Gantry 5

 

N° 896 23/10/2024  Une tragédie humaine est en cours dans le camp de Jabaliya, déclaré zone militaire et complètement assiégé depuis le 12 octobre. Sur les rares images dont nous disposons, on peut voir des bâtiments en ruines avec des débris éparpillés sur le sol. De nombreuses personnes, dont des familles et des individus, se déplacent sur la route. Certains utilisent des véhicules à trois roues, tandis que d’autres marchent à pied. Des Palestiniens transportent leurs affaires alors qu’ils fuient les zones situées au nord de la ville de Gaza, dans le nord de la bande de Gaza.
Des habitants affamés, épuisés et contraints de se déplacer sous les balles : telles sont les conditions infernales décrites par les habitants de la partie nord de la bande de Gaza. Selon Giora Eiland, général de division à la retraite, ancien stratège de l’armée israélienne, et ancien chef du Conseil national de sécurité d’Israël, l’armée israélienne annonce vouloir affamer à mort « les quelque 5.000 membres du Hamas » présents dans la région.
Les quelques 100.000 habitants de Jabaliya ont déjà été particulièrement éprouvés : un carrefour très fréquenté au cœur du camp a été le théâtre de la première frappe israélienne au lendemain de l’attaque du 7 octobre 2023, faisant 50 morts et plusieurs blessés. Une dizaine d’autres massacres comme celui-ci suivront. Ces massacres à répétition, bien que de plus en plus meurtriers, ne sont pas parvenus à chasser l’ensemble des habitants de ce camp, eux-mêmes descendants de réfugiés de la Nakba et conscients des ambitions expansionnistes d’Israël. L’opération actuelle arrive alors que l’armée israélienne avait déjà annoncé, à deux reprises, en mai puis en juillet 2024, la fin de ses opérations militaires dans le nord de Gaza.
Au rond-point Abou Charar, au cœur du camp, les scènes sont apocalyptiques : routes défigurées et immeubles éventrés, rendant méconnaissable l’ancien paysage urbain. Les habitants attribuent cette destruction à l’utilisation par l’armée israélienne de robots chargés d’explosifs, déployés sans discernement. Une vidéo, diffusée par Al-Jazira en mai 2024, avait confirmé le déploiement à Jabaliya de telles armes contrôlées à distance par les forces israéliennes.
Le 6 octobre 2024, Avichay Adraee, porte-parole de l’armée israélienne en langue arabe, déclare la partie nord de l’enclave zone militaire et ordonne l’évacuation de ses habitants. Or, comme au début de la guerre il y a un an, des habitants qui tentent d’évacuer la zone, en passant pourtant par les routes indiquées, sont également ciblés par l’armée israélienne.
Chaque endroit est une cible légitime pour les avions de chasse israéliens, toujours abondamment ravitaillés par les États-Unis. Dans leur ligne de mire se trouve aussi la dernière boulangerie du nord de l’enclave. Elle a été réduite en cendres lors d’un bombardement israélien le 8 octobre 2024. La dernière minoterie a brûlé le lendemain. En mai 2024, plusieurs agences des Nations unies, dont le Programme alimentaire mondial (PAM), déclaraient déjà une « famine généralisée » dans le nord de Gaza. Aujourd’hui, les habitants ne reçoivent ni eau ni nourriture « depuis au moins vingt jours », témoigne un résident de Jabaliya.
Depuis leur encerclement par l’armée israélienne, les habitants se retrouvent confrontés à un dilemme : se rendre ou mourir de faim. Cette opération semble s’inspirer du plan de Giora Eiland proposé dès le 4 septembre 2024 : « Non pas que nous vous suggérons de quitter le nord de la bande, mais nous vous ordonnons de quitter la zone... Aucun ravitaillement n’entrera dans cette partie du territoire. » Affamer la population après l’avoir chassée de cette zone s’inscrit dans un plan plus large qui vise à annexer le nord de Gaza, après l’avoir vidé de sa population
Pour mener à bien son entreprise, le gouvernement de Benyamin Netanyahou cherche encore une fois à éloigner les témoins, notamment les journalistes, toujours interdits d’accès dans l’enclave palestinienne. Et, bien entendu, c’est le blocus total dans nos media sur ce massacre.
