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734-15/09/2021 Nous publions une interview d'Albert Moutoudou Président de l'UPC-Maniden. Il a commencé son parcours militant en France, dans le mouvement des étudiants:

l’Union Nationale des Etudiants du Kamerun (UNEK) dont il a été l’un des présidents et qui a été interdite en 1977 par le ministre de l’intérieur de l’époque Michel Poniatowski.
Il est rentré à l’UPC pendant la phase de reconstruction et de clandestinité du parti, à travers la stratégie du MANIDEM.
De part sa position en Afrique comme ancienne puissance coloniale, la France qui y intervient militairement mais aussi économiquement et idéologiuement, est un des acteurs de l'impérialisme sur ce continent. Notre parti attaché à l'internationalisme et à la lutte anti-impérialiste est attentif à l'évolution des situations économiques sociales et politiques partout dans le monde et aux luttes contre l'impérialisme. L'interview que nous vous présentons donne le point de vue d'Albert Moutoudou dirigeant de l'UPC-Manidem sur la situation au Cameroun.

Question 1.
L'histoire du Cameroun, y compris récente, reste largement ignorée du public en France. Ancienne colonie française, la lutte de libération nationale a été l'objet d'une répression sanglante de la part de l'impérialisme français. Que visait cette répression du mouvement populaire de libération?

L’Union des Populations du Cameroun (UPC) est probablement le seul parti en Afrique noire à inscrire, dès sa création le 10 avril 1948, la revendication de l’indépendance dans son programme. En demandant l’accession à l’indépendance, l’UPC se conformait aux propres dispositions de l’ONU. C’est cette dernière qui avait confié le Kamerun à la France, non comme une colonie, mais comme un territoire placé sous le nouveau régime de tutelle, avec la mission de conduire ledit territoire à l’indépendance ou à l’autonomie, selon les vœux de ses habitants.
Pour les dirigeants français qui entendaient administrer le Kamerun comme une colonie tout en souscrivant du bout des lèvres aux dispositions du régime de tutelle de l’ONU, la revendication de l’indépendance par l’UPC pouvait devenir un mauvais exemple dans le sous-continent noir. Il fallait l’étouffer rapidement. Aussi, dans un emballement incroyable, l’administration coloniale au Kamerun entreprit-elle de mettre les bâtons dans les roues à ce parti indésirable : interdictions des réunions de l’UPC, arrestations fréquentes des dirigeants et des militants, violences physiques, entraves systématiques à l’occasion des scrutins, notamment en recourant aux tripatouillages électoraux qui ont fait école jusqu’à nos jours…
En dépit de tout cela, l’audience de l’UPC ne cessait de croître, au point tel qu’on put dire et selon des sources françaises elles-mêmes que ce parti avait l’adhésion d’environ 85% de la population. C’était colossal ! Que dans un pays d’Afrique, des populations de plus en plus nombreuses inscrivent désormais le mot d’ordre de l’indépendance en tête de leurs espérances, voilà ce que Paris ne pouvait admettre et l’on décida de passer à la vitesse supérieure en interdisant l’UPC purement et simplement. Le 13 juillet 1955 le gouvernement français présidé par Edgar Faure prit un décret de dissolution de l’UPC et de ses organisations de masse. Après quoi, la chasse à l’homme étant rendue « légale » par le fait du décret, des militants de l’UPC furent traqués à travers le pays, certains tombèrent sous les balles, et par paquets d’autres se retrouvèrent dans les prisons.
Le parti n’avait pas d’autre choix que de rentrer dans la clandestinité.
En décembre 1956, des élections étaient prévues. Elles constituaient le premier temps dans la mise en œuvre de la Loi-Cadre dite de Gaston Deferre. De quoi s’agissait-il ? Dans un contexte où montait la revendication de l’indépendance, il était urgent de faire un saupoudrage sous lequel les colonisés, tout en restant aux ordres de la France, devaient penser qu’ils se géraient eux-mêmes désormais. La France hissait ainsi au premier rang des béni-oui-oui qui sont à son service depuis ce temps, et qui, en se reproduisant à travers des régimes de dictature, demeurent jusqu’à nos jours les agents du néocolonialisme dans les pays africains. Il est significatif d’ailleurs qu’après avoir installé solidement et l’assemblée et le gouvernement de « l’Etat sous tutelle » (admirable formule !) issus des élections de décembre 1956, la France se déclare prête à accorder l’indépendance au Kamerun, alors qu’elle avait été si longtemps hostile à la revendication d’indépendance portée par l’UPC sur la place publique depuis 1948. Décembre 1956 est donc un tournant décisif. Plus de soixante-dix ans plus tard les Africains n’ont pas fini de payer la note de cet acte commis par la puissance coloniale : le baptême de la bourgeoisie africaine née de rien et sans aucune justification historique pour l’Afrique(1) .
L’UPC était donc en bute à la violence coloniale, elle était occupée aussi à rester une organisation vivante et opérationnelle dans la clandestinité, et pour finir elle devait s’employer à faire échec à ce tour de passe-passe colonial consistant à poursuivre la domination à travers une classe bourgeoise locale. Le parti se trouva dans l’obligation d’entreprendre la lutte armée, mais avec un triple handicap : premièrement, sous la pression des événements, donc sans avoir eu le temps de s’y préparer ; deuxièmement, en manquant de moyens matériels à la hauteur des exigences de l’heure ; troisièmement, ne disposant pas non plus d’une base arrière constituée par un pays voisin engagé solidairement auprès de l’UPC, comme c’était heureusement le cas, par exemple, pour les combattants vietnamiens et algériens.
Ayant tiré des leçons de ses échecs en Indochine et en Afrique du nord, la France pratiqua au Kamerun une politique de terreur et de la terre brûlée qui a laissé des séquelles profondes. Des arrestations massives, la torture systématique, des milices de collaborateurs qui se livrent impunément aux assassinats, aux saccages et aux vols, des exécutions en masse, des villages incendiés, des populations déportées et placées dans des camps surveillés, etc.
Les dirigeants de l’UPC, bien évidemment, étaient les premiers visés par cette violence : le 13 septembre 1958 Ruben Um Nyobé le secrétaire général du parti est tué au maquis ; Félix-Roland Moumié le président du parti meurt le 3 novembre 1960, empoisonné à Genève par un nommé William Bechtel, un agent des services secrets français qui avait réussi à l’approcher en se faisant passer pour un journaliste ; le 15 janvier 1971, Ernest Ouandié, le dernier chef historique de l’UPC qui tenait le maquis dans l’ouest du pays depuis 1961, est fusillé sur la place publique de Bafoussam(2) .

