Gantry 5

 

15 mai : élections présidentielles et législatives en Turquie

N° 820 11/05/2023 Le 15 mai auront lieu les élections présidentielles et législatives en Turquie. Nous avons sollicité nos camarades du Parti Communiste de Turquie (TKP) pour livrer leur point de vue sur ces élections et la situation politique en Turquie. C'est avec un grand plaisir que nous publions l'article de Cansu Oba membre du Comité Central.

Le 15 mai, un TKP fort sera nécessaire à la société turque
par Cansu Oba, membre du comité central du TKP Imprimer cet article

 

Erdoğan partira-t-il ?
Erdoğan est le symbole de l'obscurité que la Turquie connaît depuis deux décennies. Surtout avec le passage du régime parlementaire au régime présidentiel en 2018, cette obscurité s'incarne de plus en plus dans la personne d'Erdoğan. Le style d'Erdoğan la politique et le pouvoir et l'autorité qu'il a rassemblés entre ses mains, ainsi que les forces de la bourgeoisie qui tentent de dissimuler la nature de l'ordre social actuel, qui est la principale source des problèmes vécus par la population, y ont également joué un rôle. À ce stade, la question de savoir si Erdoğan partira ou non est devenue la question la plus fondamentale de ces élections. Et pour la première fois, c'est devenu une option réaliste qu'Erdoğan parte après une défaite électorale. Il y a un gouvernement AKP dont le soutien social s'est affaibli par rapport aux années précédentes. L'aggravation de la pauvreté ces dernières années et les ravages causés par le tremblement de terre ont joué un rôle majeur. Toutefois, étant donné le bilan du gouvernement en matière de non respect des lois, de corruption et de tyrannie au cours des deux dernières décennies, la question de la sécurité des résultats des élections, ou même si le gouvernement va reconnaître une élection qui va à l'encontre d'Erdoğan, sont également à l'ordre du jour. À l'approche de la date des élections, des tentatives de provocation contre l'élection de l'opposition se multiplient. Le TKP fait également face à des tentatives d'obstruction et des difficultés pour développer ses activités. Ce n'est pas la première fois et il est donc trop tôt pour dire qu'il y a des conditions spéciales pour ces élections. Cependant, les conditions actuelles peuvent évoluer vers une atmosphère plus dangereuse.
Dangereuse, oui. Mais en même temps, il faut aussi souligner que les provocations ou les déclarations contestant la volonté du peuple venant des bouches les plus autorisées sont un sérieux signe de faiblesse. Les gouvernements affaiblis deviennent plus dangereux à certains égards. Et ce qui est nécessaire face à cela, c'est d'agir avec sang-froid et courage. En tant que TKP, nous nous préparons avec un sang-froid, déterminé et un comportement organisé face à d'éventuelles évolutions susceptibles de mettre en péril la sécurité des élections. D'autre part, l'idée que l'AKP ne reconnaîtra pas les résultats des élections est propagée principalement par la base de l'AKP et également par les parties anti-AKP de la société. Nous sommes face à ce tournant vers un pessimisme qui se reflétera aussi dans les urnes. Un climat de panique et la peur sont des plus bénéfiques pour le gouvernement aujourd'hui. Et nous devons aussi dire ceci : lorsque la volonté sociale contre l'AKP en Turquie s'affirme fortement, il n'y a pas de gouvernement AKP aussi puissant soit-il qui puisse s'y opposer. On sait où vont les préférences de la classe capitaliste et des centres impérialistes à propos des résultats des élections en Turquie. Le fait que l'Alliance nationale, principal bloc d'opposition, manque d'unité interne sur de nombreuses questions fondamentales et donne une image à plusieurs têtes, comporte certains risques pour la stabilité dont le capital turc et les monopoles internationaux ont absolument besoin, surtout après le tremblement de terre. Ce qu'ils souhaitent donc, c'est la restauration de l'orientation de l'AKP de manière à ne pas compromette la continuation de cet ordre social, avec ou sans l'AKP. Il y a un donc un climat politique très corrosif en Turquie et pourtant, quelques heures avant les élections, il y a des tentatives de façonner les résultats des élections par des complots. La transitivité entre les partis bourgeois s'est beaucoup accrue. Tout cela fait que les résultats des élections sont imprévisibles.

