Gantry 5

 

N° 928 04/06/2025  Le chef de l’État français, en visite officielle, a été accueilli successivement par le Vietnam, l’Indonésie et Singapour entre le 26 mai et 30 mai (2 jours par étape). Ce fut un grand moment d’actualité mondial essentiellement en France où les flatteurs et les media aux ordres n’ont eu de cesse de chanter la geste internationale du Président Macron.
Alors que le Président des États-Unis déplace des centaines des milliards lorsqu’il se déplace au Moyen Orient, notre Président nous ramène 9 milliards d’euros de contrats du Vietnam et potentiellement 17 milliards d’Indonésie. Quant au discours tenu devant une conférence internationale à Singapour (sur des thématiques de sécurité internationale), d’après ce que nous comprenons, sa valeur est incommensurable.
Au Vietnam, le Président Macron a réussi à placer 20 Airbus-330néo et 96 Airbus 320, acquis par la grande compagnie vietnamienne (Vietjet), un investissement portuaire pour CMA CGM (527 millions d’euros – port en eau profonde). Il est également question de coopération autour des questions d’énergie nucléaire, de satellites d’observation et de vaccins (avec Sanofi).
Ce bilan est remarquable comparé aux dernières données connues d’investissements français au Vietnam : 90 millions de $ en 2023. Les Chinois y ont investi plus de 9 milliards, mais l’Allemagne seulement…366 millions. Le Vietnam présente le meilleur profil de croissance de la zone avec quelques atouts en particulier une population bien formée1 (5.000 ingénieurs/an) et une « excellente » inclusion dans la mondialisation à tel point que le pays a été particulièrement visé par la politique douanière de l’administration Trump. Bref, 9 milliards d’euros, c’est trop peu et trop tard pour le capitalisme français (sous l’hypothèse audacieuse de considérer Airbus comme un fleuron du seul capitalisme français).
En Indonésie, notre représentant de commerce a joué au marchand de canons avec 17 milliards d’euros de contrats…dont on ne connaît pas le détail. Il s’agirait d’une douzaine d’avions de chasse Rafale (Dassault) en complément de la commande de 2022 incluant la livraison échelonnée de 42 Rafale entre 2022 et 2024, de canons César, de deux sous-marins et de 13 radars d’interception. A ce jour, les autorités indonésiennes ont seulement signé une lettre d’intention. Le chef de l’État indonésien, ancien général qui s’est singularisé dans l’ancien conflit du Timor par une brutalité qualifiée d'excessive ( ce qui en bon frnçais signifie une répression brutale), sera l’invité de notre 14 juillet prochain, rien de tel qu’un défilé martial pour emporter l’adhésion !
L’Indonésie fait partie des États qui n’ont toujours pas reconnu l’État d’Israël. Comme la France fait partie des États qui ne reconnaissent pas l’État de Palestine, il y avait sujet à débat entre « Frères » (salut de Macron à son homologue indonésien, très en demande de fraternité notre Président actuellement, un chef d’État, un joueur de football, peut-être demain, qui sait ? -un ouvrier sidérurgiste en lutte pour conserver son outil de production ?) Qu’on se le dise, tout cela est une question de sensibilité (sic) mais la France réfléchit très fort à une reconnaissance.
A Singapour, lors du forum de défense et de sécurité Shangri (le Dialogue), le Président français a tracé une troisième voie : entre la Chine menaçante et les États-Unis arrogants, il faut unir les bonnes volontés européennes et asiatiques pour construire un monde de justice commerciale et de paix durable, en renonçant au double standard dans l’appréciation des situations internationales – la précision mérite éloge, nous nous en souviendrons...
Toujours ardent défenseur de la souveraineté, il a admonesté la Chine car elle n’interdit pas à la Corée du Nord d’envoyer des troupes en Ukraine. Sinon a-t-il menacé l’Otan pourrait manifester sa présence en Asie du Sud Est. Rien de nouveau dans ce discours puisque l’expansion du champ d’intervention de l’Otan a été mise en débat sous la précédente présidence américaine.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce discours est pour le moins déconcertant alors que les Européens s’inquiètent à haute voix du désengagement des États-Unis, pilier de l’Otan. Promettre l’Otan à l’Asie dans ces conditions est pour le moins lunaire. Et puis, les États-Unis sont suffisamment présents dans la région pour s’embarrasser de l’Otan (et des dépenses qui vont avec) dans la zone (avec des accords de défense bilatéraux en particulier avec le Japon et les Philippines).
Les leçons de ce voyage ne sont guère équivoques ; malgré tous ses efforts oratoires et les contrats signés, le chef de l’État a signifié clairement sa place dans l’affrontement impérialiste en cours en Asie: quelque part dans nulle part !