N° 849 29/11/2023 La victoire du Parti de la liberté (PVV) de Geert Wilders arrivé pour la première fois en tête le mercredi 22 novembre aux élections législatives néerlandaises a relancé le débat sur la place en Europe des mouvements qualifiés de populistes et/ou d’extrême-droite. Le PVV avec 25% des voix (11% en 2021) pourra compter sur 37 des 150 sièges que compte le parlement. Loin d'une majorité certes, mais ce résultat marque une forte poussée. Cette situation n'est pas exceptionnelle en Europe et la carte que nous publions en donne un état.
Certains de ces partis participent même à des gouvernements de coalitions. C'est le cas en Tchéquie, Slovaquie, Finlande, Hongrie et Italie où la Première Ministre est issue de leurs rangs. Dans beaucoup des pays d'Europe, ils constituent la première ou la deuxième force politique.
En France le Rassemblement National, héritier politique du Front National, dont la candidate est arrivée en deuxième position à l'élection présidentielle avec 23,15% des voix, a obtenu 18,6% de voix aux élections législatives et 89 députés au parlement. C'est dire que partout ou presque en Europe, ces partis ont le vent en poupe et que nombre d'entre eux sont ou seront en position de participer au pouvoir.
La dynamique de ces partis est profondément liée à la crise économique et sociale. L’insécurité économique, la précarité, les guerres qui se développent et assombrissent l'avenir favorisent le vote protestataire. En l'absence de perspectives de changement profond portée par la classe des travailleurs, ces partis qui n'ont souvent participé à aucun gouvernement, apparaissent comme n'ayant aucune responsabilité dans la situation difficile que vivent les salariés. Ils peuvent devenir alors le réceptacle du mécontentement et ainsi, la colère se transforme en protestation contre les élites et le gouvernement plus qu'elle ne se manifeste contre le système capitaliste et ceux qui le servent et qui sont les responsables de la situation.
Ces formations politiques ont également en commun un fond anti-immigration. Le sujet migratoire s'accompagne des enjeux identitaires et sécuritaires. Ces partis, dont les racines plongent dans les mouvements et partis fascistes et leur idéologie raciste et antisémite se font aujourd'hui les chantres de la lutte contre l'islamisme. Il y a donc bien complémentarité dans le fait que M. le Pen aille le 12 octobre à Paris manifester contre l'antisémitisme et que Geert Wilders qu'elle a chaudement félicité pour son succès, veuille interdire le Coran au Pays-Bas!
Si ces partis présentent un fond idéologique commun, il n'en demeure pas moins différents dans certains de leurs positionnements et tout particulièrement par rapport à la guerre en Ukraine et à l'Europe. Ainsi, si G. Meloni en Italie comme Premier Ministre fait preuve d'un atlantisme remarqué, comme c'est le cas aussi du PiS en Pologne, les Premiers Ministres slovaques et hongrois se distinguent en ménageant la Russie, allant même jusqu'à refuser pour le premier de livrer des armes à l'Ukraine.
Ces différences se manifestent au Parlement européen par le fait que ces partis appartiennent à deux blocs distincts : Identité et Démocratie (ID) fort de 62 euro-députés dont font partie ceux du Rassemblement National et Conservateurs et Réformistes Européens (ECR), 66 eurodéputés, où siègent ceux de Fratelli d'Italia (Frères d’Italie), le parti post-fasciste de G. Meloni.
Ces différences ne sont pas forcément le reflet de logiciels idéologiques différents mais plus celui des situations et des circonstances dans lesquelles se meuvent ces partis au plan national. De fait, ils ont une fonction commune, celle que leur assigne les fondés de pouvoir des grands intérêts capitalistes qui sont leurs commanditaires et leurs financeurs : s'appuyer sur un discours populaire fait de promesses sociales orales, se servir du mécontentement en le dirigeant contre les immigrés et de fait diviser les salariés, affaiblir leurs organisations de classe et ouvrir la voie d'un changement sans risque pour les grandes firmes capitalistes. Ils sont un fer au feu du capital pour aller encore plus loin dans la destruction des conquêtes sociales de la classe ouvrière(1) quand la social-démocratie et la droite ne peuvent plus jouer à l'alternance tant leurs politiques anti-sociales se confondent et les ont fait rejeté par le peuple. Combattre ces partis est donc une tâche politique de première importance en montrant quelle est leur nature réelle, celle de partis du grand capital.
(1)Le 17 novembre plusieurs milliers de manifestants ont défilé dans toute l’Italie, dans certains secteurs les chiffres de mobilisation atteignent 80% comme dans la logistique ou 70% dans le transport ferroviaire. Les travailleurs italiens dénonçaient le projet de finance 2024 porté par le gouvernement d’extrême-droite de Meloni comportant une série d’attaques austéritaires contre la santé, l’éducation, la privatisation du secteur public, le durcissement d’accès aux retraites… Le 1er mai, Giorgia Meloni avait choisi la fête du Travail pour annoncer la suppression du "revenu de citoyenneté", (l'équivalent de notre RSA) une aide bénéficiant à des millions de personnes pauvres. Le vice-Premier ministre Matteo Salvini, également ministre des Transports, a imposé des restrictions à la grève.