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N° 835 23/08/2023 La crise immobilière qui se développe en Chine, couplée à une relative stagnation de son activité économique et de ses exportations, interroge sur la possibilité d'un impact significatif sur l'ensemble de l'économie capitaliste mondiale comme cela fut le cas avec la crise des subprimes aux États-Unis en juillet 2007 qui a fortement affecté le système financier mondial.
Depuis que la crise de la dette du secteur immobilier chinois a éclaté mi-2021, des entreprises représentant 40% des ventes de logements en Chine ont fait défaut, la plupart d’entre elles étant des promoteurs immobiliers privés.
Cette crise immobilière se manifeste d'ores et déjà par des faillites retentissantes, celle du groupe Evergrande en défaut de paiement depuis deux ans et plus récemment les énormes difficultés du groupe Country Garden dont le passif est estimé à 176 milliards d'euros. À titre de comparaison, l’ex-numéro un déchu de l’immobilier, Evergrande, avait quant à lui une ardoise estimée fin 2022 à près de 340 milliards de dollars et disposait seulement de 2 milliards de liquidités, tandis que des conglomérats financiers nationaux ou régionaux chinois comme Zhongzi, qui gère à lui seul plus de 125,6 milliards d’euros d’actifs, sont maintenant exposés au risque de dépôt de bilan alimentant une crise importante du secteur financier.
Il faut dire que le secteur immobilier en Chine est de toute première importance. Sa part représente, suivant les données prises en compte : l'immobilier seul ou avec les secteurs fournisseurs comme les cimenteries et l'acier de 14 à 30 % du PIB. La moitié des appartements neufs mis en vente dans le monde le sont en Chine et représentent une valeur de marché estimée à 57.000 milliards d'euros. Cette manne a attiré les entrepreneurs privés qui dominent le secteur et se sont lancés dans d'immenses projets d'urbanisme, bien au-delà des besoins pourtant énormes en matière de construction du fait de l'urbanisation rapide du pays. Il est vrai que le pays s’est lancé dans une vaste campagne de construction de logements neufs, en réclamant de la part des candidats à la propriété un versement d’une somme préalable sur plans, puis acceptent des prélèvements réguliers.
Alléchés par la promesse de fortunes extraordinaires autant que rapides, les promoteurs en ont voulu toujours plus, entamant de nouveaux travaux avant même que les précédents soient achevés, bien entendu avec l’argent versé par les premiers donateurs. C'est ce que l'on appelle une pyramide de Ponzi[1]. Les épargnants, sauf à une intervention étatique prenant en charge une partie du capital investi, ce que n'a pas fait le pouvoir en Chine, sont alors lésés par la perte de leur capital et la non acquisition du bien qu'ils ont partiellement ou totalement payé. Cette réalité explique les manifestations d'accédants à la propriété et une perte de confiance des couches sociales possédant un capital suffisant pour accéder à la propriété – les classes moyennes supérieures.
Si des similitudes existent entre cette crise et celle des subprimes aux États-Unis, pour autant elle ne saurait s'y confondre parce que l'exposition du système financier des autres économies capitalistes à l'immobilier chinois est relativement faible. En revanche, un approfondissement de cette crise peut avoir des conséquences importantes pour une économie chinoise qui peine à retrouver sa dynamique après le long épisode du COVID et des confinements et les sanctions commerciales protectionnistes mises en place par son principal partenaire en même temps qu'adversaire économique que sont les États-Unis.
En effet, pesant plus du quart du PIB chinois, la construction et l’immobilier constituent le pilier de son économie. L’immobilier s’avère en particulier la filière la plus liée à l’économie chinoise, car il sert de locomotive à de nombreux autres secteurs, tels que le ciment, l’acier, les fournitures d’ameublement et la banque. Représentant en moyenne 20 % des emplois en Chine, il constitue aussi une importante source de travail tout particulièrement en absorbant une partie non négligeable de la main d’œuvre devenue surnuméraire dans les campagnes (travailleurs migrants) et qui trouvent dans le bâtiment les moyens de vivre.
Les dirigeants chinois sont donc confrontés à une situation complexe dont les conséquences peuvent alimenter un mécontentement social touchant de larges secteurs de la population et en particulier celle urbaine qui jusqu'à présent a profité d'un développement de la Chine tiré par une politique d'exportation. Le développement du marché intérieur paraît être une priorité pour les autorités chinoises qui mesurent les limites d’une politique mercantiliste (sensibilité à la conjoncture des marchés occidentaux, sanctions économiques, etc.), l’échec retentissant du marché intérieur de l’immobilier contrarie cette stratégie et ouvre une perspective de tensions sociales avec la convergence des mécontentements des classes moyennes urbaines – plutôt favorables au régime jusqu’ici – et des travailleurs migrants dont la situation déjà bien précaires risque d’encore de se détériorer.
Les prochains mois et les décisions prises par les autorités chinoises donneront des éléments de réponses sur la façon d'orienter une croissance basée ou non sur la satisfaction des réels besoins populaires intérieurs. En attendant, cette crise de l'immobilier nous rappelle que les développements du capitalisme sont une succession de crises dans la mise en mouvement du capital pour réaliser les profits les plus élevés possibles : de ce point de vue, si la crise immobilière en cours est aux couleurs de la Chine, elle n'en est pas moins un classique du capitalisme !
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