N° 881 11/07/2024 Des nouvelles de Gaza et d’Aix-en-Provence
A Gaza, le massacre continue
Alors qu’on annonce une énième session de pourparlers entre le Hamas et Israël pour un cessez-le-feu qui paraît bien improbable, rien ne change pour les Gazaouis : la semaine dernière des dizaines de milliers d’entre eux ont dû encore une fois se jeter sur les routes à la recherche d’une zone « sûre » qui n’existe plus nulle part dans la prison qu’est la bande de Gaza. Samedi 6 juillet, une école de l’UNRWA a encore été visée par les Israéliens, faisant 12 morts parmi les Palestiniens qui y avaient trouvé refuge. L’armée israélienne n’a fourni aucune preuve d’une activité militaire dans cette école…
En France, la répression continue
François Burgat, ancien directeur de recherche au CNRS et spécialiste reconnu internationalement de l’Islam est accusé du fameux délit « d’apologie du terrorisme » par des organisations sionistes pour ses prises de position propalestiniennes et avoir diffusé des communiqués du Hamas. Il était convoqué à 9 h 00, mardi 9 juillet, au commissariat d’Aix-en-Provence où il a été placé en garde-à-vue pendant 7 heures, puis libéré aux alentours de 16 h 00.
Plusieurs personnalités du monde universitaires se sont émus de cette garde-à-vue.
« Je le connais un peu, et en aucun cas, François Burgat peut être soupçonné d’apologie du terrorisme. Qu’il soit convoqué par la police interroge déjà mais la garde à vue c’est vraiment de la folie furieuse », grince Joël Roman, ancien rédacteur en chef de la Revue Esprit.
Pour le directeur de recherche au CNRS, Vincent Geisser, spécialiste du monde arabe, la procédure qui vise François Burgat n’est ni plus ni moins qu’une « chasse aux sorcières ». Dénonçant « une véritable honte », il souligne que François Burgat « a 40 ans de carrière au service de la République française » et appelle « tous (ses) collègues » à lui « exprimer leur solidarité individuelle et collective ».
François Burgat, à l’annonce de sa convocation, avait indiqué qu’il prenait cela comme une médaille. Quand-à l’ancienne basketteuse Emilie Gomis, convoquée pour la même raison en février dernier, elle avait déclaré, à sa sortie d’audition : « On est pris dans une machine à broyer. Il faut être prêt à en subir les conséquences. ».
Un article de Haaretz bouscule le discours de la propagande sioniste
Le journaliste de Haaretz, Yaniv Kubovich, a publié dimanche 7 juillet, un long article, résultat d’une longue enquête sur les événements du 7 octobre 2023. Le moins qu’on puisse dire est que cela remet sacrément en cause la version officielle sioniste, relayée en France par tous les media et tous les partis politiques.
L’article commence par ces mots : « Les opérations de la division de Gaza et les frappes aériennes des premières heures du 7 octobre étaient basées sur des informations limitées. Les premiers longs instants qui ont suivi le lancement de l’attaque du Hamas ont été chaotiques. Des rapports étaient reçus, dont la signification n’était pas toujours claire. Lorsqu’ils ont été compris, on s’est rendu compte que quelque chose d’horrible s’était produit. ».
Pas un seul véhicule ne doit retourner à Gaza
Le fait essentiel relaté par le journaliste est le massage transmis à 11 h 22 sur le réseau de la division de Gaza par son commandement : « Pas un seul véhicule ne doit retourner à Gaza ! ». Cela signifie le sacrifice d’éventuels captifs embarqués dans ces véhicules.
Et Kubovich de commenter « Ce n’était pas le premier ordre donné par la division dans le but de déjouer un enlèvement, même au détriment de la vie des personnes kidnappées, une procédure connue dans l’armée sous le nom de "procédure Hannibal". Des documents obtenus par Haaretz, ainsi que des témoignages de soldats et d’officiers moyens et supérieurs de l’armée israélienne, révèlent une multitude d’ordres et de procédures établis par la division de Gaza, le commandement sud et l’état-major général de Tsahal jusqu’aux heures de l’après-midi de ce jour-là, montrant à quel point cette procédure était répandue, dès les premières heures suivant l’attaque et en divers points le long de la frontière. ».
À 6h43, alors que des barrages de roquettes étaient lancés sur Israël et que des milliers de combattants palestiniens attaquaient les bastions de l’armée et les capacités d’observation et de communication de la division, le commandant de la division, le général de brigade Avi Rosenfeld, a déclaré : « Les Philistins ont envahi ». C’est la procédure à suivre lorsqu’un ennemi envahit le territoire israélien. Un commandant de division peut alors assumer une autorité extraordinaire, y compris le recours à des tirs nourris à l’intérieur du territoire israélien, afin de bloquer un raid ennemi.
