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N° 860 14/02/2024  Manœuvres de l'OTAN : Une nouvelle escalade guerrière
l' OTAN, par la voix du général américain Christopher Cavoli, commandant suprême des forces alliées en Europe a annoncé le 18 janvier qu'elle engageait des manœuvres militaires devant durer plusieurs mois. Elles vont se dérouler sur plusieurs théâtres essentiellement en Europe du Nord et en Europe centrale. Ces  manœuvres, nommées Steadfast Defender (Défenseur inébranlable), sont qualifiées d'inédites et d'une ampleur inégalée. Elles impliqueront 90.000 soldats en provenance des 31 pays membres de l'Alliance, ainsi que de la Suède, avec plus de 1.000 blindés, plus de 80 avions et une flotte de plus de 50 navires. Il y avait des décennies que l'Otan n'avait pas mobilisé de telles forces. Il s'agit et les dirigeants de l'OTAN ne s'en cachent pas de préparer un affrontement avec un adversaire de taille comparable. C'est ici clairement la Russie qui est nommée.
Dans le contexte de la guerre impérialiste sur le territoire de l'Ukraine[1], l'exercice vise à s'assurer les terres arctiques et surtout à organiser la protection du flanc Est européen, avec les principaux exercices terrestres programmés en Pologne et dans les pays baltes. Si les responsables de l'OTAN affirment qu'il s'agit d'exercices de caractère défensif,  Steadfast Defender est un immense test pour les forces alliées, qui ont promis lors du dernier sommet de Vilnius de se doter d'une force d'intervention rapide de 100.000 hommes. De plus le choix de certains exercices ressemble à s'y méprendre à des opérations offensives en direction de la Russie, dont les troupes en Ukraine sont installées sur la rive Est du Dniepr. Ainsi, dans la première quinzaine de mars, les troupes terrestres et leurs centaines de blindés se retrouveront en Pologne, pour l'opération Polish Dragon, avec pour mission de franchir la rivière Vistule. Toute ressemblance avec une autre rivière dénommée le Dniepr est évidemment fortuite !
L'insistance des responsables de l' OTAN à montrer l'implication de la société dans les opérations militaires futures relève de la préparation psychologique à la guerre. Il en est ainsi de la déclaration de l'Amiral Robert Bauer, président du Comité militaire de l'OTAN, lors de la conférence de presse du 18 janvier où il affirme: " La grande différence avec il y a un an, je dirais, c'est qu'il s'est passé beaucoup de choses dans les forces armées et dans les organisations de défense. Ce qui n'est pas arrivé dans nos sociétés, c'est la compréhension que ce n'est pas seulement l'armée qui doit être capable d'opérer dans un conflit ou une guerre. C'est toute la société qui va s'impliquer, que cela nous plaise ou non. (...) Je ne dis pas que ça ira mal demain, mais nous devons comprendre que ce n'est pas une évidence que nous soyons en paix et c'est pour cela que nous avons des projets". Ce discours est évidemment à mettre en parallèle avec les efforts de réarmement des pays de l'Union Européenne membre de l' OTAN qui voient leurs budgets militaires s'envoler tandis que la pression s'accentue pour faire accepter l'idée que nous devons nous préparer à la guerre[2]. Dans cet ordre d'idée, l'Union Européenne finance la création de couloirs militaires vers l'Est. Ainsi, l'UE a prévu de dépenser 1,7 milliard d’euros sur la période 2021-2027 pour renforcer les infrastructures militaires de transport nécessaires au déplacement en hommes et en matériel.
Au moment où se déroule ces manœuvres de l' OTAN, la déclaration de D. Trump à propos de l' OTAN a selon le journal Le Monde suscité :" l’effroi parmi les alliés en mettant en cause le principe de solidarité au sein de l’ OTAN". L'interprétation qui est faite de cette déclaration laisse à penser que les États-Unis ne s'impliqueraient pas forcement si un pays de l' OTAN était attaqué par la Russie. À y regarder d'un peu plus près, ce qu'exige D. Trump et ce n'est pas nouveau, c'est que les pays européens membres de l' OTAN aillent plus loin dans le financement de l'alliance ne laissant pas aux États-Unis le soin de supporter la charge la plus lourde. Pour le reste en bon représentant des intérêts du capitalisme US, il y a fort à parier qu'il mesurerait ce que sont les avantages et inconvénients d'un engagement américain. Trump a de ce point de vue déjà  rétorqué à ses détracteurs qu'en bousculant ses alliés (vassaux) il avait obtenu de leur part un engagement financier significativement plus important dans l' OTAN.
Bras armé du bloc impérialiste dominé par les États-Unis, l' OTAN est bien une machine de guerre au service de ces derniers contre  la volonté des peuples et des nations à s'émanciper. C'est pourquoi, nous devons sans cesse associer à la lutte politique pour abattre le capitalisme, la nécessité de combattre ce pacte militaire, comme tous les autres d'ailleurs et en exiger par nos luttes la dissolution.
