750-04/01/2022 Ce début janvier voit la naissance, en Asie de la plus vaste zone de libre-échange du monde, celle du Partenariat régional économique global (Regional Comprehensive Economic Partnership, RCEP)(1).
Ce sera la plus vaste zone de libre-échange du monde. Le RCEP prévoit un abaissement progressif des droits de douane de 90 % sur une période de vingt ans.
Avec ses vingt chapitres, l’accord porte aussi sur les barrières non tarifaires, mais ne comporte aucune règle contraignante ni aucune clause sur l’environnement, le marché du travail, la propriété intellectuelle ou encore les subventions d’État. Une feuille de route a été fixée pour l’harmonisation des normes et des règles, particulièrement dans les domaines du sanitaire et du phytosanitaire, qui font l’objet à eux seuls d’un chapitre entier. selon Hanns G. Hilpert, responsable du département Asie à l’Institut allemand des affaires internationales et de sécurité : « La mise en place de règles d’origines communes, conjuguée à la baisse des tarifs douaniers, va faciliter la création de chaînes de valeur dans la région ». Les économistes tablent sur un effet portant sur une augmentation de 0,2 % du PIB des économies concernées et de 2 % du volume de leur commerce au détriment des échanges avec le reste du monde. Pour ce même responsable, cet accord devrait favoriser les investissements étrangers dans la région, hors de Chine : « Le RCEP va inciter les entreprises européennes à investir en Asie du Sud-Est et s’en servir comme nouvelle base d’exportations vers le reste du monde, tout en conservant une présence en Chine pour profiter de son marché intérieur ».
Il est clair que cet accord de libre-échange s’il ne contient formellement aucun élément d’engagement politique et laisse donc les États concernés libres de leur choix de développement économique et social, comme de leurs alliances militaires sera dominé par les puissances signataires majeures : La Chine, le Japon et l’Australie. Pour la Chine les gains sont politiques. La Chine a poussé à la finalisation des négociations, en particulier pour combler le vide laissé par l’abandon d’un projet concurrent, le traité de libre-échange transpacifique (le TPP), par les États-Unis de Donald Trump et promu par son prédécesseur démocrate, Barack Obama. Le RCEP est une réponse à la montée du protectionnisme en Europe et aux États-Unis. C’est une manière de faire avancer la libéralisation des échanges alors que, dans le monde, les négociations entre les 164 pays membres de l’Organisation mondiale du commerce sont difficiles et que les USA mènent une guerre économique contre la Chine et tout particulièrement dans les domaines technologiques où elle entend garder le leadership, guerre à laquelle répond la Chine en modernisant et recentrant une partie de son activité tout en assurant une meilleure protection et contrôle du capital de ces grandes entreprises.
Cette zone de libre-échange, qui comprend notamment la Chine, le Japon, l’Australie, la Nouvelle Zélande et la Corée du Sud, ainsi que les pays de l’ASEAN(2) représente à lui seul le tiers du produit intérieur brut (PIB) mondial et le tiers de la population de la planète. Ce sera l’ensemble le plus important du commerce mondial. Autant dire qu’il marque la montée en puissance du capitalisme en Asie et corrélativement le déplacement des affrontements au sein de l’impérialisme dans cette région. C’est ce que nous soulignions dans un article récemment paru sur notre site(3) .
Ce dernier point fait partie des évolutions qui marquent la dernière décennie et vont s’accentuer encore dans les années à venir.
La signature d’accord de libre-échange comme la constitution de centres capitalistes plus intégrés économiquement, socialement et politiquement ne signifie pas en effet et nous pouvons dire bien au contraire, la fin de la concurrence capitaliste pour la maîtrise des matières premières, des voies de communication et de la force de travail. Au contraire, cela confirme l’exacerbation de ces concurrences dans des rapports de forces en pleine évolution à l’échelle mondiale. Il est possible de mesurer ces réalités sur tous les continents. C’est vrai dans la zone indo-pacifique où l’un des pays majeurs de l’accord de libre-échange, l’Australie vient de s’arrimer à une alliance militaire avec les USA et le Royaume-Uni pour contrer la Chine et qui a traduit cette politique par un retournement de ses choix en matière d’armement au détriment de la France(4) . Il n’est que de voir en Europe aussi, l’intense bataille qui se mène sur les questions énergétiques, questions existentielles qui voient s’affronter des stratégies différentes tout particulièrement entre la France et l’Allemagne. Ainsi, loin de déboucher sur une mondialisation harmonieuse, heureuse et pacifique, la constitution de ces grands ensembles capitalistes, s’ils reflètent l’accélération de la division internationale du travail dans le système capitaliste, n’en sont pas moins des sujets conflictuels.
Ces questions qui sont complètement évacuées du débat politique, le sont parce qu’il faudrait alors clairement se situer par rapport au capitalisme lui-même et cela n’est pas dans les intentions de toutes les forces politique du capital et de celles qui tout en contestant la politique du moment ne veulent surtout pas s’attaquer à la question de fond : qui dirige et pour quels intérêts. Au contraire comme parti du changement révolutionnaire de la société, nous pointons du doigt la nécessité de la lutte politique et sociale contre le capitalisme et son développement l’impérialisme.
(1) https://www.sitecommunistes.org/index.php/monde/asie/1152-asie-une-nouvelle-union-de-libre-echange-capitaliste
(2) ASEAN : association des nations de l’Asie du Sud-Est : Brunei, la Birmanie, le Cambodge, l’Indonésie, le Laos, la Malaisie, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam.
(3) https://www.sitecommunistes.org/index.php/monde/monde/1460-le-centre-des-affrontements-au-sein-de-l-imperialisme-se-deplace-vers-la-zone-asie-pacifique
(4) https://www.sitecommunistes.org/index.php/monde/asie/1592-sous-marins-une-rupture-de-contrat-qui-illustre-les-affrontements-au-sein-de-l-imperialisme