Gantry 5

 

N° 874 22/05/2024  La décision du procureur de la CPI (Cour Pénale Internationale) de demander un mandat d’arrêt contre deux dirigeants de l’État sioniste est inédite. C’est la première fois que cette supposée cour de justice s’en prend à des dirigeants du camp impérialiste occidental.
Mais il ne faut pas y accorder plus d’importance que cela en a. Ce que cela reflète, c’est le rapport de force grandissant de la mobilisation des travailleurs, de la jeunesse et des peuples dans le monde pour se déclarer solidaires des Palestiniens et exiger la fin du génocide. D’autant plus que le « procureur » qui a émis ces demandes, s’est rendu sur place en Israël pour prendre note assidument du récit de la propagande israélienne concernant leur version des événements du 7 octobre, mais a toujours refusé de se rendre à Gaza pour constater les dégâts. Seul ce rapport de force a pu l’obliger à, enfin, se mouiller un peu. Cela mesure ce rapport de force inédit, mais rien de plus.
Pour bien comprendre ce qui se passe, il est d’abord important de rappeler ce qu’est la CPI. Sous couvert d’une cour de justice, il s’agit d’une officine créée par l’Union européenne afin de « juger » et surtout d’écarter par la détention des opposants politiques au camp impérialiste occidental. Parmi les exploits de cette « cour », on peut noter Slobodan Milosevic, ancien président de la Serbie et de la Yougoslavie réduite, livré par un  pouvoir aux ordres de l’impérialisme US et mort plus que bizarrement dans les geôles de La Haye, alors qu’il mettait en cause les responsabilités des fascistes croates et de l’Allemagne ; ou encore Laurent Gbagbo, ancien président de la Côte d’Ivoire, fait prisonnier par ses opposants après le bombardement de son palais par la puissance néocoloniale française, détenu 8 ans à La Haye pour finir par être acquitté ; mais dont l'incarcération avait permis d’installer à la tête de la Côte d’Ivoire Alassane Ouattara, l’hommes des puissances impérialistes française et états-unienne.
Le statut de Rome, qui organise la Cour est signé par 123 États, 31 autres, qui l’avaient signé, refusent de la ratifier, dont les USA, qui avaient pourtant porté le projet sur les fonts baptismaux ; enfin 42 États n’ont ni signé, ni ratifié. Si l’on compare, la Cour Internationale de Justice est ratifiée par l’ensemble des États membres de l’ONU. Si l’ONU et ses instances ne sont pas exemptes de pression de l’impérialisme dominant (la CIJ n’a toujours pas donné son avis sur les mesures demandées à Israël pour prévenir le génocide, trois mois après), la CPI est clairement d’une autre nature : c’est un outil des capitalistes de l’UE.
Car la demande de mandat a une contrepartie, elle vise aussi des dirigeants du mouvement de résistance palestinien et le Hamas.
Les bonnes âmes de gauche se réjouissent de ce qu’ils pensent être un succès. Soit en assumant toutes les demandes de mandats d’arrêt : « Depuis le 7 octobre, nous demandons la condamnation de tous les criminels de guerre. Nous n’avons jamais demandé autre chose que ce que les instances du droit international nous mettent sous les yeux aujourd’hui. » (Nathalie Oziol, députée LFI, au nom de son groupe) ; « Demande historique du procureur de la CPI visant à obtenir des mandats d’arrêt contre Netanyahu, son ministre de la Défense et trois dirigeants du Hamas, pour crimes de guerre et crime contre l’Humanité. Le droit international par-dessus tout » (Olivier Faure, premier secrétaire du PS) ; « Mandat d’arrêt de la CPI, seule manière d’arrêter le massacre à Gaza » (Sandrine Rousseau, députée écologiste). Soit en « oubliant » le contre-volet palestinien : « Crimes de guerre et crimes contre l’Humanité. Voilà les mots de la Cour pénale internationale qui émet un mandat d’arrêt contre Benjamin Netanyahu » (Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, lequel va un peu vite en besogne puisque la CPI n’a encore émis aucun mandat) ; « La Cour pénale internationale lance un mandat d’arrêt international contre Benjamin Netanyahou pour crimes de guerre et  crime contre l’humanité à Gaza » (commission internationale du Pole de Renaissance Communiste en France, qui va aussi vite en besogne), et « la commission internationale du PRCF salue le courage du procureur de la CPI pour avoir osé défier l’ordre hégémonique injuste et mortifère dominé (mais de plus en plus contesté) l’Axe UE-OTAN ». Il n’y a aucune remise en cause du pseudo droit international ni de l’instance CPI.
Bien sûr, les pro-israéliens râlent, tel Séjourné n’osant pas condamner mais évoquant le risque de mettre sur le même plan un « mouvement terroriste » et « un État démocratique » ou encore Biden qui, moins louvoyant, trouve la décision scandaleuse. La déclaration officielle des dirigeants de l’État capitaliste français est on ne peut plus claire : « La France a condamné dès le 7 octobre les massacres antisémites perpétrés par le Hamas. Ce groupe terroriste a revendiqué des attaques barbares dirigées contre des civils, accompagnées d’actes de torture et de violences sexuelles qu’il a lui-même documentés, y compris en les diffusant et en les célébrant. ». En ce sens, comme Karim Khan, le procureur de la CPI, le gouvernement français reprend sans la discuter la version de la propagande israélienne du 7 octobre, et, en particulier les accusations de viol, alors que, après une enquête à charge de quatre mois, le New York Times, fin mars 2024, a dû reconnaître que son enquêtrice spéciale et ses journalistes n’avaient trouvé aucune victime (la police israélienne non plus, d’ailleurs). Le communiqué du ministère des Affaires étrangères se poursuit en indiquant que la France soutient la Cour pénale internationale (CPI) mais aussi « son indépendance » et « la lutte contre l'impunité dans toutes les situations ».
