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N° 887 22/08/2024  L’armée « la plus morale du monde » utilise des boucliers humains
Nos vies sont plus importantes que les leurs
Le journal israélien Haaretz a rapporté le 13 août dernier que l’armée sioniste d’occupation utilisait des Palestiniens comme boucliers humains pour des opérations risquées, notamment pour inspecter les tunnels potentiellement piégés à l'explosif. Une pratique illégale, mais connue de l'état-major israélien.
Haaretz a mené une enquête et rapporté plusieurs témoignages de soldats et de commandants de Tsahal indiquant qu'ils se servaient des Gazaouis pour leurs opérations. Vêtus comme des soldats avec des baskets de sport et non des bottes, menottés et munis d'une caméra, les Palestiniens forcés de travailler pour l'armée israélienne sont facilement reconnaissables. Ils sont appelés « shawish », un mot arabe d'origine turque qui signifie « sergent ». Ils sont notamment envoyés dans les tunnels du Hamas pour sécuriser les lieux et prendre le risque de tomber sur des engins explosifs. 
« Nos vies sont plus importantes que les leurs », a notamment souligné un soldat israélien au média Haaretz. Ces actions de l’armée d’occupation se font au vu et au su de l'état-major. L'enquête rapporte qu'il y a plusieurs mois, l'armée avait récupéré deux Gazaouis âgés respectivement de 16 et 20 ans et qu'elle avait reçu comme directive de s'en servir comme boucliers humains. 
 
Entrer dans les maisons occupées par le Hamas
De surcroît, d'après l'enquête, l'armée israélienne a également utilisé des personnes âgées habillées en militaires pour entrer dans des maisons soi-disant occupées par les résistants palestiniens dans l'enclave gazaouie. Selon les propos d'un soldat rapportés par Haaretz, on encourage les Palestiniens à mener une opération en leur promettant de leur rendre la liberté. Un soldat a déclaré qu'à chaque opération dans les tunnels, l'armée envoyait un Palestinien dix minutes plus tôt pour s'assurer de la non-présence d'explosifs sur les lieux et éviter une embuscade des combattants du Hamas. Cette pratique aurait divisé les troupes coloniales, certains se disant favorables, d'autres émettant des réserves. 
Haaretz indique également que cette méthode avait déjà été utilisée lors de la seconde intifada en 2002 lorsqu'il fallait entrer dans des habitations de suspects palestiniens. Une procédure qui avait été condamnée par la Cour suprême. 
 
Des unités de l'armée israélienne déguisées en Gazaouis
Outre l'utilisation des Palestiniens pour mener des opérations à risque, les Israéliens se cachent également parmi la population pour obtenir des renseignements ou neutraliser des personnes recherchées. En hébreu, l’appellation « mista’arvim » signifie littéralement « ceux qui veulent se faire passer pour des Arabes ». Ce nom recouvre plusieurs unités spéciales de la police israélienne des frontières, ayant reçu une formation de 15 mois, dont quatre entièrement consacrés à l’apprentissage des traditions, de la langue et du mode de pensée palestiniens, jusqu’au camouflage civil (teinture des cheveux, lentilles de contact, vêtements). Le but est de passer inaperçu et gagner la confiance des locaux afin d’accumuler des informations, appréhender par surprise des militants ou assassiner des adversaires. 
Cette technique a été notamment utilisée par l'armée israélienne pour récupérer quatre captifs au mois de juin dernier, comme l'a rapporté le journal libanais L'Orient-Le Jour. Des espions israéliens formés pour infiltrer la population palestinienne avaient loué une maison à Nousseirat, prétendant être de riches déplacés de Rafah, à quelques rues de la place où étaient retenus les captifs. Pendant plusieurs jours, les agents israéliens ont glané des informations sur le bâtiment et la situation des otages, préparant le terrain pour l’intervention des commandos de l’armée. Un travail effectué entièrement sous couverture par des unités de « mista’arvim », qui maîtrisent à la perfection les codes culturels, le dialecte gazaoui et se fondent dans une population où chacun devient un indicateur insoupçonné. L'opération avait fait plus de 274 victimes et 700 blessés, avait indiqué le ministère de Santé de Gaza.
Cette unité israélienne existe depuis la création de l'État hébreu pour s'informer sur les Palestiniens. Initialement, les agents étaient des Juifs provenant des autres pays arabes limitrophes. 
 