Question 2.
Peux-tu nous rappeler brièvement l'histoire de la formation de l'UPC-Manidem?

A cause des difficultés politiques et militaires que je viens d’évoquer – lesquels s’accompagnent toujours de quelques querelles internes et du reflux militant – et plus dramatiquement après l’assassinat d’Ernest Ouandié, l’UPC fut au bord de l’effondrement. Des militants s’opposaient sur des questions comme celles-ci : la lutte armée ou la lutte politique, la lutte légale ou la lutte clandestine, et bien d’autres encore comme la place des pays socialistes dans le soutien à la lutte...
Que faire ? Telle est toujours la question pour ceux qui ont la volonté de continuer.
Pour répondre à cette question, il a fallu trois années au petit groupe de cadres encore debout. Tout en colmatant les brèches de l’organisation, à travers des réunions clandestines, des séminaires de réflexion et des publications que quelques militants encore actifs distribuaient sous le manteau, ils s’activaient, à propos des questions essentielles, à maintenir l’éveil des populations assommées par près d’une vingtaine d’années de répression. En août 1974, le fruit de ces trois années de réflexion est porté à la connaissance des Kamerunais : Le Manifeste National pour l’Instauration de la Démocratie (en abrégé : MANIDEM). Il s’agit d’une brochure proposant la stratégie de Front-uni (ou plateforme, ou alliance), sous une forme modulaire, entre l’UPC et des forces progressistes de l’heure, que celles-ci s’incarnent dans des organisations ou seulement dans des individus.
Dans un contexte où l’on croyait les Kamerunais définitivement anesthésiés par la répression, le succès du MANIDEM fut surprenant, à tel point que dès 1976, le pouvoir d’Ahmadou Ahidjo s’en alarmait et déclenchait une vague d’arrestations. A nouveau plusieurs militants de l’UPC se retrouvèrent derrière les barreaux. Mais désormais à travers la stratégie du MANIDEM la reconstruction de l’UPC était en marche et ne pouvait plus être enrayée. En 1982, soit huit ans après le lancement du MANIDEM, soit trente ans après le deuxième congrès, l’UPC s’était assez reconstruite pour tenir son troisième congrès dans la clandestinité, suivi en 1984 du quatrième. Le parti avait fermement repris sa place. Les mouvements des rues à la fin des années 1980 et au début des années 1990 pouvaient tous compter avec la présence de l’UPC aux premiers rangs, notamment ses jeunes militants rentrés dans le parti pendant la clandestinité grâce à la stratégie du MANIDEM.
C’est en hommage à cette phase de reconstruction clandestine du parti sur une vingtaine d’années après l’assassinat d’Ernest Ouandié, grâce à la stratégie du MANIDEM, phase somme toute glorieuse elle aussi, car sans elle le parti aurait peut-être disparu, c’est donc en hommage que le parti décida en 1992 d’accoler le sigle MANIDEM à celui d’UPC. D’où : UPC-MANIDEM(3) .

