Gantry 5

 

N° 08/08/2024  La torture, pratique usuelle de l’armée israélienne
Le 31 juillet, le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme, Volker Türk, a publié un rapport affirmant que de nombreux Palestiniens ont été emprisonnés dans le secret avec dans certains cas un traitement pouvant s’apparenter à de la torture.
Dans un communiqué publié le 5 août, dix experts de l’ONU, qui sont mandatés par le Conseil des droits de l’Homme mais ne s’expriment pas en son nom, soulignent que « l’escalade du recours à la torture par Israël contre les Palestiniens en détention est un crime contre l’humanité qui peut être évité ».
Ils dénoncent la situation d’« impunité absolue» ainsi que « le silence des États (…) après l’émergence de témoignages et de rapports sur des allégations de mauvais traitements et de torture », et appellent « à faire pression sur Israël » en vue de mettre en œuvre un système d’accès, de surveillance et de protection des détenus palestiniens.
« Ce qu’il faut maintenant, c’est une présence internationale indépendante d’observateurs des droits humains. Ils doivent devenir les yeux du monde », ont-ils affirmé.
Les experts ont reçu « des informations étayées » faisant état de nombreux cas de torture, d’agressions sexuelles et de viols, « dans des conditions inhumaines atroces ».
« D’innombrables témoignages d’hommes et de femmes font état de détenus enfermés dans des sortes de cages, attachés à des lits, les yeux bandés et portant des couches, dévêtus, privés de soins de santé adéquats, de nourriture, d’eau et de sommeil » et soumis à des « électrocutions, y compris sur les parties génitales, au chantage et à des brûlures de cigarettes ».
Cette commission d’experts, qui sont tous bénévoles et indépendants, est composée de quatre rapporteurs spéciaux, d’un expert indépendant et de cinq membres du Groupe de travail du Conseil des droits de l’Homme sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles.
Selon le rapport du Haut-Commissariat publié la semaine dernière, au moins 53 prisonniers de Gaza et Cisjordanie sont morts durant leur détention par Israël entre le 7 octobre et le 30 juin.
Après les événements consécutifs à l’interpellation de 9 soldats qui ont torturé un prisonnier palestinien au centre de détention de Sde Teiman, le Guantanamo israélien, le débat sur le droit d’Israël à torturer est venu à la Knesset. Interrogé par un député du Hadash demandant « Insérer un bâton dans le rectum d’un homme, c’est légitime ? », un député du Likoud répond que tout est légitime contre des membres du Hamas. Voilà où en est la « seule démocratie du Proche Orient » !
Si la pratique de la torture contre des prisonniers palestiniens n’est pas neuve dans l’État sioniste, ce qui a changé, depuis le 7 octobre, c’est qu’elle est devenue systématique. Un rapport d’Amnesty International avait alerté, à la mi-juillet, sur un « recours généralisé à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements ». L’ONG a interrogé 27 Palestiniens de Gaza (21 hommes, 5 femmes et 1 mineur) qui venaient d’être libérés après avoir été maintenus en détention depuis plusieurs mois (jusqu’à sept pour certains) et deux avocats, qui ont récemment rencontré des détenus.
Quand-au rapport des experts du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, il fait état de milliers de Gazaouis en détention arbitraire, détenus au secret, sans motif d’inculpation, ni accès à un avocat. Parmi ces prisonniers figurent des femmes et des enfants, des médecins, des journalistes et des défenseurs des droits de l’Homme.
 
