Gantry 5

 

N° 848 21/11/2023 Argentine
La large victoire de Javier Milei au deuxième tour de l'élection présidentielle en Argentine a suscité de larges commentaires de la presse internationale. Avec une participation de 76,3%, il dépasse de près de 11% son rival et ancien Ministre des finances Sergio Massa en obtenant 55,7% des voix. L'ampleur inattendue du succès de J. Milei renvoie à l'état profondément dégradé de la situation économique et sociale en Argentine. Face à S. Massa, candidat péroniste, incarnant la descente aux enfers pour une large partie de la population réduite à la misère, J. Milei qui s'est présenté en candidat anti-système a aspiré le profond mécontentement en promettant la fin du déclin argentin. Ce déclin est celui d'une crise grave économique qui a amené l'Argentine à négocier un prêt de 50 milliards de dollars avec le Fond Monétaire International. Selon une étude récente, loin de redresser la situation, l'accord avec le FMI a contribué encore a contracter l'économie plongeant le pays dans une profonde récession[1]. S. Massa en incarnant la système politique qui a amené à la faillite a donc ouvert la voie à J. Milei. C'est en tout cas l'analyse que fait le grand journal argentin Clarin quand il écrit :" Mais dans ce qui s'est passé lors du second tour, au-delà des sceaux ou des dirigeants des partis, ce qui semble avoir largement transformé l'électorat dans un pays accablé par la crise, l'inflation et la paupérisation, c'est la direction du changement qu'incarnait la figure de Milei, face à de la continuité supposée avec Massa, le ministre-candidat du quatrième gouvernement kirchnériste...". Pourtant le programme affiché par J. Milei est digne de celui de Pinochet au Chili s'inspirant de l'école économique de Chicago[2] : Dollarisation de l'économie, suppression de ministères sociaux, privatisations accélérées, réduction des dépenses publiques... Milei, qui a réalisé des pans de sa campagne avec une tronçonneuse à la main, représentant sa vocation à réduire les dépenses publiques et à réduire l'État, héritera donc d'un pays avec d'énormes problèmes économiques et une situation sociale grave, avec une inflation interannuelle de plus de 140% et une pauvreté de plus de 40%. Pour autant, le nouveau Président ne dispose d'aucune majorité, le nombre d'élus se réclamant de lui est très faible et il devra composer avec les caciques de la droite argentine qui l'ont soutenu et les représentants du patronat qui n'en doutons pas veillent au grain. La première leçon à tirer de cette élection c'est que face à un système politique à bout de souffle, ici le péronisme, les forces de la bourgeoisie argentine n'ont pas hésité à investir dans un personnage que d'aucuns surnomment el loco (le fou), voir sa campagne à la tronçonneuse en estimant pouvoir lui faire jouer le rôle de celui qui étouffe le mouvement de mécontentement populaire. C'est maintenant l'avenir des luttes sociales et politiques qui déterminera l'issue de cette situation.
 
Rencontre Biden Xi Jinping
Participants au sommet de la Coopération économique pour l'Asie-Pacifique[3], Les Présidents J. Biden et Xi Jinping se sont rencontrés le 15 novembre à San Francisco.
Dans un contexte ou les relations entre les deux pays se sont dégradées notamment en raison des questions de contrôle des exportations, des droits humains et de Taïwan et ou les tensions internationales se sont exacerbées avec la guerre en Ukraine et la situation en Palestine, les dirigeants des deux premières puissances mondiales ont appelé à une plus grande stabilité dans leurs relations politiques et économiques, pour autant, les résultats concrets de cette rencontre qui n'a pas donné lieu à un communiqué commun sont assez faibles.
Selon le journal Le Monde : "Les Américains ont obtenu satisfaction sur les deux sujets qu’ils avaient publiquement affichés comme prioritaires : la réouverture des canaux de communication entre les armées des deux pays – gelés depuis la visite de Nancy Pelosi, alors speaker de la Chambre des représentants, à Taïwan en 2022 –, ainsi que l’engagement de Pékin de lutter contre les exportations illégales de fentanyl, l’opioïde de synthèse qui fait chaque année des dizaines de milliers de morts aux États-Unis." Sur Taïwan, la Chine a rappelé sa position : " La Chine réalisera la réunification. Rien n’arrêtera celle-ci." Elle a enjoint les États-Unis à respecter leur engagement à ne pas soutenir l’indépendance de Taïwan, à cesser d’armer l’île et à soutenir la réunification pacifique de la Chine. Ce à quoi les américains ont répondu qu'ils s'opposent à tout changement du statu quo actuel, autant dire qu'ils continuent leur politique de soutien à Taïwan.
Rien n'est donc fondamentalement changé dans les relations sino-américaines marquées par une interdépendance économique forte y compris sur le plan de la finance comme le souligne l'attaque de hackers russes sur la première banque commerciale chinoise détenant une part importante des 26.000 milliards de dollars des titres de la dette américaine[4].
Rien n'est fondamentalement changé parce que la nature des relations entre ces deux pays appartenant au système impérialiste est régie par la concurrence acharnée qu'ils se livrent avec leurs monopoles pour la maîtrise des ressources naturelles, des voies de communications, de la conquête des marchés et de la force de travail. Dans cette concurrence au sein de l'impérialisme, il y a des haut et des bas au gré de leurs intérêts. Le relatif apaisant observé à San Francisco ne doit donc pas tromper, dans le capitalisme dominant la perspective de l'affrontement est toujours là!
[4]Les Echos lundi 20 novembre 2023 : Dette américaine, les leçons d'une cyberattaque