N° 928 04/06/2025 La nationalisation est longtemps demeurée une idée forte de la gauche, animée par un volontarisme économique, qui restait alors, dans ses rangs si divers, de bon aloi.
Aujourd’hui, la CGT, elle-même, a renoncé à défendre la socialisation des moyens de production qui ne fait donc plus partie de son projet de transformation sociale. Pour autant, la CGT exige la nationalisation lorsque des entreprises sont en situation périlleuse, du moins, quand elles présentent un caractère stratégique. Il est compréhensible par ailleurs que les salariés voient dans cette solution une possible sauvegarde de leurs emplois et de leurs outils de production.
Il n’en reste pas moins vrai que la nationalisation présente un coût pour la collectivité dans l’état actuel des rapports de classe dans un contexte de droit de propriété intangible, consubstantiel à une économie/société capitaliste. Généralement, un capitaliste planifie les fermetures de site de production et il n’est guère probable qu’il décide des équipements modernes et coûteux pour les unités de production condamnées à la fermeture. En revanche, il est probable qu’il condamne un site faute de rentabilité suffisante de son point de vue. A la fin, la nationalisation pourrait devenir une bonne affaire dans la mesure où il vend ce qui ne lui rapporte plus assez (tout en conservant le capital « immatériel », les brevets).
Car, une nationalisation n’est jamais une expropriation qui pourrait se justifier par la défaillance du propriétaire industriel dans la gestion du site (même si dans sa gestion globale, il peut justifier cette fermeture avec un report de production ailleurs).
Et à la fin, il est clair que la nationalisation est une solution d’urgence un peu désespérée si elle n’est pas adossée à un plan plus ambitieux. L’expérience des nationalisations des années 80 a tourné court car, hormis la singularité du propriétaire du capital des entreprises, ces dernières n’ont en rien changé leurs orientations en termes de recherche de profitabilité et d’insertions dans le marché mondial (en particulier, la prédation sur des entreprises étrangères).
Aujourd’hui, il serait question de réindustrialiser la France, ce qui n’est guère dans les préoccupations d’Arcelor Mittal, ni même de Renault Industries. Il semble que la réindustrialisation consiste à augmenter « l’attractivité » de la France à grands coups de subventions (éventuellement avec un coup de pouce du côté des autorités européennes). Bref, les gouvernements rechignent à « nationaliser » mais n’hésitent pas à subventionner. Sans doute parce qu’ils partagent le point de vue du capital qui ne fermerait que ce qui mérite d’être fermé… de son point de vue.
Le combat des travailleurs pour conserver l’outil de production est nécessaire, il faut lui donner un sens d’une plus grande portée en le rapportant à l’exigence d’un maintien et d’une expansion de l’activité industrielle sous contrôle démocratique. Bref, remettre à l’ordre du jour la socialisation des moyens de production plutôt que le chaos des choix du capital.