N° 887 22/08/2024 Le gouvernement malien a officiellement rompu ses relations diplomatiques avec l’Ukraine. L’Ukraine est un pays d’Europe de l’Est, le Mali est situé dans la région du Sahel, en Afrique. Leurs relations politiques et commerciales ne sont pas intenses, c’est le moins qu’on puisse dire, ni dans un sens positif, ni, jusqu’à présent, dans un sens négatif. Kiev n’a même pas d’ambassade dans la capitale malienne, Bamako, bien qu’elle en ait dans un certain nombre d’autres États africains ; le Mali n’a pas non plus de mission diplomatique en Ukraine. À première vue, il est difficile de voir comment deux pays qui ont si peu en commun ont réussi à en arriver à un tel affrontement.
L’Ukraine est à l’origine de cet étrange conflit. Les actions agressives, arrogantes et bornées de ses dirigeants n’ont pas laissé d’autre choix à Bamako que d’envoyer balader Kiev. Le mauvais traitement infligé par l’Ukraine à la nation africaine a une signification plus large, car il est emblématique du fait qu’elle se range dans le bloc impérialiste occidental.
Fin juillet, des troupes de l’armée nationale malienne, renforcées par des mercenaires du groupe russe Wagner, ont été prises en embuscade dans le nord du pays, près de la ville de Tinzaouaten. Les assaillants étaient composés de deux forces différentes, mais qui, coopéraient : tout d’abord, il s’agissait des Touaregs insurgés, une rébellion séparatiste de longue date lancée en 2012 et organisée dans le cadre du CSP–DPA (Cadre Stratégique Pour la Défense du Peuple de l’Azawad). Cette organisation a toujours été soutenue par l’impérialisme français. Avant, ils vivaient en Libye. Mais, dans la foulée du renversement de Kadhafi et du chaos créé par les impérialistes occidentaux, l’État français a décidé d’utiliser ces gens, de les faire sortir de Libye et de les implanter dans le nord du Mali. En outre, les fascistes islamistes affiliés à Al-Qaïda, une de ces organisations opérant pour le compte de l’impérialisme US, sous l’étiquette de GSIM (Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans), ont également frappé.
Les détails de cette bataille ne sont pas encore tout à fait clairs. Apparemment, une tempête de sable et de poussière a largement neutralisé l’avantage aérien des forces gouvernementales maliennes. Mais il ne fait aucun doute qu’ensemble, les Touaregs appuyés par la France et les fascistes islamistes ont infligé une défaite sanglante à leurs adversaires. Les pertes de Wagner ont été considérables : les chiffres varient entre plus de deux douzaines, une cinquantaine et plus de quatre-vingts. Le gouvernement de Bamako a fait état de deux morts et 10 blessés parmi ses soldats.
C’est ici que l’Ukraine entre en jeu. Ou, pour être précis, c’est ici qu’intervient le tristement célèbre service de renseignement militaire de Kiev, HUR. En réalité, il s’agit d’un service d’assassinats et d’opérations secrètes entraînées par la CIA.
Peu de temps après la bataille de Tinzaouaten, le porte-parole de HUR Andriï Ioussov s’est vanté publiquement que son service avait contribué à l’embuscade en fournissant « toutes les informations nécessaires dont les assaillants avaient besoin ». Il a également été question de l’implication d’autres moyens, tels que des drones et des armes, qui auraient pu être utilisés.
Une fois dans le trou creusé par l’espion il s’est agi d’intensifier la propagande autour de la défaite de Wagner, avec le soutien des media de l’Occident impérialiste. Iouri Pivovarov, ambassadeur de Kiev au Sénégal a publié une vidéo sur le site web de son ambassade pour se vanter une fois de plus d’avoir aidé à détruire les forces gouvernementales maliennes au Mali. Le gouvernement sénégalais l’a convoqué et la vidéo a désormais disparu. Bien entendu, le Sénégal a rabroué l’ambassadeur. Mais rien de plus. Le gouvernement sénégalais reste dans un entre deux, soutenant à fond la CEDEAO, prenant des postures d’opposition au néocolonialisme français, mais entretenant, par son premier ministre Sonko, des liens avérés avec les groupes fascistes islamistes qui combattent les gouvernements de transition du Burkina et du Niger.
Evidemment, après la rupture des relations diplomatiques décidée par le Mali, Kiev a affirmé que le Mali n’avait aucune preuve de son implication. Bien entendu, personne n’y a ajouté foi.
Le porte-parole du gouvernement malien, Abdoulaye Maïga, a précisé que « la participation de l’Ukraine à l’attaque lâche, perfide et barbare de groupes terroristes armés [...] viole la souveraineté du Mali, dépasse le cadre de l’ingérence étrangère et s’apparente à soutenir le terrorisme international ».
A la suite du Mali, le Niger, puis le Burkina Faso ont rompu leurs relations diplomatiques avec l’Ukraine.
Pour le Parti Révolutionnaire Communistes, cette situation doit être regardée dans toute sa complexité. Les trois pays de l’Alliance du Sahel sont engagés, d’une manière ou d’une autre, dans la reprise en main de leur destin et la décolonisation. Les troupes impérialistes occidentales en ont été chassées, la bataille contre les fascistes islamistes a permis des victoires, il n’y a pas que Tinzaouaten.
Quels que soient les difficultés de ces processus, les critiques parfois justifiées à l’endroit des dirigeants des trois pays, notamment l’appui sur la Russie, les trois peuples ont décidé d’appuyer les démarches originales de leurs dirigeants militaires. Et cela ne plaît pas d’abord à l’impérialisme occidental, qui utilise tous ses pions pour empêcher la réussite de l’Alliance du Sahel, y compris l’Ukraine, y compris les diverses forces fascistes islamistes qui sont à son service. Le rôle des Touaregs armés par la France est aussi à souligner dans cet état des lieus, celui de l’Algérie ne semble pas très clair vis-à-vis de ces mêmes Touaregs et du Mali. Le nord du Sahel attire des tas de convoitises.
Le Parti Révolutionnaire Communistes rappelle qu’il soutient les processus de décolonisation et le droit des peuples du Sahel à s’émanciper de la France coloniale, à mettre enfin la main sur leurs ressources naturelles et à conduire leur destin hors des influences impérialistes.