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719-02/06/2021 Dans une longue série de confidences au Journal Du Dimanche (JDD), c’est ainsi que se nomme l’article, Macron donne son point de vue sur la situation en Afrique et sur l’orientation de la politique française pour ce continent.

Ces confidences s’inscrivent dans le cadre de ses récents déplacements au Rwanda et en Afrique du Sud.
Dans quel contexte général se situent ce voyage et ces confidences ? À n’en point douter, il s’agit de positionner l’impérialisme français dans la rude concurrence que se livrent les puissances impérialistes majeures des USA et de la Chine, mais aussi de la Russie et celles plus régionales que sont la Turquie, Israël, l’Iran, l’Arabie Saoudite...et qui disputent âprement aux anciennes puissances coloniales, la France et le Royaume Uni, leur pré carré africain.
Même si le centre des affrontements au sein de l’impérialisme s’est déplacé vers la zone Asie-Pacifique, il n’en reste pas moins que l’Afrique, un continent riche de ses ressources naturelles et jeunes d’une population en pleine expansion, est l’objet de toutes les attentions. Les monopoles capitalistes y voient, à juste titre, un continent presque vierge d’un développement capitaliste important et donc une source potentielle de profits.
La France, depuis la fin de la dernière guerre, s’est employée à maintenir sa domination dans le processus de décolonisation en imposant par la force des régimes à sa solde, n’hésitant pas à assassiner les dirigeants progressistes élus ou en les corrompant. Le résultat tangible de ce que l’on appelle la Françafrique, c’est un pillage en règle et l’affaissement des État, ce qui a ouvert la porte à toutes les forces centrifuges de leur dislocation. Aujourd’hui, la France maintient à bout de bras son avantage néo-colonial par une présence et des interventions militaires permanentes. Ainsi l’opération Bahkane au confins du Mali engage avec plus de 5.000 hommes déployés, un effectif conséquent des capacités militaires de la France. Ses tentatives d’y impliquer l’Union Européenne sonne comme un aveu d’échec, tant les États européens ne trouvent pas d’avantage à guerroyer pour les intérêts français. Quelques centaines de troupiers allemands et quelques dizaines d’estoniens reflètent ce non-engagement européen.
Là où la situation se complique, c’est que les peuples n’acceptent pas facilement cette domination. C’est ainsi qu’au Mali, la révolte populaire a poussé vers la sortie le dictateur local Ibrahim Boubacar Keïta. Si les militaires ont pris le pouvoir, le mouvement populaire a imposé sa présence dans le processus de transition vers des changements politiques et des élections. Cependant, la direction du gouvernement de transition est loin d’être homogène et les intérêts français y sont représentés. C’est leur éviction récente qui a mis le feu aux poudres. Macron qualifiant de putsch le changement survenu dans le gouvernement de transition, ce qui évidemment enlève des moyens d’actions à la France. Pas étonnant donc si ses alliés d’Afrique de l’Ouest, réunis ce dimanche ont condamné la nouvelle direction du pouvoir au Mali. Ce sont pourtant les mêmes chefs d’États qui ont parrainé la succession par son fils du dictateur Driss Déby, tué lors d’affrontement avec des groupes de rebelles au nord du Tchad et qui n’ont rien trouvé à redire tant cette succession préservait les intérêts de l’impérialisme français.
Macron dans son interview cherche à justifier l’action de la France et sa légitimité. En utilisant plus que de raison la forme personnelle, il veut indiquer que c’est lui le patron et que c’est lui, et pas les africains, qui décident. Mais les mots n’y suffisent pas, il faut avoir les moyens de sa politique pour continuer à dominer une partie importante du continent et cela la France ne les a plus.
Du coup, la question du désengagement de l’opération Bahkane ou sa reconfiguration plus internationale se pose. Macron, dans ce sens n’hésite pas à affirmer que sans un engagement plus poussé l’Afrique glissera vers un chaos dont les conséquences migratoires seront lourdes à supporter. Notons ici que son allusion sur le poids de l’immigration vient à point en vue de la présidentielle, mais plus fondamentalement il s’agit de redéfinir l’action de la France dans un contexte où son poids diminue au regard des engagements des autres pays impérialistes.
Ces confidences ne sont donc rien d’autre que l’aveu du déclassement de la France comme puissance de premier rang dans le système impérialiste.

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