La Cour Internationale de Justice et l’État palestinien
L’ambiguïté de la résolution 242
Après l’invasion par l’État colonial sioniste des territoires occupés en 1967, le conseil de sécurité a adopté, sous l’influence de l’URSS, la résolution 242 qui proclame « l’inadmissibilité de l’acquisition de territoires par la guerre ».
Mais les deux versions du texte, française et anglaise, pourtant de même valeur juridique, divergent quant à l’obligation d’un « retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés lors du récent conflit », en français, ou « de territoires occupés » (« from territories occupied »), en anglais.
L’utilisation de la version en anglais justifiera le retrait partiel et négocié de la part d’Israël, sous l’égide de Washington, « de territoires occupés », en lieu et place de l’exigence de l’évacuation de tous les territoires conquis par les armes. C’est le fameux principe de « la terre contre la paix » dont découlent les traités de paix signés par Israël avec l’Egypte, en 1979, puis avec la Jordanie, quinze ans plus tard. En revanche, les accords israélo-palestiniens sont conclus, de 1993 à 1995, sur la base de la reconnaissance d’Israël par l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), mais sans qu’Israël s’engage en retour à évacuer les territoires palestiniens occupés en 1967.
Les gouvernements israéliens successifs se sont employés à saper toute affirmation de souveraineté palestinienne, se contentant de déléguer des pouvoirs limités à l’Autorité palestinienne (AP) établie au fil des retraits progressifs et partiels de l’armée sioniste. L’État colonial a pu consolider sa domination par une gestion différenciée « des » territoires palestiniens : Jérusalem-Est a été annexée de fait dès 1967, officiellement en 1980 ; l’AP n’est parvenue à gérer qu’une partie de la Cisjordanie, où la colonisation israélienne s’est poursuivie, puis intensifiée ; la bande de Gaza, évacuée unilatéralement en 2005, a été placée sous blocus deux ans plus tard, en réaction à la victoire électorale du Hamas.
 
La décision de la CIJ
La Cour internationale de justice de La Haye, saisie en 2022 par l’Assemblée générale de l’ONU, a rendu, en juillet, un avis consultatif qui, malgré son absence de caractère contraignant, devra servir de référence à toute relance du processus de paix au Moyen-Orient. Non seulement la CIJ déclare « illicite » l’occupation israélienne, mais elle considère qu’il n’y a qu’un seul et même « territoire palestinien occupé », indépendamment des statuts différents qu’a pu y imposer Israël depuis 1967. Le renversement de perspective qu’implique l’emploi, par la plus haute instance du droit international, du singulier, au lieu du pluriel d’usage, est particulièrement lourd de sens à Gaza.
C’est sur l’intégralité de ce territoire palestinien occupé que doit, selon la CIJ, s’exercer le droit du peuple palestinien à l’autodétermination. Un tel droit est et demeure imprescriptible, car ne sauraient l’altérer ni les multiples faits accomplis d’Israël, à commencer par l’annexion de Jérusalem-Est et la colonisation de la Cisjordanie, ni la durée exceptionnelle de cette occupation. La CIJ ajoute que « les préoccupations d’Israël en matière de sécurité ne sauraient non plus l’emporter sur l’interdiction du principe de l’acquisition du territoire par la force », principe cardinal du droit international.
Gaza, partie intégrante du territoire palestinien occupé, demeurait largement sous le « contrôle effectif » d’Israël, même après le retrait de 2005, puisque l’Etat hébreu « continuait d’exercer certaines prérogatives essentielles sur la bande de Gaza, notamment le contrôle des frontières » et « le contrôle militaire de la zone tampon ». La CIJ précise que « cela est encore plus vrai depuis le 7 octobre 2023 », avec la réoccupation directe d’un quart de la superficie de l’enclave palestinienne, soumise dans son ensemble aux frappes et aux restrictions israéliennes.
La CIJ rappelle dès lors solennellement qu’Israël est dans l’obligation, à Gaza comme dans le reste du territoire palestinien occupé, d’appliquer les conventions de Genève de 1949 sur le droit de la guerre, et tout spécialement la quatrième de ces conventions sur la protection des civils en temps de guerre. Cette convention définit « les pouvoirs et les devoirs » de la « puissance occupante », qui est « tenue d’administrer le territoire dans l’intérêt de la population locale ». Mais la CIJ rappelle aussi que « tous les Etats sont dans l’obligation de ne pas reconnaître » la « présence illicite de l’Etat d’Israël dans le territoire palestinien occupé » et de ne pas lui « prêter aide ou assistance » à cet égard.
Un mois plus tard, Israël n’a toujours pas adressé de réaction officielle à la CIJ, Benyamin Nétanyahou s’étant contenté de qualifier un tel avis « d’absurde ».
Même si la Cour Internationale de Justice n’a pas les moyens de faire exécuter ses décisions, il n’en demeure pas moins que cet avais contribue à mettre l’État colonial sioniste au ban des nations, ce qui ne peut qu’être utile à la libération de la Palestine.  Le rapport de force international, les nombreuses manifestations de soutien à la cause palestinienne n’y sont pas pour rien.
 