Un des derniers journalistes présents à Jabaliya, Hassan Hamad, 19 ans, a été tué le 6 octobre, ciblé chez lui par un tir de sniper. Selon la chaîne Al-Jazira, il aurait reçu des menaces de l’armée israélienne lui ordonnant de cesser de filmer. Fadi Al-Whidi, caméraman pour la chaîne panarabe, filmait lui aussi les bombardements et les opérations militaires au cœur de Jabaliya le 9 octobre, lorsqu’il a été blessé par balle, ainsi que son collègue Tamer Lobod. Le corps de Fadi Al-Whidi est resté plusieurs heures au bord de la route avant qu’on puisse le transporter à l’hôpital. Les deux journalistes se trouvent encore dans un état critique.
Anas Al-Sharif, correspondant de la chaîne qatarie, est le seul journaliste professionnel à continuer de diffuser des images depuis cette zone. Il est également menacé par l’armée israélienne via WhatsApp. Envisageant le pire, comme la plupart des habitants, il a partagé un poignant message d’adieu sur son compte X le 14 octobre.
Depuis, l’armée sioniste a bombardé deux des hôpitaux du nord de la Bande, l’hôpital Al-Aqsa, avec cette image des gens brûlés vifs que nous avons tous vue et l’hôpital indonésien. Parmi les images circulant sur les réseaux sociaux, depuis la nuit du 22 au 23 octobre, on en compte une montrant les cadavres de deux fillettes. Ou, depuis plusieurs jours, celle d’une fillette transportant sa petite sœur sur le dos et marchant sur une route, fuyant les hordes sionistes. On voit aussi des gens sur les routes, entourés de soldats sionistes surarmés, des écoles qui brûlent. C’est le vrai visage de l’entité sioniste.
 
Des échos de Palestine, du Liban et de France
Un jeune enfant palestinien de 10 ans a été assassiné le 22 octobre d’une balle dans la tête par un sniper israélien, alors qu’il jetait un caillou sur un blindé militaire à Naplouse.
Au Liban, la ville de Tyr, une des plus anciennes du monde, considérée comme la perle de la Méditerranée, est sous les bombes israéliennes ce 23 octobre. Fondée par les Phéniciens, Tyr a connu les Perses, les Grecs de la période hellénistique, les Romains, les Arabes, les Croisés, les Mamelucks, les Ottomans et est désormais menacée de mort par les fascistes sionistes.
70.000 personnes ont participé à la manifestation de solidarité avec la Palestine à Bruxelles, le 20 octobre.
Du ministère de la santé de Gaza, le 23 octobre : « Nous demandons au monde, qui n’a pas réussi à nous fournir de la protection, de la nourriture et des médicaments, qu’il nous fournisse juste des linceuls pour enterrer nos morts. ».
Le docteur Hossam Abu Safiya, directeur de l’hôpital Kamal Adwan, situé à Beit Lahia, dans le nord de Gaza, a déclaré le 22 octobre que l’hôpital allait se transformer en fosse commune. Il n’y a plus de linceul pour enterrer les morts et les réserves de carburant sont sur le point d’être épuisées. L’armée sioniste cible directement les bâtiments de l’hôpital, via des drones Quadricopter et de l’artillerie. Qualifiant la situation de catastrophique, le docteur Abu Safiya appelle les institutions internationales à intervenir directement pour sauver autant de patients et blessés que possible dans les services hospitaliers.
Le 14 octobre, pour toucher un membre supposé du Hezbollah, l’armée génocidaire a bombardé un village chrétien du sud Liban, Aito, qui accueillait des réfugiés chiites, résultat : 24 morts. Le quotidien des crimes perpétrés par l’entité sioniste.
Le 20 octobre, l’aviation sioniste a bombardé Beyrouth 12 fois en 12 heures.
« Les Palestiniens doivent payer un prix à leur agression et leur haine, pour les 1 200 morts, ce prix, c’est la terre. », Meyer Habib, fasciste sioniste bien connu.
« Gaza est à nous pour l’éternité », Itamar Ben Gvir, ministre fasciste de la sécurité intérieure du gouvernement sioniste.
