N° 840 27/09/2023 Le conflit qui oppose l'Arménie et l'Azerbadjian à propos du Karabakh et dont les origines remontent à loin vient de prendre un tour nouveau. Le 19 septembre, l'armée azerbaïdjanaise a lancé une opération militaire au Karabakh. Si Bakou a parlé de " mesures antiterroristes de nature locale" pour rétablir l’ordre constitutionnel. A Erevan, l'opération a été considéré comme une agression contre le Karabakh, soulignant qu'il n'y a pas d'unités arméniennes dans la région. Un jour plus tard, grâce à la médiation des soldats de maintien de la paix russes, un accord de cessez-le-feu a été conclu mais pour autant la question du Karabakh est loin d'être réglée.
Dans sa forme moderne, le conflit commence en février 1988, quand le soviet du Haut-Karabakh , région autonome au sein de la République Socialiste Soviétique d'Azerbaïdjan vote son rattachement à l’Arménie. Un premier conflit armé de grande ampleur éclate alors. Il fera 30.000 morts et des milliers de disparus. Entre-temps, l’URSS cesse d'exister. L’Arménie et l’Azerbaïdjan retrouvent leur indépendance à l’été 1991, et le Karabakh proclame la sienne le 2 septembre 1991. Elle ne sera reconnue par aucun État, pas même par l’Arménie, ce qui n’empêche pas cette dernière de soutenir politiquement, économiquement et militairement le Haut-Karabakh. À Erevan, le conflit au Karabakh constitue un abcès de fixation que les courants nationalistes utilisent au gré des besoins pour faire et défaire les gouvernements.
Depuis les conflits s'enchaînent accompagnés de nettoyages ethniques menés par les nationalistes de tous bords. Si la Russie considère que ces conflits se développent dans ce qu'elle considère être son espace d'influence, elle n'est pas la seule à s'y intéresser. La Turquie[1] qui entend jouer le rôle d'une puissance régionale dans cette partie du caucase et s'appuie sur son affinité culturelle et linguistique avec l' Azerbaïdjan, entend y jouer un rôle de premier plan. Elle soutient Bakou dans sa volonté de faire respecter son intégrité territoriale, considérant que les frontières héritées de l'URSS ont placé de facto le Karabakh en Azerbaïdjan. Mais, la Turquie n'est pas seule, l'Iran s'il est opposé au moindre changement dans la situation géopolitique de la région, n'en reconnaît pas moins le Karabakh comme partie intégrante du territoire azerbaïdjanais. C'est ce que le président iranien Ebrahim Raïssi a déclaré lors de la conférence de presse tenue dans le cadre de l’Assemblée générale de l’ONU.
De son côté l'Union Européenne UE a mis en place une stratégie pour intensifier sa présence dans le Caucase, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, diversifier ses approvisionnements de gaz. D’ici à 2027, l’Europe s’est engagée à doubler ses importations d’Azerbaïdjan pour y couvrir un peu plus de 5 % de ses besoins. De même, l’Europe finance de nombreux projets de transport dans l’ensemble de la région pour développer une route alternative au projet chinois de route de la soie vers l’Asie. Quant aux États-Unis, ils intègrent leurs relations avec l'Arménie dans leur stratégie Eurasiatique, l'Arménie comme la Géorgie où ils sont très présents représentent à leurs yeux un tampon entre la Russie et le Proche et Moyen-Orient. Récemment, et c'est une première, l'Arménie, pourtant membre de l'OTSC[2] a entamé des exercices militaires conjoints avec les États-Unis entre les 11 et 20 septembre. Selon Erevan, les exercices Eagle Partner 2023, visent à " augmenter le niveau interopérationnel " des forces américaines et arméniennes participant à des opérations de maintien de la paix. Il s’agira aussi d’accroître la préparation des unités arméniennes au « concept de capacités opérationnelles » dans le cadre du Partenariat de l’Otan.
Le conflit Arménie Azerbaïdjan, s'il est alimenté par la montée des courants nationalistes qui ont pris de la puissance avec l'affaiblissement puis la dislocation de l'URSS, n'en est pas moins, comme c'est le cas en Ukraine[3], la marque des affrontements au sein de l'impérialisme.
[1] La Turquie, membre de l'OTAN, a été la première nation à reconnaître l'indépendance de l'Azerbaïdjan en 1991 et est restée un fervent défenseur du pays.
[2] Une base militaire russe se trouve en Arménie et les deux pays sont membres de l'alliance militaire de l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), qui regroupe six anciens États soviétiques.
[3] L’épouse du Premier ministre arménien traditionnel allié de Moscou dans le Caucase, a été vue à Kiev, le 6 septembre, où elle a participé a une rencontre des « premières dames et premiers gentlemen » organisées par la femme du président ukrainien, Volodymyr Zelensky…"sur des questions humanitaires".