Question 3.
Quels sont les objectifs politiques de l'UPC-Manidem?

Dans son programme, l’UPC-MANIDEM identifie 13 défis majeurs allant de la résolution harmonieuse du problème national (notez par exemple qu’en ce moment l’Etat est en guerre contre des séparatistes de la partie anglophone du pays) à la reconstruction d’une panafricaine militante capable de faire échec aux menées impérialistes sur le continent, en passant par la résolution des problèmes politiques (l’application pleine et entière de la démocratie, la bonne gouvernance), des problèmes sociaux (travail, éducation, santé, etc.) et environnementaux.
Le problème fondamental et incontournable pour tous les Kamerunais, comme d’ailleurs dans l’ensemble du continent, pour pouvoir sortir du marasme en cours depuis les indépendances, est de se débarrasser d’abord de la classe bourgeoise que les impérialistes ont installée pour gérer le néocolonialisme en Afrique. La bourgeoisie africaine est une classe parasitaire, seulement occupée à s’enrichir à travers la corruption, les détournements, le racket mafieux opéré à l’occasion des marchés dont le résultat le plus sûr est l’endettement croissant des pays. Cette bourgeoisie (bureaucratique, compradore et militaire) est doublement nécessaire à l’impérialisme. Car, d’une part, elle assure l’ordre impérialiste dans nos pays, à savoir le pillage des ressources, l’exploitation exacerbée de la main-d’œuvre, la préservation des positions stratégiques. D’autre part on a l’habitude de ne voir le mouvement des capitaux que du centre capitaliste vers l’Afrique ; or la bourgeoisie africaine a aussi le rôle de renvoyer d’immenses capitaux détournés dans nos pays au centre capitaliste, grâce à quoi les dirigeants de ces pays peuvent momentanément colmater des brèches en face des revendications de leurs classes laborieuses.
Nous venons de vivre un épisode particulièrement significatif où le rôle de « renvoyeur d’ascenseur » de la bourgeoisie kamerunaise est particulièrement mis en lumière. Au milieu de l’année 2020, 180 milliards de francs CFA (1 euro = 655,9570 F cfa) provenant de diverses sources sont engagés dans la lutte contre le covid-19. Avant la fin de l’année cet argent était déjà distribué entre les ministres. A peine un an après la mise à disposition de cette somme, le scandale causé par cette distribution sans résultats probants a obligé le chef de l’Etat à demander un audit sur l’utilisation de l’argent. Or pendant que le pays est dans les révélations de l’audit qui font découvrir une vraie pompe aspirante capable de faire disparaître 180 milliards en un rien de temps et que des cris sont lancées par des forces progressistes en direction des institutions internationales et des Etats occidentaux pour leur demander d’être dorénavant plus circonspects dans l’octroi des crédits à l’Etat kamerunais, on apprend qu’au terme d’une rencontre à Paris du ministre des finances kamerunais avec des investisseurs 1481,15 nouveaux milliards ont été consentis à nouveau au gouvernement kamerunais, lequel ne demandait pourtant que le tiers de cette somme(4).
A travers les aides et autres crédits en provenance extérieure, les bourgeoisies africaines sont clairement dans le rôle de pourvoyeurs de capitaux aux bourgeoisies occidentales. Celles-ci de leur côté, font des plaidoyers dans les arènes internationales soi-disant pour aider les malheureux Africains, mais les dons et des crédits obtenus sont aussitôt retournés au centre capitaliste. A l’exemple des 180 milliards du covid-19 disparus, les aides et crédits aussitôt détournés au Kamerun et dans d’autres pays africains sont renvoyés dans les banques occidentales et autres circuits plus ou moins occultes. Certes, certaines sommes sont engagées dans des chantiers en Afrique même, mais les prestataires sont encore des sociétés occidentales (et aussi chinoises de plus en plus) et quelques-unes locales, dont vous devinez facilement les vraies adresses bancaires…
Par la violence d’Etat, des classes dirigeantes d’Afrique contribuent à maintenir l’ordre mondial à la tête des pays exsangues à cause notamment du niveau de leur endettement. En retour, l’ordre impérialiste garantit à ces classes dirigeantes le pouvoir et la fortune. Pendant ce temps les populations, elles, doivent rembourser sur des générations. Après avoir subi les violences de l’accumulation primitive du capital à travers la traite des esclaves, l’Afrique subit à présent et à l’ombre des grandes phraséologies humanistes une nouvelle ponction douloureuse au profit du grand capital : le but assigné aux générations entières est le remboursement de l’argent dont elles n’auront même pas vu la couleur, argent détourné par les membres de la bourgeoisie nationale et aussitôt renvoyé dans des circuits du centre capitaliste pour regonfler les capitaux.
Alors, encore une fois, que faire ? Pour nous, l’étape actuelle est celle-ci : l’UPC-MANIDEM, en partenariat avec d’autres forces, travaille pour une mobilisation des Kamerunais en vue d’un changement populaire à travers la Transition politique. Celle-ci aura pour structure de base le Vrai Dialogue National, une sorte d’Etats-généraux dont les sessions dureront peut-être un an, peut-être plus. Mais qu’est-ce donc qu’une année au regard du temps que nous avons perdu avec les bonimenteurs qui parlent à longueur d’année du développement qu’on ne voit nulle part ? La Transition politique, c’est le chantier de la refondation de notre République et il vaut la peine que nous lui accordions le temps nécessaire, pour ne pas reproduire des décennies de désillusions.
Dans le pilotage de ce processus, la coalition des forces du changement prendra le temps de définir dans les domaines fondamentaux, comme par exemple les 13 domaines identifiés dans le programme de notre parti, de nouveaux principes, de nouvelles règles de jeu, qui installeront le pays sur d’autres rails, pour une unité nationale véritable, pour la démocratie, pour le développement et le progrès. Evidemment, les classes sociales les plus exploitées ainsi que les catégories défavorisées, constitutives de la base militante de l’UPC-MANIDEM, seront présentes pendant cette élaboration, pour expliquer les problèmes tels qu’elles les vivent, et pour prendre leur part à l’application des solutions retenues.

