Gantry 5

 

N° 817 19/04/2023 Les graves sécheresses récentes ont brutalement montré que l’eau n’était pas une ressource inépuisable qu’il fallait utiliser avec parcimonie pour le bien de tous, le sujet a rapidement occupé le devant de la scène politique.

Ainsi, la question des bassines agite le monde agricole et bien au-delà depuis l’été dernier. Les bassines ? Il s’agit de retenues de substitution, alimentées par le pompage de l’eau des nappes phréatiques et les rivières en hiver puis mise à disposition en été pour l’irrigation des cultures céréalières et surtout du maïs introduit dans les régions de l’ouest au début des années 80 et cultivé de manière intensive. Financées à 70 % par l’argent public, les bassines posent la question de l’accaparement de ce bien commun qu’est l’eau au profit de quelques gros exploitants. Leurs opposants ne sont pas seulement les écologistes mais d’abord les autres agriculteurs, les populations du monde rural touchées aussi par les sécheresses estivales. Après les bassines vandalisées en août en Vendée, des affrontements violents ont eu lieu dans les Deux Sèvres, autour du chantier de Sainte Soline fin octobre. Le Ministre de l'intérieur Darmanin y avait dépêché d’impressionnantes forces de police pour montrer sa « fermeté » posant une fois de plus la question de la violence dans le maintien de l'ordre public. Selon le pouvoir et les dirigeants de l'agro-alimentaire capitaliste, les projets de 1000 bassines nouvelles devront être réalisés quoi qu’il arrive. Depuis, quelques petits aménagements à la marge, timides réductions des surfaces des futures bassines n’ont pas suffi pour faire baisser les tensions. Macron a dû se fendre d’un plan pour l’eau « Mille projets en cinq ans pour recycler et réutiliser l’eau » présenté ce jeudi 30 mars, depuis le village de Savines-le-Lac dans les Hautes-Alpes. Ce plan, baptisé EcoWatt de l’eau à l’instar de l’EcoWatt de l’énergie relève évidemment de la même politique : les grands groupes continueront à engranger des profits faramineux, toujours en hausse et la note sera de plus en plus salée pour les consommateurs sans pour autant garantir une eau potable de meilleure qualité.
L’eau a ceci de particulier qu’elle ne peut appartenir réellement à personne. Pendant des décennies les groupes Suez et Veolia ont largement dominé ce marché français de l’eau jusqu’à ce qu’en 2022, ce dernier acquière le premier. Résultat : selon la directrice générale du groupe, l'intégration des actifs de Suez et de quelque 40.000 collaborateurs (sur un total de 220.000 désormais) « est un plein succès, sur le plan humain, financier et opérationnel ». Veolia est « dans une nouvelle dimension, plus international, plus innovant, plus agile et sur de très bons rails ». En 2023, Veolia devenu quasi-monopole compte avoir porté ses 4 milliards d'euros de résultat brut d'exploitation actuels entre 4,7 et 4,9 milliards. Son résultat net courant devra aussi atteindre un milliard à cet horizon, contre 760 millions en 2019. Quant au dividende, qui a déjà augmenté de 37 % entre 2016 et 2019, il est porté de 1 à 1,30 euro par action en 2023. Cela représente 80 % de plus qu'en 2015 ! En ce qui concerne Suez, les activités qui ne sont pas acquises par Veolia incluent les activités « Eau », Suez Eau France, et « Déchets », Suez Recyclage et Revalorisation France, de Suez en France, mais également ses activités en Italie, en Australie, en Tchéquie et en Inde constituent une entité qui aura comme actionnaires les fonds d'investissement Meridiam, Adam et Global Infrastructure Partners ainsi que la Caisse des dépôts et Consignations.
L’eau, ce bien commun inaliénable génère des profits considérables pour les monopoles capitalistes du secteur qui, dans les faits, ne sont nullement tenus d’en garantir sa qualité ni sa pérennité pour tous. La problématique de l’eau dans le monde est encore d’une toute autre dimension puisque 361.000 enfants de moins de 5 ans meurent chaque année de diarrhées causées par un accès inadéquat à l'eau, à l'assainissement et à l'hygiène, 2,2 milliards de personnes n'ont pas accès à des services d'alimentation domestique en eau potable gérés en toute sécurité. C’est un autre sujet mais aussi la preuve que le traitement cette ressource vitale doit absolument être arrachée des griffes des capitalistes et confié à de vrais services publics de l’eau comptables de leurs résultats devant le peuple.

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