Le constat que les luttes et les affrontements se développent partout dans le monde est aujourd’hui largement partagé et les media y font largement écho. « Le Parisien » titre : « Mouvements de protestation dans le monde : les peuples ne se laissent plus faire ». L’ « Express » de son côté s’interroge : « Chine, Hong-Kong, Liban...Pourquoi tant de révoltes s’expriment-elles en même temps ? » et le journal « les Échos » de poursuivre : « les révoltés de l’an 2019 en quête de dignité et de respect ». Évoquant l’intensité et le contenu de ces luttes les Échos vont jusqu’à comparer la situation présente à celle des révolutions de 1848 qui furent des révolutions bourgeoises et nationales avec un début de composante prolétarienne et qui conduisirent à un ordre nouveau en Europe permettant le développement du capitalisme.

C’est dire l’ampleur et la portée qui sont attribuées au mouvement actuel. Parmi les causes à l’origine de ces révoltes et luttes, les commentateurs n’hésitent pas à l’image de « Médiapart » à mettre en avant les questions sociales et démocratiques : « C’est bien le capitalisme néo-libéral et son pendant autoritaire qui sont contestés dans leur globalité par la jeunesse, les travailleurs et les plus pauvres. » D’autres, comme « le Parisien », ajoutent que : « la fin de l’hyper puissance américaine libérerait les forces permettant ces révoltes ».
Pourquoi ces luttes actuelles ?
Si beaucoup de choses sont donc dites et qui renvoient à la crise du capitalisme ou aux politiques qualifiées de néo- ou ultra-libérales, elles laissent largement de côté les raisons profondes de cette réalité qui voit se combiner des révoltes, des phénomènes d’immigration, des interventions militaires impérialistes et des coups de force contre les conquêtes démocratiques. Il convient donc d’en rechercher les causes communes et d’en dévoiler les ressorts les plus profonds.
Il y a un siècle et demi que K. MARX a démontré que les propriétaires du capital doivent exploiter toujours plus les travailleurs pour réaliser le profit maximum. Cette exploitation pèse sur la consommation et débouche fatalement sur des crises puisque la production ne trouve plus assez de débouchés pour assurer un taux de profit satisfaisant aux yeux du capital. D’où la crise de surproduction de marchandises solvables et la baisse tendancielle du taux de profit. Dans ce monde capitaliste, des milliers de milliards de dollars ne sont pas investis dans la production. La masse monétaire mondiale a doublé de 2001 à 2007, progressant trois fois plus vite que la production. Rien qu’en 2007 il a circulé 596.000 milliards de dollars de produits spéculatifs – 10 fois le PIB de la planète. En 2007 en France, la capitalisation boursière représentait six fois le budget annuel de l’État, elle dépassait de très loin la production économique. C’est cette bulle financière qui a éclaté fin 2007 aux USA avec la crise dite des « subprimes ». Les explications qui ont alors été données ont pour l’essentiel attribué cette crise à la frénésie spéculative des marchés financiers. Si ils en furent le déclencheur, ils n’en sont pas la cause fondamentale, qu’il faut rechercher dans le mode de développement même du capitalisme celui de la recherche des taux de profits les plus élevés et de la suraccumulation du capital. La nature et la trajectoire de la crise économique mondiale ne sont compréhensibles que si l’on analyse la concurrence mondiale capitaliste exarcerbée avec les contradictions qui se développent au sein même de la production capitaliste en prenant en compte le fait qu’elle est mondialisée. C’est en effet pour répondre à la crise de 1970, rétablir les taux de profit, que le capital monopoliste mondialisé a développé en grand une politique d’externalisation de la production manufacturière vers les pays où le prix de la force de travail est si bas qu’il permet des profits en hausses. Cette politique délibérée a des conséquences très fortes. Tout d’abord celui d’un transfert massif de la production, sous le contrôle des multinationales, vers l’Asie, L’Amérique Latine et maintenant l’Afrique avec un accroissement spectaculaire de la main-d’œuvre industrielle. Selon Organisation Internationale du Travail celle-ci est passée de 80 millions à 540 millions entre 1950 et 2010 dans les régions les moins développées du monde tandis qu’elle stagnait autour de 150 millions dans les régions les plus développées. Si cet accroissement spectaculaire de la classe ouvrière mondiale est un démenti à tous ceux qui prophétisent sa disparition, il constitue une force pour la constitution de classes ouvrières importantes pouvant avec les travailleurs, contester au capital local et international leur domination. Ce facteur explique en partie les révoltes en cours.