Le journaliste évoque ensuite un fonctionnaire de la défense qui connaît bien les opérations du 7 octobre à la division de Gaza. Pour lui, Rosenfeld était reclus dans la salle de guerre. Voici ses paroles citées dans l’article : « Tout le monde était choqué par le nombre de terroristes qui avaient pénétré dans la base. Même dans nos cauchemars, nous n’avions pas prévu une telle attaque. Personne n’avait la moindre idée du nombre de personnes enlevées ni de l’endroit où se trouvaient les forces armées. Il y a eu une hystérie démente, avec des décisions prises sans aucune information vérifiée. ».
Les drones Zik
Ainsi, à 7h18, un poste d’observation de Yiftah a signalé qu’une personne avait été enlevée au poste frontière d’Erez, à côté du bureau de liaison de l’armée d’occupation. Le quartier général de la division a donné l’ordre suivant : « Hannibal à Erez, envoyez un Zik ». Le Zik est un drone d’assaut sans pilote. La signification de cet ordre était claire.
Kubovich précise ensuite : « Ce n’était pas la dernière fois qu’un tel ordre était entendu sur le réseau de communication. Au cours de la demi-heure suivante, la division s’est rendu compte que les terroristes du Hamas avaient réussi à tuer et à enlever des soldats postés au point de passage et à la base adjacente. Puis, à 7h41, l’incident s’est reproduit : Hannibal à Erez, un assaut sur le point de passage et la base, juste pour que plus aucun soldat ne soit enlevé. De tels ordres ont également été donnés plus tard. ».
L’article précise que le poste frontière d’Erez n’est pas le seul endroit où cela s’est produit. Les informations obtenues par Haaretz et confirmées par l’armée montrent que, tout au long de la matinée, la procédure Hannibal a été appliquée à deux autres endroits pénétrés par les terroristes : la base militaire de Re’im, où se trouvait le quartier général de la division, et l’avant-poste de Nahal Oz, où se trouvaient des guetteurs féminins.
Ainsi, par exemple, à 10h19, un rapport est parvenu au quartier général de la division indiquant qu’un Zik avait attaqué la base de Re’im.
La suite de l’article est encore plus claire : « Trois minutes plus tard, un autre rapport de ce type est arrivé. À ce moment-là, les commandos du Shaldag [unité des forces spéciales sous le commandement de l'armée de l'air israélienne] se trouvaient déjà sur la base et combattaient les terroristes. À ce jour, on ne sait pas si l’un d’entre eux a été blessé lors de l’attaque du drone. Ce que l’on sait, c’est qu’un message a été diffusé sur le réseau de communication, demandant à tout le monde de veiller à ce qu’aucun soldat ne se trouve à l’extérieur de la base, car les forces de Tsahal étaient sur le point d’entrer et de chasser ou de tuer les terroristes restants. ».
Le sens de la procédure Hannibal
Ensuite, Kubovich cite un haut fonctionnaire de la défense, à propos de la décision de mener des attaques à l’intérieur des avant-postes : « Quiconque prenait une telle décision savait que nos combattants dans la zone pouvaient également être touchés. »
Ces attaques n’ont pas eu lieu uniquement à l’intérieur des avant-postes ou des bases. À 10h32, un nouvel ordre a été donné, selon lequel tous les bataillons de la région ont reçu l’ordre, attribué au général Rosenfeld, de tirer des mortiers en direction de la bande de Gaza. Or, à ce moment-là, l’armée ne disposait pas d’une image complète de toutes les forces présentes dans la zone, y compris les soldats et les civils. Certains d’entre eux se trouvaient dans des zones ouvertes ou dans des bois le long de la frontière, essayant de se cacher des combattants palestiniens.
Et c’est ensuite que la direction militaire est allée plus loin en ordonnant, à 11 h 22 qu’aucun véhicule ne soit autorisé à retourner à Gaza.
Et Kubovich de citer une source du commandement sud qui a déclaré à Haaretz : « Tout le monde savait alors que ces véhicules pouvaient transporter des civils ou des soldats enlevés […] Il n’y a pas eu de cas où un véhicule transportant des personnes kidnappées a été sciemment attaqué, mais on ne pouvait pas vraiment savoir s’il y en avait dans un véhicule. Je ne peux pas dire qu’il y ait eu une instruction claire, mais tout le monde savait ce que cela signifiait de ne laisser aucun véhicule retourner à Gaza. »
Un exemple : les combats dans les kibboutz
La suite, portant sur les combats dans les kibboutz, est fort éloquente. Voici un nouvel extrait de l’article : « Un cas où l’on sait que des civils ont été touchés, et qui a fait l’objet d’une large couverture médiatique, s’est produit dans la maison de Pessi Cohen au kibboutz Be’eri. 14 otages étaient retenus dans la maison lorsque l’armée israélienne l’a attaquée, et 13 d’entre eux ont été tués. Dans les semaines à venir, Tsahal doit publier les résultats de son enquête sur l’incident, qui répondra à la question de savoir si le général de brigade Barak Hiram, le commandant de la division 99 qui était en charge des opérations à Be’eri le 7 octobre, a eu recours à la procédure Hannibal. A-t-il ordonné au char d’avancer même au prix de pertes civiles, comme il l’a déclaré dans une interview qu’il a accordée plus tard au New York Times ? »
Enfin, selon les informations de Haaretz, à 21h33, le commandement sud a donné un nouvel ordre : fermer toute la zone frontalière avec des chars. « En fait, toutes les forces présentes dans la région ont reçu l’autorisation d’ouvrir le feu sur toute personne s’approchant de la zone frontalière, sans aucune restriction. ».