L’assassinat d’Ismaël Haniyeh et ses conséquences
Nous l’avons écrit précédemment, Israël cherche l’élargissement du conflit, pour faire en sorte que l’on ne parle plus de la vraie question, celle de la Palestine. Il est vrai que les media officiels, en France, n’ont guère besoin de cela, la question palestinienne est définitivement passée sous le tapis depuis le cirque électoral et les Jeux Olympiques.
Une chose, en tout cas, saute aux yeux : Netanyahu et son gouvernement se soucient comme d’une guigne du sort des captifs, puisqu’ils viennent d’éliminer le négociateur palestinien.
Un élargissement du conflit, n’est, en revanche, pas dans l’intérêt des principaux soutiens affichés de la Palestine. Le Hezbollah continue ce qu’il fait depuis le 7 octobre, cibler des bases militaires de l’État sioniste, et il y fait des dégâts.
Mais, malgré toutes les affirmations relatives à un nouvel axe, l'Iran est aussi isolé qu'Israël. La Chine et la Russie n'ont pas l'intention d'intervenir directement dans un conflit israélo-iranien. La Turquie, qui a pris position contre Israël sur Gaza, est en concurrence avec l'Iran autant qu'avec Israël. Sans parler du fait que l’assassinat du dirigeant palestinien sur son sol révèle les faiblesses du régime iranien, dont les services secrets sont probablement largement infiltrés par le Mossad.
La Syrie ne peut également pas intervenir. Le gouvernement de Damas et les forces pro-iraniennes sont sous pression de leurs ennemis sur le sol même de la Syrie. Qui sont ces forces ? Le PYD (Parti de l'union démocratique), que les États-Unis continuent de soutenir, est l'une d'entre elles. Mais ce n'est pas tout. Israël est également associé à certains groupes djihadistes en Syrie et leur fournit un soutien logistique. L'armée nationale syrienne, fièrement patronnée par l'AKP d’Erdogan, est en partenariat avec Israël dans la lutte contre l'armée syrienne et les milices pro-iraniennes. Enfin, la Russie, principal soutien militaire du régime baasiste, est occupée en Ukraine.
 Israël, en revanche, peut compter sur le poids militaire et politique des États-Unis dans la région, sur les bases de Chypre, que le Royaume-Uni et les États-Unis utilisent à leur guise, et sur ses relations profondément enracinées avec le PDK (Parti démocratique du Kurdistan) en Irak. Il convient également de noter la coopération étroite du PDK avec la Turquie. Et l’État colonial sioniste est prêt à exploiter toutes les failles en soutenant des groupes armés en Syrie, comme nous l’avons vu, ou en Irak et en jouant sur le conflit latent entre l’Iran et la Turquie.
Si la menace d’extension de la guerre est bien réelle, elle paraît tout de même peu réalisable dans l’immédiat, les tenants de « l’axe de la Résistance » étant totalement coincés, sauf les Yéménites, mais ils sont loin et leur efficacité se limite au blocus des ports de l’État sioniste.
 
Quid des autres pays arabes ?
Si les peuples de Jordanie, d’Irak, d’Egypte et du Maghreb montrent en permanence leur solidarité avec le martyre du peuple palestinien, force est de constater que les dirigeants du monde arabe laissent le génocide se perpétrer sans réaction.
Cela va jusqu’aux Emirats Arabes Unis, seul pays arabe à ne pas avoir transmis de condoléances pour l’assassinat de Haniyeh (il en est de même, au Maghreb, pour le roi du Maroc).
La Jordanie, l’Egypte, l’Irak pourraient pourtant, ce serait un minimum, rompre les relations diplomatiques avec Israël. Le Qatar, l’Arabie saoudite et l’Irak pourraient couper les robinets du pétrole et du gaz. Mais rien de tout cela ne se passe. Le mouvement de normalisation est certes bloqué depuis le 7 octobre, y compris avec la Turquie, mais les dirigeants arabes et turcs ne songent qu’à y revenir. Tout cela se fait sur le dos des Palestiniens, dont on comprend de plus en plus que, pour les dirigeants arabes, ils ne sont qu’un prétexte et une posture.
Certes, l’Egypte et les Emirats sont membres des BRICS, l’Arabie saoudite n’a pas encore confirmé son adhésion, le Bahrein, le Koweit ont fait une demande d’adhésion. Mais plus qu’un bloc uni, les BRICS constituent un conglomérat dans lequel les rivalités sont latentes. Comme l’a écrit récemment Kemal Okuyan, le secrétaire-général du Parti Communiste de Turquie : « L'administration américaine est confrontée à un bloc qui n'agit pas avec certains principes, idéaux et cohérence idéologique comme c'était le cas en Union soviétique. En fait, il n'y a pas de bloc du tout. De nombreux pays capitalistes, grands et petits, qui pensent que l'ouverture constante par les États-Unis et l'OTAN de nouvelles zones d'intervention dans le monde entier menace leurs intérêts, se sont liés les uns aux autres et, avec des orientations idéologiques différentes, ont créé des forces armées qui leur sont rattachées et qui proviennent des masses de pauvres gens en colère contre l'agression des États-Unis et de leurs alliés. ».
 