« Rappeler l’évidence, à savoir que les attaques et les crimes du 7 octobre ont un rapport étroit avec l’occupation israélienne, est qualifié d’obscénité, de soutien au Hamas. Leur monde est simple, binaire comme il se doit : il y a les démocraties, dont Israël est un phare, et il y a la barbarie islamiste, dont le Hamas est le visage hideux. Par contraste, on peut entendre des appels explicites au meurtre, librement exprimés dans des médias audiovisuels, qui se justifient du droit d’Israël à se défendre, de la nécessité d’éliminer les tueurs de juifs au nom des leçons de la Shoah. Nombre de ces propos auraient pu faire l’objet de poursuites judiciaires pour apologie de la terreur s’ils avaient été proférés en sens inverse. Rien de cela ne s’est produit, pas plus que la mise en cause de ces milliers de jeunes Franco-Israéliens qui combattent dans les rangs de l’armée et participent activement à cette entreprise guerrière potentiellement génocidaire. » Rony Brauman, extrait de la préface au "Livre noir de Gaza".
 
Les buts de guerre des sionistes apparaissent désormais complètement au grand jour
Plus personne ne peut ignorer les massacres en cours dans le nord de Gaza, où, désormais, les soldats de l’occupation placent des explosifs au sol dans des cibles pour leurs avions, afin que l’impact soit le plus meurtrier possible. Plus personne ne peut ignorer ces bombardements aveugles, à Gaza comme au Liban. Plus personne ne peut ignorer que l’armée barbare de la « seule démocratie du Proche-Orient » charge ses tireurs d’élite d’abattre des enfants d’une balle dans la tête.
Ce qui se passe depuis un an à Gaza est une horreur inédite. Aucune retenue, aucune éthique, aucun respect minimum de la condition humaine. A la place, des assassinats de masse ; des bombardements aveugles sous l’appellation « frappes ciblées » ; des crimes de guerre et contre l’humanité ; l’emploi d’armes les plus sophistiquées contre une population civile privée de tout y compris de nourriture, d’eau, de soins de santé ; une rage destructrice contre tout établissement scolaire ou universitaire et toutes traces du passé archéologique palestinien, tant musulman que chrétien ; l’encouragement de pogroms par des colons protégés par l’armée du régime ; l’usage répandu de tortures tant psychologiques que physiques ; une ingénierie sordide utilisant des appareils de communication répandus dans la société civile pour tuer et handicaper n’importe qui, y compris d’innocents enfants ; bref, une extermination absolue minutieusement orchestrée par des assassins en cols blancs... que seule une mentalité profondément raciste et génocidaire peut animer.
Et au Liban, c’est le même processus qui se met en place. S’il se heurte à une résistance bien plus importante, la progression au sol de l’armée d’invasion est quasi-nulle, les intentions sont les mêmes. Quand l’armée sioniste bombarde les hôpitaux de Beyrouth et s’apprête à détruire Tyr, on retrouve les symboles de la guerre génocidaire de Gaza (destruction des hôpitaux et des monuments les plus anciens). Tyr, Hérodote l’a écrit en visitant la Ville en 450 avant notre ère, l’archéologie l’a confirmé, est une ville qui date de 4.700 ans. Quand, comme les sionistes, on n’a pas d’histoire et on veut s’en fabriquer une de toutes pièces, on détruit celle des autres, pour qu’elle ne vienne pas concurrencer le récit mensonger.
Effacer toutes les traces de la présence des Palestiniens dans le nord de Gaza ou des Libanais au sud du fleuve Litani participe de la même volonté : agrandir l’État sioniste, constituer le fameux Grand Israël, avec, dans un premier temps l’annexion de Gaza nord (et probablement ensuite, toute la Bande) de la partie sud du Liban, de la Cisjordanie et du Golan syrien, déjà occupé. Il n’y a plus aucun doute là-dessus, la lutte contre la Résistance palestinienne et celle du Liban n’intervient que parce que ces forces s’opposent à ce projet et défendent leur terre.
