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N° 875 29/05/2024 Le Parti Révolutionnaire Communistes, qui soutient les mouvements de libération nationale dans les processus de décolonisation tient à souligner sa solidarité avec la lutte du peuple Sahraoui pour la reconnaissance de son indépendance. Pour éclairer nos lecteurs, nous publions sur notre Communistes-Hebdo une interview de Mohamed Ali Zerouali représentant du Polisario en France. 1.Peux-tu nous rappeler ce qui s’est passé en 1975 lorsque l’Espagne a quitté le Rio de Oro qu’elle colonisait et lorsque Hassan II a organisé la « marche verte » ?
 
En 1975, l’Espagne a été contrainte de mettre fin à sa colonisation du Sahara occidental, une région qu'elle occupait depuis le début du 19ème siècle. Le déclenchement de la lutte armée contre le colonialisme espagnol dans cette région avait eu lieu le 20 mai 1973, après plusieurs tentatives pacifiques de résistance, toutes réprimées violemment par le régime franquiste.
Au lieu d’organiser un référendum d’autodétermination comme exigé par l’ONU depuis 1963, l'Espagne a signé, le 14 novembre 1975, les « Accords tripartites de Madrid » avec le Maroc et la Mauritanie, sous les auspices des États-Unis. Ces accords partageaient le territoire du Sahara occidental entre ces deux pays sans consultation des Sahraouis.
Simultanément, le roi Hassan II du Maroc a orchestré la « marche verte », une opération présentée comme pacifique mais qui, en réalité, visait à détourner l’attention internationale de l'invasion militaire conjointe des armées marocaine et mauritanienne du Sahara occidental. Cette action a conduit à l’occupation du nord du territoire par le Maroc et du sud par la Mauritanie.
Le Front Polisario, qui venait de chasser l'Espagne, espérait l'aide de ses voisins marocains et mauritaniens dans sa lutte contre le colonisateur. Cependant, face à cette nouvelle invasion, il n’a eu d’autre choix que de résister par tous les moyens à ces nouveaux envahisseurs. Après le retrait officiel du dernier soldat espagnol du Sahara occidental, le 27 février 1976, le Front Polisario a proclamé la République arabe sahraouie démocratique (RASD), aujourd’hui reconnue par 83 pays et membre fondateur de l’Union africaine.
 
2. Comment s’explique la complicité de presque toutes les organisations politiques marocaines avec le roi dans cette affaire ?
 
À l’étranger, la question du Sahara occidental est souvent perçue comme une cause nationale au Maroc, transcendant les clivages politiques. Cependant, la réalité est plus complexe. Dans les années 70, pour le Roi Hassan II, la guerre au Sahara occidental était avant tout un moyen d’éloigner l’armée marocaine du Palais Royal et de détourner l'attention de la situation politico-économique interne. En plus de l'exploitation des richesses naturelles de la région, cette guerre servait de manœuvre de diversion. Toute personne ou formation politique osant remettre en cause la thèse officielle risquait sa vie, tant physique que politique.
Le célèbre opposant Abraham Serfaty a passé 27 ans en prison pour avoir eu l’audace de déclarer devant un tribunal qu'il soutenait le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui. Ses camarades du parti de gauche "Ila Al Amam" (En avant) ont été contraints de fuir à l'étranger. Ainsi, loin de croire que le roi Hassan II et son fils Mohamed VI ont su mobiliser un consensus national autour de cette question, il s'agit en réalité d'un régime de terreur qui n’accepte aucune remise en cause de sa thèse officielle.
 
3. La France est un ferme soutien du Maroc, comment analyses-tu cela ?
 
Le soutien inconditionnel des gouvernements français au Maroc, sur les plans militaire, diplomatique et économique, a considérablement influencé le processus de décolonisation du Sahara occidental. Sans cette assistance, il est probable que la décolonisation aurait été achevée depuis longtemps. Récemment, le nouvel ambassadeur français au Maroc a publiquement reconnu que la France avait envoyé des avions Jaguar pour bombarder les colonnes des combattants sahraouis en 1976 et 1977. Par ailleurs, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, la France n’a jamais cessé de faire pression pour éviter que le Conseil de sécurité n'exerce de contraintes sur le gouvernement marocain afin qu’il respecte la légalité internationale. En fait, c’est même le gouvernement français qui a été à l'origine de la soi-disant proposition marocaine d'autonomie.
Lors de sa récente visite au Maroc, le ministre français du Commerce extérieur a annoncé l'intention du gouvernement français d'investir et de financer des projets dans les zones occupées du Sahara Occidental. Si cette initiative se concrétisait, elle constituerait un soutien direct à l’occupation par le Maroc du territoire sahraoui, en violation flagrante du droit international et européen. La France est parfaitement consciente que, selon l'ONU, le Sahara Occidental est un territoire non autonome et que le peuple sahraoui a droit à l’autodétermination et à la souveraineté sur ses ressources. Par conséquent, toute exploitation de ces ressources doit se faire avec le consentement du Front Polisario, le représentant unique et légitime du peuple sahraoui. De même, la justice européenne a reconnu que le Maroc et le Sahara Occidental sont deux entités distinctes et que toute activité économique dans le territoire sahraoui doit être négociée avec le gouvernement sahraoui.
Ignorer ces principes revient à soutenir directement l'occupation illégale du Sahara Occidental par le Maroc, ce qui constitue une violation manifeste du droit international et européen. Le peuple sahraoui espère que la France, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité et défenseur des droits de l'homme et des valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité, agira en faveur de la paix et de la stabilité dans la région. Il est impératif que le gouvernement français protège ses intérêts économiques et autres dans la région tout en respectant les droits fondamentaux du peuple sahraoui et le droit international. La paix et la stabilité, qui bénéficient à tous, ne peuvent être obtenues au détriment des droits humains élémentaires du peuple sahraoui et des principes de droit international.
 
