Elections en Grèce : Maintien de la droite sortante, large recul de Syriza, progression du KKE
Les élections législatives se sont déroulées ce dimanche 21 mai en Grèce. Nous en tirons les premiers enseignements.

La droite consolidée
La participation, en légère hausse, n’est que de 60,94 %, ce qui signifie que près de deux électeurs sur cinq n’ont pas voté, mais surtout cette hausse (57,78 % en 2019) cache le fait que, le nombre d’inscrits ayant diminué, il y a eu ce dimanche 9 944 495 votants, contre 9 984 934 en 2019, soit environ 40 000 de moins.
Le parti conservateur "Nouvelle Démocratie", emmené par le premier ministre sortant Mitsotakis a obtenu 2 407 436 voix (40,79 %), soit une légère augmentation par rapport aux précédentes élections de 2019, où il avait obtenu 2 251 618 voix (39,85 %). Mais, le parti de Mitsotakis n’obtient que 146 sièges sur 300, contre 158 dans la précédente assemblée.
Les titres des journaux français, dans le registre : « La droite largement victorieuse », insistant sur un résultat inattendu, pourraient faire croire à une importante progression de ND. Or, il n’en est rien : ce parti progresse de 156 000 voix, contre 127 000 pour le KKE (parti communiste) et 218 000 pour le PASOK (parti socialiste).
Néanmoins, malgré la casse des services publics qu’a illustré l’accident de train meurtrier en mars 2023, malgré la cure d’austérité annoncée, malgré les 10 % d’inflation en 2022, malgré les dérives autoritaires de Mitsotakis, il s’est trouvé plus de 2 400 000 électeurs pour mettre un bulletin ND dans l’urne. D’après les sondages de sortie des urnes, un tiers des jeunes de 17 à 24 ans a voté pour la "Nouvelle Démocratie".
Ce qui explique la victoire du parti conservateur ce n’est pas sa progression, mais l’effondrement de son principal rival, le parti de gauche Syriza.
Syriza dégringole et la social-démocratie est globalement en baisse
Syriza, c’est ce parti de gauche, au pouvoir entre 2015 et 2019, qui ressemble pas mal au Podemos espagnol, qui avait promis aux électeurs qu’il empêcherait le plan d’austérité imposé par l’UE et le FMI en 2015, et qui l’a accepté et mis en place malgré un referendum où 60 % des votants s’étaient prononcés contre. Le gouvernement de Syriza avait aussi restreint le droit de grève et eu recours à la répression policière de manière récurrente.
Syriza, menée par l’ancien premier ministre Alexis Tsipras a donc recueilli les fruits de ce que nombre de Grecs ont conçu comme une trahison.
Il recueille 1 184 312 voix (20,07 %), contre 1 781 057 (31, 53 %) en 2019 et passe de 86 à 71 élus. Il perd 596 745 voix, soit un tiers de son précédent résultat.
Le parti de Varoufakis, ancien ministre de Syriza et anticommuniste notoire, MERA 25, a connu également une sérieuse baisse de voix et de pourcentage et n'a aucun député élu. Il passe de 194 576 voix (3,44 %) et 9 élus en 2019 à 155 063 voix (2,63 %) et aucun élu.
Les partis de la nouvelle social-démocratie ont donc enregistré une baisse importante, qui n’est pas compensée par la hausse du plus ancien parti social-démocrate de Grèce, le PASOK. Ce dernier recueille 676 052 voix (11,45 %) contre 457 623 voix (8,10 %) en 2019 et passe de 22 à 41 élus. L’ensemble de la social-démocratie obtient 2 015 427 voix (34,15 %) alors qu’elle avait recueilli 2 433 256 voix (43,07 %) en 2019. C’est donc un grave échec pour elle, et spécialement pour Syriza et Tsipras. On ne peut pas tromper le peuple impunément.
Le KKE en progression
Le KKE (Parti Communiste de Grèce) a enregistré une hausse de 2%, recueillant 426 674 voix (7,23%) contre 299 621 voix en 2019 (5,30 %) et a fait élire 26 députés contre 15. Il progresse donc de 127 053 voix et 11 députés.
Le KKE a enregistré une hausse significative dans les centres urbains, les quartiers populaires d’Athènes, du Pirée, des autres grandes villes, où il atteint près de 10%, voire plus. Au niveau national, les votes du KKE ont augmenté de 42%, enregistrant une hausse dans 12 sur 13 régions de la Grèce par rapport aux dernières élections de 2019. Le KKE a obtenu plus de 10% des voix des électeurs ayant voté à l'étranger. Il est arrivé en première place, avec 35 % des voix, sur l'île d'Ikaria, qui était autrefois un lieu d'exil pour les communistes.