Question 4.
Comment construire une conscience de classe quand la domination néocoloniale et ses complices locaux ont joué et jouent à fond la division ethnique, culturelle, linguistique des populations...?

Je n’écarte pas du revers de la main les différences ethnique, linguistique, etc., qui sont pourtant des grandes richesses, mais que les pouvoirs en Afrique, occupés à manœuvrer pour durer, ont transformées en de terribles freins contre le vivre ensemble et contre le développement.
Les membres de la classe bourgeoise dans chaque région du pays voudraient convaincre les populations de ladite région qu’ils seraient les garants de leur bien-être, et qu’il faut par conséquent que ces populations les soutiennent dans leur course pour être plus nombreux au sein de l’appareil d’Etat. Il y a donc un discours continu pour que les populations s’imaginent qu’elles doivent compter avant tout sur « les frères du village » pour trouver des solutions à leurs problèmes. Ce discours a pour conséquence de freiner l’émergence de la conscience de classe.
Les membres de la classe bourgeoise issus de la région du chef de l’Etat rajoutent une couche supplémentaire dans ces artifices idéologiques en direction de leurs populations : il s’agit de persuader celles-ci qu’en somme elles sont les gardiennes du pouvoir, que les autres ethnies et régions convoitent. Le chef de l’Etat lui-même n’est pas insensible à cette rengaine. Il entre donc dans un exercice de funambule toujours à reprendre, qui finit parfois par l’épuiser lui-même. Cet exercice consiste en ceci : tout en veillant à ce que chaque région ait des membres de sa bourgeoisie représentée dans l’appareil d’Etat – d’où le fameux équilibre régional lui aussi toujours à reprendre –, à attribuer les postes-clés, surtout ceux traitant de la sécurité, en priorité aux membres de la propre région du chef de l’Etat. Dans le registre du chef de l’Etat, il y a toujours à donner à son ethnie, à sa région, le sentiment qu’il les préfère, dans le calcul de jouer son terroir d’origine comme le rempart de son pouvoir , au cas où(5) … En définitive, l’unité nationale que chantent les membres de la bourgeoisie nationale la main sur le cœur, ils sont les premiers à ne pas y croire.
Nous disons que ce sont les conditions objectives qui, en dernier ressort, travaillent à la conscience de classe. Cela exige que les partis prolétariens soient constamment à l’ouvrage dans l’analyse rigoureuse, la dénonciation et la clarification. Car le discours des membres de la bourgeoisie au sein de leurs communautés respectives surfe sur des différences et sur des solidarités qui sont en réalité surannées ou fantasmées. La vérité est que dans les pays africains, il n’y a pas une région qui tire son épingle du jeu : partout le travail et les infrastructures manquent, partout sévit l’exploitation, partout la pauvreté. Les artifices de la classe bourgeoise peuvent donc être combattus efficacement et les luttes des travailleurs de toutes les régions menées dans l’unité, pour jeter cette bourgeoisie par terre définitivement.
Dans ce chantier de l’éducation et de la conscientisation des populations, l’UPC-MANIDEM tâche de faire de son mieux, notamment à travers l’école de formation du parti, des séminaires, des rencontres avec les populations, des textes, etc.