Tout faire pour révéler la vérité
Le Parti Révolutionnaire Communistes fait partie des rares qui n’ont jamais relayé la propagande du gouvernement sioniste sur les événements du 7 octobre, tandis que tous les partis politiques qui ont pignon sur rue, tous les syndicats l’ont érigée en vérité absolue. Le programme du pseudo « Nouveau Front Populaire » en est un énième exemple qui évoque « les actes terroristes du Hamas le 7 octobre » et présente donc le génocide en cours comme une riposte, de même que le texte publié par l’Humanité en mai, que nous avons évoqué, signé par tous les députés LFI d’alors.
Nous avons eu déjà l’occasion de faire part de nos doutes à plusieurs reprises. Cet article conforte notre position. Le 7 octobre a été le temps d’une attaque surprise des combattants palestiniens, forcément meurtrière, qui a mis les directions militaires israéliennes sens dessus-dessous et leur a fait prendre des décisions non moins meurtrières. Et, une part non négligeable des morts israéliens ce jour-là, est due à l’armée d’occupation, à ses chars, à ses drones, à ses avions.
Et nous ne pouvons que dénoncer le blocage total des media en France, leur refus d’informer et leur volonté de déformer, surtout quand, en Israël même, au cœur de l’État colonial, des voix se lèvent pour parler. Nous rendons hommage au courage et au sens de la déontologie des journalistes de Haaretz.
En conclusion
Pour défendre la cause palestinienne, il ne faut faire aucune concession au récit officiel du régime sioniste, il faut douter de toute cette propagande, peser les informations réelles dont nous disposons, et les répandre. C’est le sens du fameux « De omnibus dubitandum est » (Il faut douter de tout) de Marx, au sens du doute philosophique de Descartes, Diderot, puis du grand Karl : ne pas croire, peser le pour et le contre, analyser, bref, utiliser un raisonnement dialectique.
Cet article est un élément de plus qui démontre qu’il y a bien un conflit colonial, un acte de défense des Palestiniens le 7 octobre et non un combat de « terroristes » contre un « État démocratique » qui aurait le droit de se défendre.
Le Parti Révolutionnaire Communistes ne fait aucune concession, ni sur les faits, ni sur le fond, dans un moment où la cause palestinienne semble reléguée au second plan par le bal des candidats et candidates au poste de premier ministre.
Malgré tous les moyens déployés pour faire taire la solidarité avec les Palestiniens, malgré une « information » verrouillée, personne, ni media, ni gouvernement occidental ne peut empêcher les travailleurs, la jeunesse, les peuples de savoir que la population de Gaza subit un génocide et de comprendre que la nature coloniale de l’État sioniste explique ce génocide et implique qu’il ne peut être partie prenante d’aucune véritable paix, il en est l’obstacle principal. Personne ne peut, en particulier, empêcher la vérité sur le 7 octobre de se faire jour, malgré les embûches et les chemins escarpés qu’elle doit emprunter.
Si le chemin est long vers la découverte de la vérité, comme vers la décolonisation, c’est le seul à emprunter pour quiconque veut vraiment la paix en Palestine. Être pour la paix, c’est être pour une paix juste anticoloniale, pas la paix coloniale des accords d’Oslo. S’il est urgent et fondamental de réclamer un cessez-le-feu immédiat et permanent, de même que l’accès libre aux humanitaires dans toute la Bande de Gaza, ou encore le retrait total des forces d’occupation de l’enclave, cela ne saurait suffire.
Une paix juste, c’est le démantèlement des colonies, le retour des réfugiés et un Etat palestinien réellement indépendant. Ce qui empêche une telle paix c’est l’existence d’un Etat colonial. Les travailleurs d’Israël ne peuvent être libres s’ils ne rompent pas avec le sionisme, s’ils continuent de se trouver objectivement dans le camp des colonisateurs. La solidarité avec la Palestine ne peut se contenter de phrases générales sur la paix. Il faut un Etat où tous les habitants jouissent des mêmes droits et puissent vivre ensemble, quelles que soient leur origine et leur religion en l’occurrence, un Etat palestinien démocratique.
C'est pourquoi, le Parti Révolutionnaire Communistes entend, malgré les obstacles, continuer de rassembler tous ceux qui veulent un cessez le feu immédiat pour que cesse le massacre des Palestiniens et se prononcent pour la paix. Pour nous, cela passe par le soutien aux revendications fondamentales du mouvement de libération nationale palestinien : fin immédiate de l'agression militaire sioniste, droit au retour des réfugiés et formation d'un État palestinien sur le territoire de la Palestine mandataire.