« Il faut douter de tout » disait Marx, au sens du doute vis-à-vis de l’idéologie dominante. Et nous sommes en plein dans un narratif qu’il faut éclairer. Rien ne dit que, in fine, la CPI ne va pas retenir seulement les mandats contre les Palestiniens, ce serait la suite logique de toutes les condamnations qu’elle a prononcées. Une cour internationale qui siègerait, non pas à La Haye, au milieu du monde impérialiste occidental, mais à Prétoria ou à La Paz n’aurait probablement pas suggéré les mêmes décisions.
Car qu’on le veuille ou non, quoi qu’on pense du Hamas, l’accusation demandée contre ses trois dirigeants vise en fait les Palestiniens en général. Cette demande du procureur est l’ultime manœuvre des dirigeants impérialistes occidentaux pour sauver la mise à Israël, en proclamant les torts partagés, en faisant du 7 octobre un début et en masquant le caractère colonial du conflit.
Le Parti Révolutionnaire Communistes n’a aucune confiance en la CPI et n’attend rien d’elle. Il ne se réclame pas non plus de l’illusoire « droit international » qui n’est que le droit capitaliste international, fortement imprimé par le camp occidental, mais qu’utilisent aussi les autres puissances impérialistes, comme la Chine, la Russie ou l’Inde.
Nous notons, et ce n’est pas négligeable, ce que le rapport de force a permis et savons que, justement, le droit est fonction du rapport de force. Mais il n’y a aucune victoire dans la demande du procureur Karim Khan, ni une quelconque possibilité de mettre fin au génocide par le truchement d’un organisme pseudo-juridique au service des impérialismes occidentaux.
Ce qui se passe en Nouvelle Calédonie présente beaucoup de similitude avec la situation en Palestine. Premier ministre de Georges Pompidou, le très gaulliste Pierre Messmer écrit le 19 juillet 1972 au secrétaire d’État aux DOM-TOM, Xavier Deniau. Sa lettre commence ainsi : « La Nouvelle-Calédonie, colonie de peuplement, bien que vouée à la bigarrure multiraciale, est probablement le dernier territoire tropical non indépendant au monde où un pays développé puisse faire émigrer ses ressortissants.
Il faut donc saisir cette chance ultime de créer un pays francophone supplémentaire. La présence française en Calédonie ne peut être menacée, sauf guerre mondiale, que par une revendication nationaliste des populations autochtones appuyées par quelques alliés éventuels dans d’autres communautés ethniques venant du Pacifique.
À court et moyen terme, l’immigration massive de citoyens français métropolitains ou originaires des départements d’outre-mer (Réunion) devrait permettre d’éviter ce danger en maintenant et en améliorant le rapport numérique des communautés.
À long terme, la revendication nationaliste autochtone ne sera évitée que si les communautés non originaires du Pacifique représentent une masse démographique majoritaire. Il va de soi qu’on n’obtiendra aucun effet démographique à long terme sans immigration systématique de femmes et d’enfants. "
Colonie de peuplement, c’est ce que nous appelons, au Parti Révolutionnaire Communistes, une colonie de substitution. Le texte de Messmer a le mérite de la clarté. Il aurait pu être écrit à n’importe lequel de ses ministres, le même jour, par Golda Mair, alors première ministre travailliste d’Israël.
L’actualité nous livre deux situations bien semblables, qui disent la nécessité d’en finir avec le colonialisme. Et ce n’est pas du tout ce que l’on peut lire dans la demande du procureur de la CPI, laquelle, depuis qu’elle existe, n’a pas eu une action pour dénoncer le colonialisme ancien des sionistes en Palestine ni le néocolonialisme français en Kanaky.
Pendant que Karim Khan demande des mandats d’Arrêt, en Calédonie, les impérialistes français « rétablissent l’ordre républicain », à Rafah, l’armée sioniste continue de bombarder, de massacrer. La machine coloniale continue de tuer tous ceux qu’elle juge dangereux, femmes et enfants compris.
Pour mettre fin au génocide, notre seule arme, c’est l’ampleur du mouvement de solidarité international.
La question palestinienne, la lutte de libération nationale de son peuple doivent rester la préoccupation majeure des peuples et des travailleurs du monde. Dans ces conditions, s’il est urgent et fondamental de réclamer un cessez-le-feu immédiat et permanent, de même que l’accès libre aux humanitaires dans toute la Bande de Gaza, ou encore le retrait total des forces d’occupation de l’enclave, cela ne saurait suffire.
C'est pourquoi, le Parti Révolutionnaire Communistes entend rassembler tous ceux qui veulent un cessez le feu immédiat pour que cesse le massacre des Palestiniens et se prononcent pour la paix. Pour nous, cela passe par le soutien aux revendications fondamentales du mouvement de libération nationale palestinien : fin immédiate de l'agression militaire sioniste, droit au retour des réfugiés et formation d'un État palestinien sur le territoire de la Palestine mandataire.