 
Sénégal : une crise qui vient de loin
À trois semaines du scrutin, le Président sortant Macky Sall a pris la décision de reporter les élections. Cette décision a été entérinée par l’Assemblée nationale, qui a voté un ajournement de l’échéance électorale au 15 décembre. Lors du débat sur le report, les députés de l’opposition ont été expulsés par la force. L’Assemblée a aussi voté le maintien au pouvoir de M. Sall jusqu’à la prise de fonctions de son successeur, vraisemblablement début 2025. Son deuxième mandat expirait officiellement le 2 avril.
Ce report des élections que l'on peut qualifier de coup de force visant au maintien au pouvoir de l'équipe dirigeante a créé une crise politique profonde marquée par la protestation de nombreuses organisations politiques, sociales et religieuses. Face aux manifestations qui prennent de l'ampleur, la répression du pouvoir à la contestation populaire est meurtrière - 3 morts, 60 blessés, au moins 271 personnes arrêtées, et des journalistes agressés lors des deux dernières manifestations-.
Au niveau international, cette situation fait l'objet d'une grande attention. Les États-Unis et l'Union Européenne ont publié des messages demandant, voire exhortant  à une issue rapide de crise. Ainsi l'ambassade des États-Unis au Sénégal a-t-elle écrit : "  [nous] exhortons toutes les parties à agir de manière pacifique et mesurée, et nous continuons à demander au président Sall de rétablir le calendrier électoral, de restaurer la confiance et d’apaiser la situation". Ce souci d'une issue rapide  à la crise témoigne de la volonté des puissances impérialistes de maintenir une orientation qui soit favorable à leurs intérêts économiques et stratégiques de prédateurs capitalistes, pour la France il s'agit essentiellement de Bolloré et de TotalEnergie ; plus qu'à une conversion à la démocratie et à une coopération permettant, le développement et une indépendance réelle du pays au service des besoins populaires.
La crainte d'une nouvelle crise dans cette région de l'Afrique, déjà marquée par celles du Mali, du Niger et du Burkina Faso qui tentent de s'émanciper de la tutelle française, conduit la CEDEAO (Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest) à tenter d'éteindre l'incendie provoqué par la décision du Président Sall. En effet, les lourdes sanctions que la CEDEAO applique aux trois pays sahéliens et qui aggravent la situation des populations, loin de produire les effets escomptés de rejet des régimes militaires en place les radicalisent. Cela conduit les dirigeants des trois pays à s'émanciper encore plus de la tutelle française et de son relai qu'est la CEDAO. Du coup, la crise sénégalaise pourrait provoquer un embrassement qui compromettrait le rôle de ce pays comme une valeur sure pour les puissances impérialistes dont la France.
Les crises qui se développent dans la région viennent de loin, elles sont la résultante des crises sociales profondes engendrées par l'exploitation des richesses naturelles et de la force de travail par les puissances impérialistes qui se les disputent en entretenant, autant qu'elles le peuvent, des factions à leur service. Les peuples africains n'ont rien à attendre à se placer sous la tutelle d'un impérialisme ou d'un autre, leur émancipation réelle ne peut venir que d'une lutte résolue contre tous les exploiteurs étrangers et leurs comparses locaux. C'est le sens de notre solidarité à leurs luttes.
 
Comores : Pas que le droit du sol, une histoire coloniale !
Mayotte, une des îles de l'archipel des Comores est secoué par une crise économique, sociale, sécuritaire et politique profonde. Département français, elle est considérée comme un territoire de l'Union Européenne. Son histoire est profondément liée à la France colonisatrice et à la défense de ses intérêts impérialistes dans cette zone de l'océan indien. En 1974, la France a organisé un référendum d'auto détermination : trois des quatre îles ont opté pour l'indépendance. Mayotte, s'étant prononcée contre l'indépendance[3], est alors devenue une collectivité territoriale en dépit de plusieurs résolutions de l'Assemblée générale des Nations Unis qui se sont prononcées en faveur de l'unité et de l'intégrité du territoire des Comores. La France puissance coloniale qui a acheté le vote à Mayotte qu'elle considère comme une plate-forme de sa présence dans l'océan indien, n'aura de cesse de déstabiliser la Fédération Comorienne y compris en utilisant les services des milices privées sous la houlette du sinistre mercenaire anti-communiste Bob Denard[4].
La France a organisé un nouveau référendum sur la seule île de Mayotte le 8 février 1976. La Tanzanie a alors déposé un projet de résolution auprès du Conseil de sécurité des Nations unies, appelant la France à ne pas organiser ce référendum et à respecter l'intégrité du territoire comorien tel que revendiqué par l'Union des Comores. Pour y faire échec, le 6 février 1976, la France a usé de son droit de veto à l'ONU. Le referendum a confirmé par un taux de 99,4 % (82,8 % des inscrits, 17 845 voix pour et 104 contre) le choix de la population de Mayotte de rester au sein de la République française.
