Gantry 5

 

Quels sont les faits ? À l’issue d’un sommet de quatre jours à Hanoï, Quinze pays d’Asie se sont accordés dimanche 15 novembre pour conclure le plus grand accord de libre-échange du monde, couvrant près d’un tiers de la population du globe et représentant 30 % du produit intérieur brut mondial.

Cet accord prévoit une élimination de 90 % des tarifs douaniers entre pays membres et des règles communes pour la propriété intellectuelle. « Je suis heureux qu’après huit années de négociations complexes, nous puissions terminer officiellement aujourd’hui les négociations du RCEP » (Regional Comprehensive Economic Partnership), a déclaré le premier ministre vietnamien Nguyen Xuan Phuc, dont le pays assure la présidence tournante de l’Asean (association des nations de l’Asie du Sud-Est). L’accord réunit les dix membres de l’Asean soit : Brunei, la Birmanie, le Cambodge, l’Indonésie, le Laos, la Malaisie, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam, ainsi que les plus importantes économies de la région : la Chine, le Japon, la Corée du Sud, mais aussi la Nouvelle-Zélande et l’Australie. L’Inde qui avait participé aux négociations n’a pas rejoint l’accord, mais la porte reste ouverte à son adhésion.
Quelle est la signification de cet accord ? En premier, il traduit la montée en puissance de l’Asie dans l’économie mondiale et le développement du capitalisme dans cette région avec son intégration dans la mondialisation capitaliste, il témoigne de ce que K. Marx analysait comme une loi de développement du capitalisme. Ainsi, dans un discours prononcé devant l’Association démocratique de Bruxelles, le 7 janvier 1848, il déclarait : « Pour nous résumer : dans l’état actuel de la société, qu’est-ce donc que le libre-échange ? C’est la liberté du capital. Quand vous aurez fait tomber les quelques entraves nationales qui enchaînent encore la marche du capital, vous n’aurez fait qu’en affranchir entièrement l’action. (...) Messieurs, ne vous en laissez pas imposer par le mot abstrait de liberté. Liberté de qui ? Ce n’est pas la liberté d’un simple individu, en présence d’un autre individu. C’est la liberté qu’a le capital d’écraser le travailleur. (…), en général, de nos jours, le système protecteur est conservateur, tandis que le système du libre-échange est destructeur. Il dissout les anciennes nationalités et pousse à l’extrême l’antagonisme entre la bourgeoisie et le prolétariat». La vie a confirmé les hypothèses de K. Marx et de grands ensembles capitalistes de libre échange se sont constitués en Amérique, dans le Pacifique (traité trans-pacifique(1) et en Europe tout particulièrement avec l’Union Européenne. La constitution de vastes ensembles économiques capitalistes caractérise donc l'évolution du capitalisme mondial. Il existe plusieurs dizaines de ces ensembles sur tous les continents. Ces unions s'intègrent dans la lutte économique que se livrent les monopoles et les États. La constitution d’un vaste ensemble en Asie et Pacifique s’inscrit dans cette logique de développement du capitalisme et de l’impérialisme. Il s’inscrit aussi dans la guerre commerciale qu’imposent unilatéralement les USA à la Chine, guerre qui freine les échanges commerciaux et pèse sur toutes les économies très liées au développement capitaliste en Chine. Si cet accord donne à la Chine un rôle plus important dans le leadership qu’elle entend renforcer dans la région, il ouvre symétriquement de nouvelles opportunités au capitalisme monopoliste dans l’économie chinoise. La concentration du capital, la fusion du capital industriel et financier... que décrivait Lénine dans l’impérialisme stade suprême du capitalisme(2) :avec en particulier : « [la] formation d'unions internationales monopolistes de capitalistes se partageant le monde » sont bien les causes premières de la constitution de ces ensembles capitalistes. Ces ensembles doivent être combattus dans leur nature capitaliste, ils imposent aux travailleurs des pays concernés de mener la lutte de classe contre leurs exploiteurs et aussi de développer une pratique internationaliste de ce combat de classe.

(1) Initialement, ce traité multilatéral de libre-échange était censé inclure 12 parties prenantes: États-Unis, Canada, Mexique, Chili, Pérou, Japon, Malaisie, Vietnam, Singapour, Brunei, Australie et Nouvelle-Zélande. La participation de la Chine n’était pas prévue. Regroupant 800 millions d'habitants et 40% du PIB mondial, le TPP devait devenir la plus grosse zone de libre-échange sur Terre. Sauf que, une fois à la Maison-Blanche, D Trump a signé un décret qui désengage les États-Unis de cet accord.
Après le retrait de son plus grand participant, les autres membres n'ont pas abandonné le TPP qui, certes, est devenu moins pesant, économiquement parlant. Rebaptisé Partenariat transpacifique global et progressiste, le traité sans quelques clauses initiales est entré en vigueur en 2018. À ce jour, il est ratifié par sept pays: l'Australie, le Canada, le Japon, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, Singapour et le Vietnam.
(2)
V. I. Lénine, L’impérialisme stade suprême du capitalisme, Les Éditions du Progrès, URSS, 1967.                                                                                                                                                           
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