« Négociations » sous contrôle US
Le cirque habituel autour des soi-disant négociations pour un cessez-le-feu à Gaza a repris. La situation est claire. Biden a pondu un plan en trois points il y a un mois, dont le troisième consiste notamment en l’évacuation totale de la Bande de Gaza par l’armée d’occupation. Au nom des organisations de résistance, le Hamas a accepté ce plan. Mais Netanyahu et ses amis n’en veulent pas et tentent de gagner du temps en participant à de prétendues négociations avec l’Egypte, le Qatar et surtout les USA.
Ce leurre des « négociations » se poursuit. Le secrétaire d’État US, Anthony Blinken s’est rendu à Jérusalem. La situation préélectorale aux Usa oblige les Démocrates au pouvoir à obtenir quelques garanties d’Israël ou à faire semblant d’en avoir obtenu, afin de ne pas perdre toute la partie de leur électorat qui soutient la Palestine. Dans cet exercice difficile, le mieux est de faire des annonces creuses.
C’est ce que vient de faire Blinken. Il a annoncé que Netanyahu avait accepté le plan de paix, mais sans en détailler le contenu. Non seulement aucun communiqué officiel sioniste n’est venu corroborer cette annonce, mais personne ne sait ce qui figure dans ce soi-disant plan de paix. Et Blinken de demander au Hamas de l’approuver. Il s’agit-là d’une énième tentative de faire croire que c’est la Résistance palestinienne qui refuse l’accord, alors que tout le monde sait depuis des mois que c’est l’État sioniste qui n’en veut pas.
Netanyahu n’en veut pas, parce que son projet c’est de finir le travail laissé inachevé par Ben Gourion en 1948.  Le but des dirigeants sionistes est bien de détruire la Bande de Gaza, en rasant toutes ses infrastructures, en détruisant les écoles et les hôpitaux, en tuant les journalistes, les personnels de l’UNRWA et les humanitaires, afin de chasser définitivement les Palestiniens survivants de leur territoire. Dans cette œuvre, il se moque comme d’une guigne su sort des captifs.
 
En conclusion
Nous continuons et nous continuerons, inlassablement, d’exiger un cessez-le-feu immédiat et permanent, de même que l’accès libre aux humanitaires dans toute la Bande de Gaza, et le retrait total des forces d’occupation de l’enclave. Mais, cela ne saurait suffire.
Une paix juste, c’est le démantèlement des colonies, le retour des réfugiés et un Etat palestinien indépendant. Ce qui empêche une telle paix c’est l’existence d’un Etat colonial. Les travailleurs d’Israël ne peuvent être libres s’ils ne rompent pas avec le sionisme, s’ils continuent de se trouver objectivement dans le camp des colonisateurs. La solidarité avec la Palestine ne peut se contenter de phrases générales sur la paix. Il faut un Etat où tous les habitants jouissent des mêmes droits et puissent vivre ensemble, quelles que soient leur origine, en l’occurrence, un État palestinien démocratique. De même, la lutte de libération nationale du peuple palestinien n’a pas besoin de compassion, mais d’un réel soutien politique et d’actions de solidarité internationaliste. Et pour la France, où les Révolutionnaires, comme ailleurs, doivent combattre d’abord leurs capitalistes, cela commence par la lutte politique contre le soutien de l’impérialisme français à l’État colonial sioniste.
C'est pourquoi, le Parti Révolutionnaire Communistes entend continuer de rassembler tous ceux qui veulent un cessez le feu immédiat pour que cesse le massacre des Palestiniens et se prononcent pour la paix. Pour nous, cela passe par le soutien aux revendications fondamentales du mouvement de libération nationale palestinien, surtout après l’assassinat d’un de ses dirigeants : fin immédiate de l'agression militaire sioniste, droit au retour des réfugiés et formation d'un État palestinien sur le territoire de la Palestine mandataire.