Une voix contre Erdoğan, une voix pour TKP
La seule priorité d'une grande partie de la société turque est le départ d'Erdoğan. Le TKP, en tant que parti qui a lutté contre le gouvernement de l'AKP depuis le début, partage ce sentiment légitime. La société, qui résiste aux ténèbres de l'AKP depuis des années, a besoin d'espoir et de moral pour aller de l'avant. La défaite d'Erdoğan est une nécessité pour que le peuple croie en son pouvoir de changer et de restaurer son lien avec le pays et d'espoir pour l'avenir. Il y a aussi un électorat en Turquie qui est déterminé à soutenir le candidat le plus fort contre Erdoğan et qui ne veut pas discuter d'autres questions tant qu'il n'est pas parti. Erdoğan doit être vaincu et le peuple doit voir par lui-même qu'une simple alternative ne peut pas résoudre les problèmes du pays. La présence d'Erdoğan se dresse entre nous et le peuple. En prenant cette décision, nous nous sommes posé la question fondamentale suivante : quelle option ouvre elle la voie pour une énergie révolutionnaire dans la société ? Et pour les raisons que nous avons évoquées, nous avons décidé de faire appel à voter pour Kılıçdaroğlu, le candidat le plus fort contre Erdoğan aux élections présidentielles. Alors que ce faisant, nous continuons à mettre en garde le peuple contre les fausses solutions au sein de l'ordre social actuel. En ce qui concerne les élections législatives, le TKP participe aux élections législatives sous son propre nom. Il présente 600 candidats au parlement. Au cours de la campagne pour les élections législatives, nous avons fait de très sérieux progrès pour expliquer notre programme et nos principes à la société. Nous nous sommes organisés très largement. Nous avons gagné de nouveaux membres et ouvert des dizaines de nouvelles maisons de district et bureaux du parti. À l'avenir Le TKP sera suivi par une plus large partie de la société. Les conséquences du tremblement de terre ont également joué un rôle important. L'une des conséquences les plus importantes est l'augmentation des changements idéologiques et politiques dans la société. Ceci s'applique à tous les mouvements idéologiques et politiques. À la crise de gouvernance de l'ordre social et celle de la cherté de la vie, c'est ajouté le tremblement de terre. Des gens conservateurs mais très pauvres ont réalisé que les choses qu'ils avaient tenues pour sacrées jusque-là s'étaient effondrées et ils n'ont pas été protégés. Face à cela, ils ont vu les communistes agissant avec un sens très sérieux de la moralité et de la conscience. Ils ont vu les communistes défendre des valeurs humaines très avancées. Le questionnement dans la société s'est accru et dans ce questionnement, le TKP a attiré l'attention et s'est fait remarquer par son organisation, sa rapidité et sa fiabilité.

Pour le 15 mai et au-delà...
Pour les acteurs bourgeois de Turquie, le tableau est extrêmement complexe. Cette élection parlementaire est, ironiquement, une élection à laquelle participent le plus grand nombre de partis, mais en même temps les voix dans la sphère de la politique bourgeoise sont aussi monolithiques que possible. Sur les principaux enjeux du pays, comme le chômage, la pauvreté, les privatisations, l'OTAN, la question kurde, les similitudes des partis au pouvoir et de l'opposition sont plus fortes que leurs différences. Religieux, membres des sectes, les acteurs pro-OTAN et les capitalistes sont candidats aux législatives sur les listes de tous les partis. Après les élections, on s'attend à ce que les députés changent de parti, des alliances seront brisées et de nouvelles seront formées. Les distinctions entre les acteurs de la la politique bourgeoise sont devenues assez floues et là on ne parle plus de principes! Face à ce tableau, d'une part, les tâches du TKP se durcissent, mais d'autre part, le style politique de principe du TKP suscite l'intérêt et l'appréciation d'un nombre croissant de citoyens. Nous nous efforçons de faire en sorte que cet intérêt pour le TKP se reflète dans les résultats des élections. Parce que la société turque aura besoin d'un TKP fort le 15 mai.
La raison de l'effondrement économique se trouve dans les décennies de politiques menées par l'AKP. L'un des architectes de ces politiques est le président d'un des partis de l'Alliance nationale et si le l'opposition remporte les élections, il aura à nouveau l'autorité dans les politiques économiques. La seule chose que fera l'opposition sera de régulariser davantage les politiques économiques de l'ère de l'AKP. Les mesures économiques électoralistes, que le gouvernement met actuellement en œuvre, seront également à la charge du peuple après les élections. Par conséquent, quels que soient les résultats des élections, à moins qu'une économie planifiée et étatiste ne soit adoptée, aucune période de prospérité n'attend le peuple, à l'exception d'un allégement partiel et limité dans le temps. Le 15 mai et au-delà, la Turquie fera face à plus de crise que de stabilité. Un TKP qui aura augmenté son nombre des voix et réussi à consolider la position qu'il a acquise dans certaines localités sont la garantie de l'espoir et de la détermination des travailleurs à lutter après les élections. Le TKP voit son succès électoral dans ces localités comme un début pour le porter vers des succès avec de nouvelles municipalités communistes gagnées lors des prochaines élections locales. Nous entrons dans les élections en nous organisant dans tout le pays et en ouvrant des dizaines de nouveaux districts et maisons du parti. Chaque quartier dans lequel le TKP pénètre change, s'embellit, l'esprit de solidarité est en hausse. Nous avons un slogan électoral qui attire beaucoup d'attention : "le TKP arrive, tout change". On dit "vote pour le TKP" pour que ce slogan soit présent partout, pour que la possibilité pour les travailleurs de se prononcer contre l'ordre social des grands conglomérats, des monopoles internationaux et les sectes se renforce.