730-18/08/2021 Si les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945 créent la Sécurité Sociale sur la base du programme du Conseil National de la Résistance adopté le 15 mars 1944,
c'est en 1946 que le préambule de la constitution de la IVe République reconnaît le droit à tous à : " La protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs." Le rôle d'Ambroise Croizat, ministre communiste, ainsi que l'engagement des militants de la CGT furent déterminants dans la mise en œuvre de cette avancée sociale majeure. Actuellement, où le droit à la santé continue à être remis en cause, nous voulons rappeler, à la fois la portée de la création de la Sécurité Sociale, les coups patronaux et gouvernementaux pour la démanteler et la privatiser, mais aussi les luttes qui freinent les ambitions du capitalisme et qui seront décisives pour reconquérir la Sécurité Sociale et la mettre au service de tous les salariés.
Il y a moins d’un an, le 8 octobre 2020, à l’occasion du 75ème anniversaire de la Sécurité sociale le gouvernement par la voix du 1er Ministre Castex déclarait : « elle est le socle sur lequel est bâti le modèle social français (…) notre système de santé, qui constitue plus que jamais l’un des piliers de notre sécurité sociale ». Ces mots sonnent aujourd’hui comme un éloge funèbre pour un système public gravement mis à mal non pas par la pandémie elle-même mais par une stratégie au service des multinationales du « tout pour le capital ». Nous sommes aujourd’hui dans un contexte qui n’a rien à voir avec celui de 1946. La fondation de la Sécurité sociale s’appuie sur une CGT de presque quatre millions d’adhérents et un parti communiste qui porte les voix du quart de la population. La perspective de la révolution n’est pas un rêve lointain, la puissance de l’URSS lui donne de la consistance. Le pouvoir en est bien conscient et doit en tenir compte. Le programme du CNR s’enracine dans les grandes grèves de 1936, dans les luttes de la résistance où les communistes jouent un rôle majeur et dans les revendications ouvrières.
Si dans un rapport de force nettement plus en faveur des salariés, les capitalistes doivent lâcher du lest, ils n'ont dès ce moment-là qu’une préoccupation : détruire ce qu’Ambroise Croizat et ses camarades ont construit. Depuis, tous les gouvernements qui se sont succédé, tous, ont œuvré à cette destruction en en sapant les principes de base : les recettes provenant exclusivement de cotisations sociales sur les richesses produites par le travail et payées à part égale par patron et salarié. La gestion est assurée par des salariés élus par leurs pairs. Le principe créateur fondamental est celui de la solidarité : chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins. Autant dire qu'en principe l'accès aux soins est ouvert à tous quel que soit la situation sociale des individus. Pour le capitalisme ce sont des centaines de milliards qui lui échappent et c'est pour lui insupportable. Rappelons quelques données brutes concernant la Sécurité Sociale. 470 milliards d’euros de prestations sont versées chaque année par la Sécurité sociale, soit plus que le budget de l’État qui est d’environ 350 milliards d’euros. Cela équivaut à 25 % de la richesse nationale (le PIB s’élève à environ 2 000 milliards d’euros). 150.000 salariés assurent le fonctionnement de l'organisme et il concerne 65 millions d'assurés.
Les ordonnances Jeanneney dès 1967, les plans Bachelot, Bertrand, Touraine, Buzyn, Véran ont méthodiquement fait voler en éclats tous les principes de base et ils ont bien l’intention de continuer voire d’accélérer pour remettre aux mains des multinationales le secteur si convoité de la santé, de la protection sociale et des retraites : une manne de près de 400 milliards d'euros. Baisse des remboursements, institution du forfait hospitalier, développement massif des dépassements d’honoraires, transfert vers le Mutuelles ou les assurances privées des remboursements participent au démantèlement de la Sécurité sociale dans son principe initial. Le financement exclusif par les cotisations sur le travail est progressivement remplacé par la mise en place des nouveaux impôts : CSG, CRDS etc. Les assurés sont victimes deux fois : ils paient de plus en plus pour des prestations qui ne cessent de diminuer. Des hôpitaux sont fermés dans les départements, des milliers de lits supprimés.
C’est dans cette situation de délabrement de l’hôpital public et de la Sécurité sociale, que les grèves des hospitaliers, les mouvements d’usagers se multipliaient rapidement pour dénoncer ces attaques et proposer une autre politique de santé que le Covid a frappé. Mais 2019 ne présente pas le même contexte politique que 1946, la politique menée depuis plus de soixante ans a fait son œuvre et le bilan est dramatique pour le peuple. Recul de tous les acquis sociaux, perte de tous les leviers, recul du mouvement syndical de classe, exaltation du réformisme à tous les étages, le rapport de forces est tout autre. Seule la lutte peut modifier le cours des choses.
Stop ! Il ne faut pas les laisser faire ; Le système de santé français avec la Sécurité Sociale est une conquête du peuple. Malgré les attaques incessantes contre la Sécurité Sociale, la résistance au travers des luttes des salariés a permis de maintenir des éléments structurant de la Sécurité Sociale. Les droits à se faire soigner, à avoir une bonne retraite, aux aides pour les familles sont profondément ancrés dans la conscience collective des travailleurs et les ripostes aux mesures contre la Sécurité Sociale ont été parmi les plus fortes des dernières décennies. C'est en s'appuyant sur cette réalité qu'il est possible de mettre cette question au centre des luttes nécessaires pour imposer une Sécurité Sociale au service de tous les salariés. Ce rassemblement de plus en plus large pour la lutte tous ensemble peut ouvrir la possibilité d'un rapport de forces plus favorable au peuple.
Le système capitaliste ne peut, par essence, que produire ce qui apparaît comme des "aberrations" où une pandémie inonde les multinationales d’un « pognon de dingue » et devient une nouvelle source de profits. Cette société ne peut pas générer le progrès pour tous, répondre aux besoins des peuples. Il faut la dégager de l’emprise totale du capital et, pour cela lutter de plus en plus fort, partout et tous ensemble jusqu’à créer un autre rapport de forces pour qu’enfin les richesses reviennent à ceux qui les ont produites.
Ces luttes, nous les inscrivons dans la perspective d'arracher les moyens de production et d’échanges au capital pour que les fruits du travail bénéficient enfin au peuple.