Un autre aspect du problème c’est que les politiques d’externalisations massives de la production se sont accompagnées d’une baisse sensible de la part des salaires dans la richesse globale produite. Cela est aussi vrai dans les pays impérialistes que dans ceux qui sont dominés par l’impérialisme. Le capital aujourd’hui et partout remet en cause les conquêtes sociales et démocratiques provoquant la colère des peuples.
Dans la lutte acharnée et exacerbée que se mènent les puissances impérialistes majeures pour dominer les zones d’influences dans le monde et assurer la prédominance de leurs monopoles capitalistes, la violence allant jusqu’à la guerre et la dictature voire la destruction des états nationaux sont les moyens courants qu’elles utilisent générant des réactions populaires profondes dans l’exigence de souveraineté nationale.
La fin de l’URSS a amplifié la bataille idéologique sur le thème de la fin de l’histoire et du caractère indépassable du capitalisme. Mais les faits ont la tête dure. Si les idéologues du capitalisme nous promettaient une monde de paix et de prospérité, la réalité est bien différente.
Jamais la concurrence entre les monopoles qui ont atteint des tailles gigantesques et étendent leurs activités sur l’ensemble de la planète n’a été aussi féroce. Il est possible d’affirmer qu’une phase nouvelle et violente de repartage du monde entre les puissances impérialistes anciennes et montantes, tout particulièrement en Asie, est en cours pour la conquête des sources de matières premières, l’exploitation de la force de travail, le contrôle des voies de commerce et de communication, des terres arables...Des conflits meurtriers font des millions de victimes et de réfugiés, des états sont détruits. Pour poursuivre son développement, le capitalisme aujourd’hui a un besoin impérieux de s’affranchir des « contraintes » que lui a imposé la lutte des classes et ainsi, liquider les conquêtes sociales et les garanties que les travailleurs ont gagné par leurs luttes. Cela est vrai partout dans le monde. En France, la sécurité sociale, les droits du travail, les retraites, les salaires, la sécurité du travail, le droit au logement... tout est remis en cause pour accroître les profits capitalistes. Ce mouvement qui est mis en œuvre à l’échelle de l’État, l’est dans une alternance capitaliste où toutes les forces politiques sont parties prenantes y compris ce que l’on appelle les populistes et avec lesquels Macron, par exemple, joue un face à face comme avec M. Le Pen, pour tenter de justifier sa politique de régression sociale mais qui n’en doutons pas seront utilisées si le besoin le nécessite pour la relève capitaliste comme cela est déjà le cas dans plusieurs pays européens. Ces combinaisons et alliances pour une même politique au service du capital se retrouvent dans tous les pays et tout particulièrement en Europe. Elles suscitent un rejet de plus en plus massif se traduisant par l’abstention, le vote blanc. Au plan syndical elles se traduisent par la volonté de neutraliser le mécontentement par un contrôle social qu’incarne la CFDT.
La lutte des classes ne s’arrête pas
Les manifestations sont, dans la dernière période, en hausse et pas seulement en France mais sur tous les continents, si bien que les idéologues du capital sont amenés à chercher des échappatoires pour justifier un système dont le caractère prédateur apparaît de plus en plus clairement. Ainsi, par exemple la revue « Challenge » organise le 4 décembre un sommet de l’économie dont le thème est : « réinitialiser le capitalisme » comme s’il pouvait y avoir une marche arrière de l’histoire vers un capitalisme qui aurait été vertueux à sa naissance !
C’est parce que la politique du capital génère un mécontentement et un mal vivre profonds, une angoisse pour l’avenir et tout particulièrement dans la jeunesse que les luttes se développent, et même si elles ne trouvent pas encore d’issue politique tout cela chemine dans les consciences.
Nous le voyons avec les luttes partout, dans la santé, les entreprises la lutte contre la liquidation du régime des retraites solidaires. Aujourd’hui, grâce aux luttes dans tous les secteurs, petites ou grandes, c’est plutôt les tenants de la réforme qui sont isolés. La journée de ce 5 décembre sera une étape importante dans le développement de la lutte
Évidemment rien n’est acquis ni gagné mais cela montre une chose fondamentale : il n’y a que la lutte sur le terrain de classe qui est de nature à faire bouger les choses. Ce grand enseignement l’histoire nous le confirme. Elle nous confirme aussi que la lutte anticapitaliste permanente est en même temps indispensable. Le capitalisme n’est pas réformable. Pour se développer, pour faire le profit maximum, il doit exploiter toujours plus. Pour changer fondamentalement la situation il faut le combattre jusqu’à l’abattre pour changer de société.

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