L’élection de Yahya Sinwar, tout un symbole
Même délaissés par leurs voisins arabes, les Palestiniens ne baissent pas les bras et font preuve d’une résistance qui force l’admiration.
Après la déclaration de Pékin, regroupant quatorze organisations palestiniennes, dont nous avons parlé précédemment, un nouvel événement vient renforcer la Résistance palestinienne et son unité. Alors que des noms de collaborateurs de Haniyeh circulaient pour son remplacement, que la direction du Hamas avait annoncé que Khaled Mechaal, le protégé du Qatar, assurerait l’intérim de la présidence du mouvement, tout cela a été balayé.
Mechaal est, rappelons-le, le dirigeant le plus proche des fascistes Frères Musulmans, qui avait quitté Damas pour Doha en pleine guerre d’agression contre la Syrie, et qui avait dû, en 2017, démissionner de la présidence du Hamas pour laisser la place à Haniyeh, moins compromis avec les Frères.
L’annonce de cette possibilité d’intérim a provoqué une réaction claire et ferme de la direction du mouvement à Gaza : « Celui qui doit remplacer le martyr Haniyeh doit avoir une proximité avec les éléments centraux de l’Axe de la résistance, en particulier l’Iran et le Hezbollah ».
Et c’est finalement Yahya Sinwar, le dirigeant politique de Gaza, qui a été élu président du bureau politique du Hamas, en remplacement d’Ismaël Haniyeh. Sinwar n’est pas un idéologue obtus à la solde des Frères Musulman, c’est un nationaliste palestinien ouvert aux autres organisations de la résistance. Il est à l’origine du retour du Hamas à Damas, au grand dam de nombre de dirigeants des Frères Musulmans. Et surtout, il est à Gaza, au cœur des combats, il a passé 22 ans dans les geôles sionistes, il est une des incarnations, comme Marwan Barghouti ou Ahmed Saadat de la Résistance palestinienne.
Le choix de Sinwar est un message clair adressé à Netanyahu et à tous les sionistes et leurs alliés : la résistance va continuer et son unité va se renforcer. Le Parti Révolutionnaire Communistes prend en compte cette réalité qui traduit la volonté de mener et d'approfondir la lutte de libération nationale du peuple palestinien.
 
En Conclusion
Malgré tous les moyens déployés pour faire taire la solidarité avec les Palestiniens, malgré une « information » verrouillée, personne, ni media, ni gouvernement occidental ne peut empêcher les travailleurs, la jeunesse, les peuples de savoir que la population de Gaza subit un génocide et de comprendre que la nature coloniale de l’État sioniste explique ce génocide et implique qu’il ne peut être partie prenante d’aucune véritable paix, il en est l’obstacle principal.
Nous continuons, inlassablement, de réclamer un cessez-le-feu immédiat et permanent, de même que l’accès libre aux humanitaires dans toute la Bande de Gaza, ou encore le retrait total des forces d’occupation de l’enclave. Mais, cela ne saurait suffire.
Une paix juste, c’est le démantèlement des colonies, le retour des réfugiés et un Etat palestinien réellement indépendant. Ce qui empêche une telle paix c’est l’existence d’un Etat colonial. Les travailleurs d’Israël ne peuvent être libres s’ils ne rompent pas avec le sionisme, s’ils continuent de se trouver objectivement dans le camp des colonisateurs. La solidarité avec la Palestine ne peut se contenter de phrases générales sur la paix. Il faut un Etat où tous les habitants jouissent des mêmes droits et puissent vivre ensemble, quelles que soient leur origine et leur religion en l’occurrence, un Etat palestinien démocratique. De même, la lutte de libération nationale du peuple palestinien n’a pas besoin de compassion, mais d’un réel soutien politique et d’actions de solidarité internationaliste. Et pour la France, où les Révolutionnaires, comme ailleurs, doivent combattre d’abord leurs capitalistes, cela commence par la lutte politique contre le soutien de l’impérialisme français à l’État colonial sioniste.
C'est pourquoi, le Parti Révolutionnaire Communistes entend, malgré les obstacles, continuer de rassembler tous ceux qui veulent un cessez le feu immédiat pour que cesse le massacre des Palestiniens et se prononcent pour la paix. Pour nous, cela passe par le soutien aux revendications fondamentales du mouvement de libération nationale palestinien, surtout après l’assassinat d’un de ses dirigeants : fin immédiate de l'agression militaire sioniste, droit au retour des réfugiés et formation d'un État palestinien sur le territoire de la Palestine mandataire.