Attention, parce que les plans des fanatiques, Ben Gvir et Smotrich incluent un territoire plus vaste, donné par Dieu au peuple juif selon la légende qui sert d’argument à pas mal de sionistes, désormais. Ce territoire comprend des empiètements sur l’Egypte (et une partie de la rive gauche du Canal de Suez), le nord de l’Arabie Saoudite et des morceaux de la Jordanie et de l’Irak. Derrière la fumée du discours messianique se trouve la réalité des confrontations au sein de l’impérialisme. Israël est et reste le pion de l’impérialisme occidental dans la région, il s’agit d’en faire le dominant local, aux dépens des puissances impérialistes rivales (l’Iran) ou simplement mécontente de la course systématique à la guerre impulsée et organisée par l’impérialisme dominant (Arabie, Egypte). L’État sioniste poursuit à la fois sa mission propre de colonisation de substitution (chasser ou tuer les résidents des peuples autochtones) mais aussi celle dont il est chargé par l’impérialisme dominant (s’agrandir et dominer tous les pays de la région). Cette tâche n’est certes pas réalisée, la Résistance est toujours vive, y compris dans le camp de Jabaliya, dans le nord de la Bande, où les chars Merkeva font souvent de mauvaises rencontres, mais c’est bel et bien le but des sionistes, de tous les sionistes, pas seulement de Netanyahu et de ses amis fascistes, c’est la réalisation du projet sioniste initial.
Malgré toute l’horreur, il y a un avantage aux périodes de crises graves : c’est qu’elles révèlent les vrais visages de ceux qui gouvernent et ont pris l’habitude de se dissimuler derrière de beaux discours. Et l’avantage, de taille, de l’opération des organisations de la Résistance « Déluge d’al-Aqsa » qui a démarré à Gaza le 7 octobre 2023 est qu’à l’ère d’internet, il révèle aux yeux du monde toutes les saloperies dont les hérauts de nos démocraties et leurs relais sont capables. Et rien que pour cela, nous pouvons saluer, remercier et soutenir les Résistants palestiniens pour leur exemplaire courage.
 
En conclusion
Le déploiement de sa force militaire au Liban, les plans pour détruire toute vie palestinienne dans le nord de Gaza, la mainmise grandissante sur les terres des Palestiniens de Cisjordanie ne changent rien à l’affaire, l’État sioniste montre ses muscles pour cacher qu’il n’arrive pas à atteindre ses buts. Les Palestiniens, avec ou sans armes, résistent et l’armée d’occupation est en difficulté, l’État sioniste lui-même est au bord de la rupture. La Résistance libanaise, malgré les coups portés, s’organise et veille. Voilà de quoi mettre du baume au cœur à celles ceux qui combattent à leur manière pour la libération de la Palestine. Si les buts des sionistes sont désormais clairs, il y a loin de la coupe aux lèvres !
Comme tous ces partisans de la libération de la Palestine dans le monde, nous continuons et nous continuerons, inlassablement, d’exiger un cessez-le-feu immédiat et permanent, de même que l’accès libre aux humanitaires dans toute la Bande de Gaza, et le retrait total des forces d’occupation de l’enclave. Mais, cela ne saurait suffire.
Une paix juste, c’est le démantèlement des colonies, le retour des réfugiés et un Etat palestinien indépendant. Ce qui empêche une telle paix c’est l’existence d’un Etat colonial. Les travailleurs d’Israël ne peuvent être libres s’ils ne rompent pas avec le sionisme, s’ils continuent de se trouver objectivement dans le camp des colonisateurs. La solidarité avec la Palestine ne peut se contenter de phrases générales sur la paix. Il faut un Etat où tous les habitants jouissent des mêmes droits et puissent vivre ensemble, quelles que soient leur origine, en l’occurrence, un État palestinien démocratique. De même, la lutte de libération nationale du peuple palestinien n’a pas besoin de compassion, mais d’un réel soutien politique et d’actions de solidarité internationaliste. Et pour la France, où les Révolutionnaires, comme ailleurs, doivent combattre d’abord leurs capitalistes, cela commence par la lutte politique contre le soutien de l’impérialisme français à l’État colonial sioniste.
 
C'est pourquoi, le Parti Révolutionnaire Communistes entend continuer de rassembler tous ceux qui veulent un cessez le feu immédiat pour que cesse le massacre des Palestiniens et se prononcent pour la paix. Pour nous, cela passe par le soutien aux revendications fondamentales du mouvement de libération nationale palestinien, surtout après l’assassinat d’un de ses dirigeants : fin immédiate de l'agression militaire sioniste, droit au retour des réfugiés et formation d'un État palestinien sur le territoire de la Palestine mandataire.