Ce département fait face à des difficultés sociales immenses. Selon l'INSEE, en 2018, 77 % de la population vivait sous le seuil de pauvreté, 40 % des résidences étaient des cases en tôle, 29 % des ménages n'avaient pas l'eau courante et seulement 34 % des 15–64 ans avaient un emploi. La situation ne s'est guère améliorée depuis. En raison de l'arrivée massive des migrants en provenance des autres îles des Comores chaque année, des milliers de personnes périssent en tentant de rallier les côtes de Mayotte. On estime que plus de 50 % des résidents du département sont des étrangers. Depuis 2023, une grave crise s'est développée sur fond de pénurie d'eau, elle a entraîné un mécontentement profond de la population. Ce mécontentement a été habilement détourné par les dirigeants locaux contre les migrants qui pour l'essentiel sont des comoriens venant des trois autres îles de l'archipel. En réponse, le pouvoir colonial français a organisé une vaste opération de destruction des constructions illégales[5]. Cette opération était réclamée par les autorités de Mayotte et soutenue fermement par le pouvoir colonial français et en particulier par le ministre de l'intérieur Darmanin qui a dépêché plus de deux milles hommes pour réaliser cette opération de démolition de bidonvilles et d'expulsions des hommes, femmes et enfants vers les Comores dont ils sont généralement issus. Cette opération s'est accompagnée d'une mise en condition de l'opinion particulièrement violente en France comme à Mayotte, le vice-Président du conseil départemental allant même jusqu'à préconiser le meurtre de ce qu'il nomme les délinquants :" le meurtre des "délinquants" est une solution envisageable pour enrayer la dynamique de violence dans l'archipel." Au fond ce cri de guerre : mort aux pauvres! reflète bien la nature de la situation coloniale à Mayotte. Une immigration qui fuit l'Union des Comores[6] où règnent une extrême pauvreté et un territoire colonial français un peu moins pauvre, où ces immigrants espèrent assurer leur survie. La violence qui règne à Mayotte a une cause et une seule : la misère extrême, 80% de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté. Mais ni le pouvoir colonial français, ni les dirigeants de Mayotte n'en parlent, pour eux la seule solution, c'est la violence d'État : la guerre aux pauvres et non à la pauvreté qu'engendre leur politique!
Les mesures prises n'ont en rien solutionné le problème de fond et le télescopage de deux grandes misères, celle des habitants et des migrants a généré une insécurité que ne supporte plus une partie de la population.
Le Ministre de l'intérieur venu sur place, a annoncé la suppression du droit du sol à Mayotte. Le droit du sol est la règle de droit attribuant une nationalité à une personne physique en raison de sa naissance sur un territoire à la différence du droit du sang qui exige que les parents aient la  nationalité française. Le pouvoir colonial entend ainsi limiter l'immigration. Cependant, cette mesure applaudit par les Républicains et le Rassemblement National qui ne cessent de la réclamer pour tout le territoire français, serait une rupture totale avec les acquis démocratique du peuple français[7]. Après avoir fait voter une loi immigration où se sont retrouvés au coude-à-coude les partis présidentiels, Les Républicains et le Rassemblement National[8], loi qui restreint les droits des migrants, le pouvoir remet sur la table cette question par le truchement d'une exceptionnalité appliquée à un territoire colonial. Cela aurait deux conséquences. La première, si l'on considère le caractère d'appartenance de Mayotte à la République Française, serait de rompre avec le caractère un et indivisible de la Nation, ouvrant la porte à des droits différents selon la zone géographique et ce serait le début de l'éclatement de l'unité de la Nation, la seconde, serait d'ouvrir la porte à un changement fondamental de conception de la citoyenneté la ramenant plusieurs siècles en arrière.
Pour nous, tout cela est inacceptable et doit être combattu vigoureusement. Nous exigeons, le retrait du projet Darmanin-Macron comme de la liberticide loi immigration.
[2] Face à la gronde sociale en Allemagne, le gouvernement sort la carte des menaces de guerre, le ministre allemand de la Défense Boris Pistorius, menace son peuple en indiquant la possibilité d’une « guerre avec la Russie, d’ici 5 à 8 ans » ! Il veut augmenter « considérablement » le nombre de soldats dans l’armée allemande, quitte à l’ouvrir à des non-nationaux, consolider fortement l’industrie de défense du pays, et « réveiller la société » ! Le chancelier allemand avait donné le ton en annonçant la création d’un fonds spécial doté de 100 milliards d’euros pour la modernisation de la Bundeswehr.
[7] En France, le droit de la nationalité est régi par les articles 18 et 19-1 du code civil depuis 1804: la nationalité se transmet par filiation, ou directement à un enfant né en France de parents apatrides.