Dans l’Attique, le KKE est le 3ème parti, devant le PASOK avec 11 députés contre 6 aux sociaux-démocrates. Il dépasse les 10 % dans la 2ème circonscription du Pirée et dans celle d’Athènes ouest. Il dépasse également les 10 % dans la région des Iles Ioniennes à Zante et dans celle de l’Egée septentrionale, à Céphalonie, Lesbos et surtout Samos (16,52 % à 1,07 de Syriza). Il opère également une très forte augmentation également à Thessalonique (2ème ville du pays). Enfin, dans la zone de LARCO, la compagnie des mines et de la métallurgie du fer et du nickel, il double presque ses voix, gagnant des Membres du Parlement dans les circonscriptions de Kozani (Macédoine occidentale), Eubée et Phtiotide (Grèce centrale) après des décennies de disette.
Les réactions du KKE
Le Comité Central du KKE s'est réuni et a évalué le résultat comme "un pas positif dans un rapport de forces négatif".
Voici un extrait de la déclaration du secrétaire-général du KKE, Dimitris Koutsoumbas, après les élections : « Le renforcement de l'influence politique du KKE, en particulier dans les grands centres urbains du pays, dans les quartiers populaires des grandes villes, dans les zones où se concentre une grande partie de la main-d'œuvre industrielle et générale, par exemple dans L'Attique, sont des messages prometteurs qui préparent demain.
La corrélation qui a émergé des élections entre les partis bourgeois, la Nouvelle Démocratie, SYRIZA, PASOK, montre non seulement le potentiel pour la formation d'un gouvernement qui peut continuer dans la même direction anti-populaire, mais aussi un consensus et le soutien des forces qui seront en opposition, au profit du grand capital et aux dépens des travailleurs du secteur privé et public, des professionnels indépendants, des scientifiques, des agriculteurs, des retraités, de nos jeunes.
Le KKE a souligné tout ce temps, que malgré leurs différences individuelles, leurs confrontations, ils convergent sur des politiques stratégiques de base, sur des orientations de base. En particulier, SYRIZA, d'abord en tant que gouvernement et ces quatre années en tant qu'opposition, a été un agent clé de la désillusion du peuple qui s’est tourné vers les conservateurs, alimentant finalement la prédominance de la Nouvelle Démocratie. »
Tout n’est pas terminé
Le Parlement sortant a voté une réforme de la loi électorale, dite de "proportionnelle renforcée". Elle permet d’avoir recours à un « second tour », si aucun parti (ou coalition) ne parvient à former un gouvernement. Dans ce cas, le second tour accorde un bonus de 40 sièges au parti arrivé en tête, lui donnant la possibilité d’obtenir la majorité absolue et de former seul le gouvernement.
Or la Nouvelle Démocratie ne souhaite pas d’alliance pour former une coalition et n’a obtenu que 146 sièges alors qu’il en faut 151 pour avoir une majorité absolue. Par conséquent, le pays se dirige vers de nouvelles élections législatives, qui auront lieu très probablement le 25 juin 2023.
Le KKE devra enregistrer une nouvelle hausse de ses voix et pourcentage, afin de garder les 26 sièges qu’il a obtenus le 21 mai. Il s’est fixé l'objectif d'intensifier la bataille politique du parti, afin de sortir encore plus fort des nouvelles élections.
En conclusion
Il y a peu de chances que ce second tour change quoi que ce soit de fondamental au résultat. Quels que soient le ou les partis qui gouverneront à l’issue (fort probablement la Nouvelle Démocratie, mais rien ne sera différent avec Syriza), le peuple grec aura droit à une nouvelle cure d’austérité, imposée une nouvelle fois par l’Union Européenne.
Voici ce qu’en dit le secrétaire-général du KKE : « Ainsi, à partir de demain, le peuple et la jeunesse grecs seront confrontés à une nouvelle vague d'attaques pour la mise en œuvre du nouveau mémorandum préalable au Fonds de relance, avec une nouvelle série de coupes et d'austérité, avec une politique budgétaire stricte, avec la possibilité d'un nouveau crise économique ouverte, les développements dangereux sur le front de la guerre impérialiste en Ukraine avec une plus grande implication de la Grèce, mais aussi avec les règlements négatifs apportés par le parapluie de l'OTAN dans les relations gréco-turques. Celles-ci seront mises en œuvre par le nouveau gouvernement antipopulaire qui émergera. Aucun soutien, aucune tolérance, aucun compromis sur toutes ces politiques antipopulaires ! »
Le Parti Révolutionnaire Communistes se réjouit des bons résultats du KKE. Il sera à ses côtés et aux côtés des travailleurs de Grèce dans les luttes à venir, contre l’austérité et pour la paix, contre le capitalisme, le système d’exploitation du travail salarié.
