jamais abordé la question sur le plateau.
 
Rétablir la vérité et développer la solidarité avec les Palestiniens
Pour le Parti Révolutionnaire Communistes, faire face à ce silence mortel et ce torrent de mensonges nécessite d’avoir des positions bien claires, et d’abord de bien caractériser que cette guerre oppose un peuple colonisé, qui résiste par les moyens qu’il a choisis à un État colonisateur, manipulateur, oppresseur et génocidaire. Ensuite, nous répétons que, tant que cet État existera sous la forme qu’il a, il n’y aura ni paix, ni solution politique possible.
Le déploiement de sa force militaire au Liban, les plans pour détruire toute vie palestinienne dans le nord de Gaza, la mainmise grandissante sur les terres des Palestiniens de Cisjordanie ne changent rien à l’affaire, l’État sioniste montre ses muscles pour cacher qu’il n’arrive pas à atteindre ses buts. Les Palestiniens, avec ou sans armes, résistent et l’armée d’occupation est en difficulté, l’État sioniste lui-même est au bord de la rupture. La Résistance libanaise, malgré les coups portés, s’organise et veille. Voilà de quoi mettre du baume au cœur à celles ceux qui combattent à leur manière pour la libération de la Palestine. Si les buts des sionistes sont désormais clairs, il y a loin de la coupe aux lèvres !
 
Comme tous ces partisans de la libération de la Palestine dans le monde, nous continuons et nous continuerons, inlassablement, d’exiger un cessez-le-feu immédiat et permanent, de même que l’accès libre aux humanitaires dans toute la Bande de Gaza, et le retrait total des forces d’occupation de l’enclave. Mais, cela ne saurait suffire.
Une paix juste, c’est le démantèlement des colonies, le retour des réfugiés et un Etat palestinien indépendant. Ce qui empêche une telle paix c’est l’existence d’un Etat colonial. Les travailleurs d’Israël ne peuvent être libres s’ils ne rompent pas avec le sionisme, s’ils continuent de se trouver objectivement dans le camp des colonisateurs. La solidarité avec la Palestine ne peut se contenter de phrases générales sur la paix. Il faut un Etat où tous les habitants jouissent des mêmes droits et puissent vivre ensemble, quelles que soient leur origine, en l’occurrence, un État palestinien démocratique. De même, la lutte de libération nationale du peuple palestinien n’a pas besoin de compassion, mais d’un réel soutien politique et d’actions de solidarité internationaliste. Et pour la France, où les Révolutionnaires, comme ailleurs, doivent combattre d’abord leurs capitalistes, cela commence par la lutte politique contre le soutien de l’impérialisme français à l’État colonial sioniste.
 
C'est pourquoi, le Parti Révolutionnaire Communistes entend continuer de rassembler tous ceux qui veulent un cessez le feu immédiat pour que cesse le massacre des Palestiniens et se prononcent pour la paix. Pour nous, cela passe par le soutien aux revendications fondamentales du mouvement de libération nationale palestinien, surtout après l’assassinat d’un de ses dirigeants : fin immédiate de l'agression militaire sioniste, droit au retour des réfugiés et formation d'un État palestinien sur le territoire de la Palestine mandataire.