Question 5.
Comment faire converger les luttes nationales et internationales, quelles solidarités et unité d'action du mouvement révolutionnaire ?

Au moins deux domaines exigent l’attention des militants de part et d’autre des océans. D’une part, dans les pays occidentaux l’unité des travailleurs : ceux originaires du pays et ceux issus de la diaspora africaine. D’autre part dans les pays africains, il y a lieu de faire un traçage des investissements impérialistes en Afrique. C’est un travail d’enquête à propos des capitaux et de leurs usages de part et d’autres des océans, qui renforce le soutien aux luttes des uns et des autres. Ceci exige en premier l’établissement des relations entre les organisations de part et d’autre, suivis de protocoles pour un travail commun.

Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !

(1) Contrairement à la bourgeoisie européenne qui révolutionna la société, en jetant bas à la fois l’archaïsme médiéval et le parasitisme aristocratique des seigneuries et des royaumes, qui révolutionna aussi la production en faisant rentrer l’Europe dans l’ère industrielle, et par tout cela fut au départ une classe révolutionnaire, la bourgeoisie africaine est née du rassemblement étudié et organisé d’une classe de personnes faciles à corrompre : la bourgeoisie africaine est née de la corruption.
(2) Certaines archives longtemps scellées étant aujourd’hui rendues accessibles, quelques ouvrages approfondis et mémoires d’étudiants de bonne tenue rendent enfin compte avec rigueur de ce long drame. Je signale un ouvrage qui est le plus documenté aujourd’hui : Kamerun ! Une guerre cachée aux origines de la françafrique 1948 – 1971, aux éditions La Découverte ; par Thomas Deltombe, Manuel Doumergue, Jacob Tatsita.
(3) Il faut dire aussi que le pouvoir ayant décidé de créer des UPC à son service, confiées aux champions de la course aux prébendes, il y avait lieu de sortir de la confusion que l’on voulait ainsi entretenir sur le nom glorieux, en adoptant une nouvelle dénomination.
(4) Voir par exemple l’initiative de 20 femmes leaders qui viennent d’interpeler le FMI et le Conseil de Sécurité de l’ONU sur le cas du Kamerun.
(5) Un exemple. En Côte d’Ivoire, Houphouët-Boigny avait érigé une seconde capitale dans son terroir natal Yamoussoukro. Une basilique y a même été construite. Sans doute qu’à l’époque, parmi les membres de l’ethnie du président certains ont bombé les poitrines : vous allez voir ce que vous allez voir… Aujourd’hui, Yamoussoukro est le fantôme d’une chimère. Celle-ci était née de la peur instinctive des autres communautés, de la ruse de vouloir faire des ressortissants de son propre terroir un bloc autour du chef de l’Etat, quel que soit le délire dans lequel il s’est perdu lui-même – ce qui est inévitable avec la longévité au pouvoir. Dans certaines parties de Yamoussoukro les travaux n’ont jamais pu être terminés, tandis que d’autres parties peu ou prou achevées exigent à présent l’entretien régulier pour lequel les moyens manquent. A l’époque, une poignée de crocodiles avait été jetée dans des lacs plus ou moins artificiels, aujourd’hui ces bestioles seraient des centaines de milliers, et, à travers les caniveaux et autres pistes, hantent le paysage et sont devenus dangereux pour la population. Le plus cocasse serait que les Ivoiriens soient encore à payer la dette que cette vanité avait engendrée. Vanité applaudie tout de même à l’époque par des laudateurs de Côte-d’Ivoire. Mais pas seulement…

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