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N° 811 08/03/2023 En matière de localisation de la R&D, les décideurs des grands groupes mondiaux raisonnent au niveau des métropoles et « d’écosystèmes » locaux, et non au niveau national. Un des déterminants de la localisation de la R&D est d'avoir accès à un réservoir local de chercheurs qualifiés et très spécialisés et un réseau dense de relations entre entreprises, laboratoires de recherche, centres de formation, universités, startups, plateformes technologiques comme sur le Plateau de Saclay.

Ainsi, Latécoère, entreprise historique et fondatrice de la filière aéronautique française, annonce qu'elle va délocaliser sa nouvelle usine de production de Toulouse-Montredon et fermer de celle de Labrège pour l'installer au Mexique et en République tchèque « Un projet ancré à Toulouse» assurait en 2018, lors de son inauguration, le groupe Latécoère, l’ancrage aura duré cinq ans (le temps de récupérer les subventions et dedégrèvements). Car, l La Direction préfère délocaliser pour acquérir « des gains de compétitivité conséquents » en recourant à une main d'œuvre à moindre coût. Le plan de la direction prévoit aussi une réorganisation des activités de recherches industrielles. Le cas de Latécoère n’est d’ailleurs pas isolé. Figeac Aero, à la fois concurrent et sous-traitant de l’entreprise toulousaine, a fait de même ces dernières années. 40% de ses effectifs sont désormais situés au Maroc, en Tunisie, au Mexique ou encore en Chine. Cela ne gêne visiblement pas le gouvernement !
L'usine « 4.0» de Toulouse est axée sur la numérisation, l’automatisation et la robotisation et fait travailler plus de 100 salariés. Ultra-moderne, elle est labellisée Vitrine Industrie du Futur par la Région. Pour soutenir cette filière économique majeure, la Région Occitanie a lancé avec l’État le plan aéronautique ADER avec une aide globale aux entreprises sur la période 2001-2023 de 400 M€ (Millions d'euros). La vague 4 du plan ADER précise : « Il convient donc pour l’État et la Région d’établir une feuille de route R&D fondée sur les domaines d’excellence et les opportunités pouvant valoriser la filière régionale, en favorisant notamment l’innovation collaborative, dans un contexte de ressources contraint.» . Pour compléter, la région a lancé un appel à projets de 30 M€ pour faire émerger des démonstrateurs technologiques sur l’avion de demain grâce à des projets de recherche, développement ou innovation (RDI) collaboratifs portés par une entreprise en lien avec des partenaires académiques et/ou industriels.
En 2020, l’État a lancé un plan de relance de 100 Md€ (Milliards d'euros) dont un des objectifs est de préparer la transition vers une aviation ultra-sobre et dé-carbonée. Une priorité est donnée aux technologies basées sur l’hydrogène pour la propulsion. C'est là que le «potentiel universitaire et de recherche unique au monde» selon le préfet d'Occitanie, doit intervenir «pour accompagner et favoriser la montée en maturité de la filière, dans un cadre européen et global, en cohérence avec les contraintes et les stratégies des divers acteurs industriels».
En octobre 2022, le président E. Macron a présenté la suite des PIA: un programme nouveau d’investissement « France 2030 » de 30 Md€ qui se rajoute au plan de relance afin de «réindustrialiser la France à l’horizon 2030». L’aéronautique est un axe prioritaire, Latécoère a notamment reçu 5,4 M€ au titre du volet aéronautique du Plan France 2030.
"Il y a un sentiment de trahison, le sentiment d'avoir été dupé, d'avoir été pris pour des imbéciles, exprime Florent Coste, le délégué syndical CGT de l'entreprise . Tout cela se mélange dans la tête des salariés. Cette usine de Montredon a été lancée en grande pompe et a bénéficié d'aides publiques. C'est une trahison vis-à-vis des salariés et de la Nation."
Exiger une contrepartie aux aides publiques est la moindre des choses : l’activité de production et des activités de recherche sur le site doivent être pérennisées et les emplois garantis, sans baisse de salaire.
Outre le plan France 2030, le gouvernement poursuit, en 2023, sa politique de baisse des impôts dits de production, avec la suppression programmée de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Le gouvernement prône l'harmonisation de la fiscalité sur les entreprises avec les pays d'Europe, les capitalistes français ne seraient plus tentés d’y délocaliser leurs entreprises. Immédiatement, les libéraux et le MEDEF applaudissent : « Oui, alignons le système fiscal français sur celui des pays européens qui payent le moins d’impôts!» D’ailleurs, c'est ce qu'ont fait les gouvernements libéraux et sociaux-démocrates. Ils ont considérablement baissé les « charges patronales» et augmenté les «aides» dont les employeurs bénéficient sous divers prétextes. Le crédit d'impôts recherche et les restructurations de l'ESR vont dans ce sens. L'exemple de Latécoère le montre, cela n'empêche pas les délocalisations de la production ni des activités de recherche, un autre déterminant de la localisation des centres R&D des grands mondiaux est leur proximité avec les sites de production.
La croissance de la dépense française en R&D des entreprises mesurée par la DIRDE (dépense interne de R&D des entreprises) depuis vingt ans reste inférieure à celle des autres pays européens sur la période ainsi qu’à celle d’autres pays de l’OCDE tels que les États-Unis ou encore la Corée ou la Chine.
Les délocalisations, les fermetures d’entreprises et les restructurations qui s’accompagnent de suppressions d’emploi ont toutes les mêmes causes : l’anarchie économique du capitalisme et l’insatiable soif de profits des grands actionnaires. Les capitalistes ne doivent plus agir comme ils l’entendent, ils doivent être soumis à l’Etat :Nationalisation, planification démocratique, création d'entreprises publiques, certes la nationalisation avec un appareil d’Etat soumis au capitalisme n’est pas le socialisme, mais la création d’un grand service public national serait une conquête sociale et politique. Nous luttons pour stopper la privatisation de ce qui reste du secteur public et pour renationaliser les secteurs décisifs de notre économie pour développer l’appareil productif dans l’intérêt des salariés qui sont les réels créateurs de richesse et dans l’intérêt de la population.

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