Gantry 5

 

N° 839 21/09/2023 En cette rentrée, la facture d’énergie demeure une préoccupation majeure pour le monde du travail. L’essence à la pompe demeure 2€ le litre, les barèmes du tarif régulé de l’électricité devrait être augmenté en 2024 (+10% annoncé après les +15% de 2023). Dans le même temps, avec les dérèglements climatiques on nous appelle à une révision des modes de consommation. Face à la réalité des inflexions climatiques et au « réalisme » de l’industrie capitaliste de l’énergie, enjeux et parties prenantes des conflits impérialistes, il serait grand temps que les peuples reprennent les choses en main…
Rien de neuf sous le soleil noir
Paradoxalement, l’année 2023 établira un nouveau record de consommation de pétrole : 102,2 millions de barils par jour (Mb/j) contre 100 millions Mb/j en 2022. La demande chinoise explique à 70% cette augmentation. L’offre atteindrait selon l’Agence Internationale de l'Énergie (AIE) aussi un record à 101,9 Mb/j soit une croissance de +1,5 Mb/j essentiellement tirée par les États-Unis alors que l’OPEP a réduit sa production.
La rivalité entre grands producteurs s’est traduite notamment par l’adhésion de l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis au club des BRICS en sus de l’Iran. Il serait désormais question de dédollariser les échanges commerciaux, dans un premier temps du pétrole.
La Russie, le deuxième ou troisième producteur de pétrole selon les années, s’est accordée avec l’Arabie Saoudite pour réduire ses exportations dans un contexte de sanctions occidentales (plafonnement du prix du baril russe à 60 $). Elle a rerouté ses exportations des pays de l’OTAN vers la Chine, l’Inde et la Turquie, sûrement à plus bas prix que les cours internationaux. Ce qui expliquerait la hausse de la demande chinoise…et qui voit l'Inde revendre à l'Europe une partie des produits raffinés qu'elle tire du pétrole russe acheté à bas coût mais revendu au prix fort!
Comme depuis décennies, le marché du pétrole mondial est donc le théâtre d’une guerre de positionnement dont les préoccupations de part de marché, de recettes sont les seuls enjeux. Il ne faut pas confondre la conférence de Bandung de 1956 avec le sommet des BRICS de 2023 en Afrique du Sud. En l’occurrence, il n’y a pas été question d’émancipation des peuples.
L’Europe aux ambitions grandiloquentes
Faute de peser sur la marche du monde, l’Union européenne et ses États membres choisissent de se donner en exemple au monde par une politique énergétique respectueuse de l’environnement… ce qui ne les empêchent guère de louer la sagesse de leurs compagnies pétrolières. Il faut dire que l’AIE (émanation de l’OCDE) prédit dans le bilan énergétique mondial une part des deux tiers aux énergies fossiles pour les décennies à venir. Il serait singulièrement stupide de ne pas en tirer profit et de stopper de forer.
Il s’agit là de l’exemple typique d’une prophétie autoréalisatrice, il est notable que tout gisement mis en exploitation dans les années à venir, le sera encore dans les 20 ans à venir et même après la date butoir de la neutralité carbone (plus un gramme d’émission nette de carbone en 2050) … rentabilité oblige.
On nous vante une politique énergétique européenne qui serait vertueuse avec par une électrification des usages, un exemple, la voiture électrique plutôt que celle équipée d’un moteur thermique. Passons sous silence les probables pollutions liées à l’exploitation des mines de lithium, de cobalt ou de nickel (utilisé dans les batteries), passons sous silence le poids de ces batteries (600 kg pour une voiture Tesla de 2300 kg), passons sous silence les subventions accordées aux fabricants desdites batteries et aux acheteurs desdits véhicules donc concluons que la voiture électrique, c’est formidable. On voudrait nous vendre des vessies pour des lanternes.
Et tout le reste est à l’avenant!
En contraste avec ce récit naïf de la transition énergétique, diverses alarmes se font jour au sujet de la montée progressive et inexorable du coût de l’énergie, indépendamment de sa source et singulièrement en Europe, relativement dépourvue de ressources propres en combustibles et demain peut-être… en industrie. En effet, le capitalisme européen pourrait délocaliser ses industries clef(1) pour des contrées dans lesquelles l’énergie est moins onéreuse. La panique de l’Union européenne face au programme de l’administration Biden, décidée à dépenser des milliards pour développer localement les outils de la transition énergétique, s’explique par l’attrait des subventions américaines à la clé et tout compte fait d’une énergie moins chère aussi.
Pendant que le capitalisme d’origine européenne prospérera ailleurs, le politique ici jouera – cela déjà commence – la carte de la sobriété heureuse. Au train où vont les choses, il est à craindre qu’il faille se résigner à cette sobriété aux contours bien indécis qui, un autre temps, se nommait tout simplement austérité.
La question de l’énergie reste au centre des enjeux mondiaux : elle aiguise les rivalités impérialistes, demeure le domaine des grandes manœuvres du capital comme les conversions à l’énergie « propres » des grandes compagnies pétrolières occidentales le démontrent, exacerbe les tensions entre « alliés » américains et européens ou entre pays membres du club des BRICS. La guerre meurtrière que se mènent les puissances impérialistes sur le territoire de l'Ukraine où tombent par milliers de jeunes ukrainiens et russes n'empêche pas les puissances capitalistes de continuer à commercer et leurs multinationales à accroître leurs profits. Ainsi le gaz russe continue à transiter par l'Ukraine vers des pays de l'Union Européenne, certes moins qu'avant la guerre mais de manière significative tandis que les exportations de gaz liquéfié en provenance de Russie couvre 14% des besoins européens. Cela représente une augmentation des exportations russes de 40%. Dans le même temps les matériaux nucléaires nécessaires au fonctionnement des centrales et ceux qui sont retraités continuent de circuler d'est en ouest puisque ce commerce n'est soumis à aucun embargo. Comme l'écrivait en son temps Anatole France dans une lettre à Marcel Cachin à propos de la guerre de 14-18:" On croit mourir pour la patrie on meurt pour des industriels"
Tant que les structures et finalités de production ne sont pas radicalement transformées, tant que la démocratie s’arrête aux portes des lieux de production de valeur, il y a donc peu de chances de limiter les changements en cours. Mais sans attendre, il est possible de faire s'exprimer le mécontentement par tous les moyens possibles, de la pétition aux manifestations et d'exiger des mesures pour bloquer les prix de l'énergie et d'augmenter les salaires.
(1)Dacia fabrique sa seule voiture électrique... en Chine !
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