4. Aujourd’hui, comment vivent les Sahraouis qui sont sous domination marocaine ?
 
Les Sahraouis vivant sous occupation marocaine font face à de nombreuses difficultés. Ils subissent des discriminations économiques et sociales, et leurs droits fondamentaux sont fréquemment bafoués. Les manifestations pacifiques en faveur de l’autodétermination sont souvent réprimées avec violence, et les militants sahraouis sont régulièrement arrêtés, emprisonnés ou harcelés. L’accès à l’emploi, à l’éducation et aux soins de santé est également limité pour les Sahraouis, qui vivent souvent dans des conditions précaires.
Les prisonniers politiques sahraouis subissent les pires sévices et tortures de la part de la police marocaine. Les éliminations et tentatives d’élimination des activistes sahraouis sont monnaie courante. Plusieurs fosses communes, contenant des centaines de dépouilles de victimes mortes sous la torture et enterrées anonymement sans autre forme de procès, ont été découvertes. Aujourd’hui, ce genre d’éliminations continue de se produire dans la plus totale impunité, comme le prouvent les nombreuses tentatives d’assassinat dont a été victime Madame Sultana Khaya durant son année d’assignation à résidence au sein de sa demeure familiale dans la ville occupée de Boujdour.
Le Maroc a transformé les territoires occupés du Sahara Occidental en une prison à ciel ouvert, où les observateurs, les journalistes et les avocats indépendants sont interdits d’accès. Les forces d’occupation marocaines torturent moralement et physiquement les détenus politiques, œuvrant à leur élimination insidieuse par manque de soins et de nourriture suffisante. Formularbeginn
 
5. Y a-t-il des combattants du Front Polisario présents au Sahara occidental ? Quelle est leur activité ?
 
Depuis l'entrée en vigueur du cessez-le-feu le 6 septembre 1991, fruit de négociations directes entre le Maroc et le Front Polisario sous l'égide de l'ONU, un mur de sable, érigé par le Maroc, de plus de 2700 km, équipé de systèmes de surveillance sophistiqués, d'armements lourds, de champs de mines et surveillé par plusieurs centaines de soldats marocains, divise le Sahara occidental entre les territoires occupés par le Maroc et les zones libérées. Ces dernières sont sous le contrôle des combattants sahraouis du Front Polisario. Jusqu'au 13 novembre 2020, leur activité était principalement défensive, visant à protéger ces territoires et à résister à l'occupation marocaine. Cependant, depuis cette date, les combats ont repris entre les deux parties.
Contrairement à une idée répandue, ce n'est pas le Front Polisario qui a rompu le cessez-le-feu en vigueur depuis 1991, mais bien l'armée marocaine qui a agressé des civils sahraouis le 13 novembre 2020. Ces derniers manifestaient pacifiquement contre l'ouverture illégale d'une brèche dans la zone tampon d'El-Guerguerat, au sud-ouest du Sahara occidental. Le Front Polisario a simplement réagi à cette violation du cessez-le-feu, ainsi qu'au silence assourdissant du Conseil de Sécurité. Le peuple sahraoui, pacifique, s'est vu contraint à la guerre, se plaçant ainsi en légitime défense. Les premiers responsables de la reprise des hostilités sont incontestablement le régime marocain, suivi de près par la communauté internationale, en particulier le Conseil de Sécurité, qui n'a rien entrepris pour contraindre les autorités marocaines à respecter leurs engagements et le cadre de la légalité internationale. En résumé, la reprise de la lutte armée a de nouveau été imposée au peuple sahraoui.
 
6. Des Sahraouis vivent dans des camps de réfugiés en Algérie : Quelle est leur vie et quels sont leurs espoirs ?
 
Les Sahraouis vivant dans les territoires libérés et dans les camps de réfugiés Sahraouis principalement dans les environs de la ville algérienne Tindouf, endurent des conditions de vie très difficiles. Ils dépendent largement de l’aide humanitaire internationale pour leur survie. Malgré ces conditions précaires, les réfugiés sahraouis restent résilients et organisés, avec des structures sociales, éducatives et politiques en place. Leur principal espoir est de pouvoir retourner un jour dans un Sahara occidental libre et indépendant. Ils aspirent à un avenir où ils pourront vivre en paix, avec la reconnaissance de leurs droits et de leur identité.
 
7. Où en est-on aujourd’hui ? Quelles perspectives existent pour la libération du Sahara occidental ? Quel rôle joue l’ONU ?
 
Aujourd’hui, la situation du Sahara occidental demeure bloquée, malgré les efforts diplomatiques. Le processus de paix, mené sous l’égide de l’ONU, est au point mort, avec le Maroc refusant toute solution incluant un référendum sur l’indépendance. L’ONU maintient une mission de maintien de la paix, la MINURSO, qui n’a cependant pas réussi à faire progresser de manière significative les négociations.
Les perspectives de libération du Sahara occidental dépendent d’une pression internationale accrue sur le Maroc pour qu’il accepte une solution juste et durable, respectant le droit des Sahraouis à l’autodétermination. Le Front Polisario, représentant le peuple sahraoui, reste déterminé à poursuivre sa lutte de libération par tous les moyens légaux reconnus par la légalité  internationale.
 
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