Notre parti envoie un message de solidarité et de félicitations pour ses résultats. Message que nous publions ci-dessous.

Chers camarades,
Nous nous réjouissons des résultats de votre parti lors des élections législatives du 21 mai. 127 000 voix et 11 députés en plus, c’est un sacré appui pour les travailleurs de Grèce. Les bons scores du KKE en Attique, à Thessalonique, mais aussi dans les îles (Zante, Lesbos, Céphalonie et Samos), la progression dans 12 des 13 régions sont la marque d’un rapport de force en progrès pour le mouvement ouvrier. Cela sera utile dans les luttes à venir, avec ce que prépare la Nouvelle Démocratie, avec la complicité de la future opposition sociale-démocrate, quelle qu’elle soit.
Le Parti Révolutionnaires Communistes vous félicite pour ces résultats qui apportent du baume au cœur à tous les travailleurs en lutte de notre pays, et de beaucoup d’autres.
Très fraternellement
Michel Gruselle
Responsable des relations internationales
Parti Révolutionnaire COMMUNISTES (France)

Du sommet de la Ligue Arabe à celui du G7 : Un monde dominé par le capitalisme
Le sommet de la Ligue Arabe(1) s'est tenu le 19 mai à Djeddah en Arabie Saoudite. Si les media ont essentiellement porté leur attention sur la présence de V. Zelensky et sur son intervention, ainsi que sur le retour de la Syrie au sein de cette Ligue avec la présence du Président Bachar al Hassad, ils ont assez largement fait l'impasse sur la signification de ce sommet dans un contexte où s'organise un monde capitaliste de plus en plus multipolaire.
L'absence de certaines délégations, celles du Maroc, de l'Algérie, des Émirats Arabes Unis et le départ avant l'arrivée de V. Zelensky du représentant du Qatar furent les manifestations des divergences qui traversent la Ligue Arabe. Ces divergences portent en particulier sur les quotas de production pétrolière que l'Arabie saoudite, ne cédant pas aux pressions des États-Unis, en accord avec l'OPEP+ et donc avec la Russie, a refusé d'augmenter permettant une stabilisation des cours au grand dam des Émirats Arabes Unis. Une autre divergence porte sur les rapports avec Israël, certains États(2) de la Ligue entretenant des rapports diplomatiques avec ce dernier.
C'est aussi sur fond d'un relatif effacement des États-Unis dans la politique moyen-orientale et de l'échec de l'entreprise de démolition de l'État syrien menée par une coalition, sous l'égide des États-Unis, et dont la France et le Royaume-Uni étaient partie prenante que l'on a vu l'Arabie Saoudite s'émanciper relativement de ses relations avec les États-Unis et ambitionner de devenir une puissance régionale dominante. Si les Émirats Arabes Unis ont renouvelé leurs relations diplomatiques avec l'Iran en août, sept mois plus tard, l'Arabie saoudite a décidé de faire de même. Abu Dhabi a également renouvelé ses relations diplomatiques avec la Syrie environ un an avant son voisin et tous deux n'appliquent pas les sanctions américaines contre la Russie et travaillent en étroite coopération avec la Chine. C'est d'ailleurs sous l'égide de la Chine que l'Arabie Saoudite et l'Iran pourtant en vive concurrence pour le leadership régional ont renoué leurs relations étatiques.
On le voit, les Moyen- et Proche-Orient sont en pleine évolution dans leurs rapports géostratégiques et la venue de V. Zelensky, invité surprise de l'Arabie Saoudite, aussi spectaculaire qu'elle soit et mise en avant par les media occidentaux, n'a guère changé la donne.
Selon le journal Le Monde, un diplomate saoudien rapporte : "Le président ukrainien n’a pas vraiment fait mouche en invoquant la souffrance des Tatars musulmans vivant sous occupation russe en Crimée, ou en condamnant la fourniture de drones d’attaque par l’Iran à la Russie. Le problème est qu’il n’a pas parlé du sort des Palestiniens, alors qu’il est allé demander son soutien à Israël. C’est une politique du deux poids, deux mesures". Il est vrai que si la question palestinienne n'est plus aujourd'hui la première préoccupation de beaucoup d'États de la Ligue Arabe, ce dernier reste très sensible aux opinions publiques. Proclamer, comme le fait V. Zelensky son attachement à l'intégrité territoriale et à la souveraineté nationale de l'Ukraine en condamnant l'agression militaire de la Fédération de Russie, sans dire un mot de la violation flagrante du droit international par l'État colonial et d'apartheid qu'est Israël à l'encontre du peuple palestinien tient du registre de la provocation!
Bis repetita, voici le même V. Zelensky débarquant à Hiroshima d'un avion fourni gracieusement par la France au sommet du G7 auquel s'était joint l'Australie à Hiroshima et venu plaider sa cause auprès des pays constituant le noyau du pôle impérialiste dominé par les États-Unis. là aussi, l'accueil s'il fut chaleureux auprès des représentants des États occidentaux qui entretiennent la guerre impérialiste en Ukraine, furent nettement plus frais du côté des pays invités dit du Sud ( Inde, Indonésie, Brésil, Îles Cook, Comores, Corée du Sud et Vietnam) qu'il était censé convaincre de rompre ou de s'éloigner de la Fédération de Russie. En fait, l'opération de charme s'est soldée par un fiasco. Lula Président du Brésil n'a pas rencontré Zelensky, quant à Modi le Président indien il a signifié qu'il ferait son possible pour la paix, ce qui ne l'engage à pas grand chose.
Comme à Djeddah le symbolisme a eu toute sa place dans la réception de V. Zelensky à Hiroshima en oubliant toutefois de souligner que si Hiroshima et Nagasaki ont été rasées avec des centaines de milliers morts à la clé par deux bombes atomiques, elles furent larguée par les États-Unis plus pour montrer leur puissance vis-à-vis de l'ennemi potentiel qu'était déjà l'URSS que pour servir un quelconque dessein militaire stratégique. Ce qui n'a pas empêché V. Zelensky de comparer la situation de l'Ukraine à celle d'Hiroshima et Nagasaki!
Au bilan, les conclusions du sommet du G7 montrent une nouvelle fois que le pôle impérialiste dominé par les États-Unis entend rassembler dans l'organisation de la lutte économique, idéologique et militaire l'ensemble des puissances occidentales contre le pôle concurrent qui tente de se rassembler autour de la Chine et de la Russie, mais surtout de la Chine, la désignant comme l'adversaire principal. Ce qui conduit le quotidien chinois Global Times à qualifier le sommet du G7 qui s’est tenu ce week-end au Japon d’"atelier anti-Chine". Affirmant que "Les Etats-Unis s’efforcent de tisser une toile anti-Chine dans le monde occidental", le Global Times souligne dans un éditorial intitulé " Le G7 s’est transformé en atelier anti-Chine " : "Il ne s’agit pas seulement d’une ingérence brutale dans les affaires intérieures de la Chine et d’un dénigrement de la Chine, mais aussi d’une volonté non dissimulée de confrontation entre les deux camps".
Car c'est bien là la leçon que nous devons retenir, jamais les conditions d'affrontements larges et violents n'ont été aussi crédibles au sein du système impérialiste. Ils sont le fruit de la concurrence acharnée que se livrent les grands monopoles capitalistes dans un monde largement globalisé, qui luttent pour conquérir les ressources naturelles, contrôler les marchés et les voies de communications comme ils entendent contrôler une force de travail au moindre coût.
Les travailleurs partout dans le monde et encore plus dans les zones de conflits ouverts, peuvent mesurer la nocivité pour eux de cette logique capitaliste. Ils doivent y faire face par la lutte des classes pour le renversement du capitalisme et la construction d'une société de coopération des producteurs de richesses au plan national et international, ce que l'on nomme le socialisme!

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1 La ligue Arabe est composée de 22 membres : Jordanie, Liban, Syrie, Arabie Saoudite, Égypte, Irak et Yémen qui en sont les membres fondateurs, auxquels se sont adjoints : Libye, Soudan, Maroc, Tunisie, Koweït, Algérie, Bahreïn, Émirats Arabes Unis, Oman, Qatar, Mauritanie, Somalie, Palestine, Djibouti et Comores.
2 Émirats Arabes Unis , Bahreïn et Maroc
3 G7 : Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni.