698-05/01/2021 L’Union Européenne et la Chine viennent de signer le 30 décembre un accord sur les investissements réciproques de deux des plus grandes puissances économiques du monde.

Cet accord était en négociation depuis 2013. Il s’agit d’un acte important qui s’inscrit dans l’accélération de la circulation des capitaux dans le monde. La Chancelière allemande a poussé les feux pour que cet accord soit acté avant la fin de sa présidence tournante de l’UE. La France et les USA ont tenté, sans succès, d’en freiner la réalisation. Voilà pour les faits il reste à éclairer les raisons et les conséquences d’un tel accord.
La vigueur des échanges commerciaux entre les pays de l’UE, et surtout l’Allemagne, et la Chine, l’augmentation des investissements croisés, les opérations de rachat d’entreprises de l’UE par des groupes chinois, les questions de protection des données technologiques, ont conduit les dirigeants européens, dans un contexte de guerre commerciale entre les USA et la Chine, à trouver un accord avec cette dernière pour préserver les intérêts de leurs monopoles.
La Chine démontre, par cet accord, sa capacité à sortir de son isolement et à nouer un partenariat important avec l'autre grand acteur du bloc occidental qu’est l’Europe. Ce n’est pas une nouveauté, déjà l’émergence en 2013 des « nouvelles routes de la soie » qui concernent aujourd’hui un peu moins d’une centaine de pays ont confirmé l’ouverture de la Chine au capitalisme national et international. Aujourd’hui une trentaine de villes Européennes sont reliés par voie de chemin de fer à la Chine pour le transport de marchandises. Et concerne également les routes maritimes, vers l’Asie, l’Afrique, et l’Amérique, des chantiers essentiellement financés par la Chine : ports, autoroutes, liaisons ferroviaires, centres industriels, etc… Sur le plan culturel se sont plus de 500 Instituts Confucius qui se sont ouvert.
Selon la Banque américaine Morgan Stanley, les investissements chinois cumulés dans les pays des "routes de la soie" dépasseront 1.200 milliards de dollars d'ici 2027.
La création en 2014 de la BAII (Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures) en concurrence avec le FMI, la Banque Mondiale et la BAD ( Banque Asiatique de développement ). La BAII, cette institution financière à l’intention des pays en voie de développement pratique des prêts remboursables aux États sous des formes multiples, remboursement sur de longues périodes avec des intérêts plus faibles que toutes les autres institutions et en cas d’impossibilité de rembourser, l’usage « du troc », la Chine se fournissant en matière première et autres denrées comme mode de remboursement ou « usage » d’infrastructure industrielle et portuaire ! Prenons l’exemple du Sri Lanka, incapable d'honorer ses créances, il a dû céder à la Chine le contrôle pour 99 ans d'un port en eaux profondes. En Europe, les ports du Pirée (Grèce), Bilbao et Valence (Espagne) sont déjà contrôlés par les chinois. Globalement le besoin étant pour la Chine et ses multinationales de trouver des débouchés économiques et financiers à ses énormes masses monétaires qui ne trouvent pas à s’investir en Chine.
Du point de vue des échanges avec la Chine, l’Allemagne est la première intéressée car son économie est des plus dépendante au commerce avec la Chine. Ainsi, elle est le pays européen qui a le plus grand avantage économique à conclure cet accord. Elle est aujourd’hui, de loin, le premier partenaire commercial de la République populaire en Europe. Selon le journal Le Monde : « en 2019, le volume d’échanges entre les deux pays s’est élevé à 206 milliards d’euros : 96 milliards d’euros ont été exportés par les entreprises allemandes vers la Chine, qui a elle-même écoulé 110 milliards d’euros de biens en Allemagne. Ces transactions, qui représentent environ un tiers du volume total échangé entre la Chine et l’Union européenne, s’effectuent dans des industries vitales pour le « made in Germany » : les machines, l’automobile, l’électrotechnique et la chimie, dont les entreprises sont devenues extrêmement dépendantes du marché chinois ». De plus, l’appétit des groupes chinois pour les entreprises allemandes de haute technologie est grand. Le rachat progressif de Kuka, perle de la robotique allemande, à partir de 2016, par le groupe Midea, avait été un premier choc. L’entrée de Gelly au capital du groupe Daimler fut un autre coup. Début 2019, la fédération industrielle allemande, publie une prise de position majeure, qui marque un tournant : l’économie allemande et l’économie européenne doivent considérer la Chine non plus seulement comme un partenaire commercial, mais aussi comme un « concurrent systémique ». C’est donc sous la pression du patronat allemand que ce traité a vu le jour. Il lui permet de rationaliser et d’encadrer ces relations avec la Chine, tandis qu’il amorce un virage significatif quant au rôle de l’état allemand dans la « régulation » des facteurs économiques. Ce virage, n’est pas sans rappeler l’intervention de masse de l’état dans le financement des entreprises lors de la crise de 2008 et plus récemment avec celle liée à la pandémie de Covid 19. Il acte aussi une étape nouvelle dans les politiques industrielles en Europe. C’est ce qu’affirme le patron des patrons allemands Joachim Lang: « Le traité est une étape importante vers une Europe qui se montre unie sur les questions d’investissement, et un acteur fort dans l’adoption de règles mondiales. L’Union européenne est le premier acteur mondial qui a amené la Chine à des concessions sur les questions des standards sociaux ».
De son côté la Chine voit dans ce traité la possibilité d’une plus grande lisibilité dans la politique de ses monopoles d’investir dans les entreprises de l’UE. Elle gagne aussi en stabilité dans l’ouverture de son commerce mondial tandis que les USA ont choisi la guerre commerciale contre elle. Son choix d’un tel traité est tout à fait cohérent avec ses efforts pour définir les bases d’une vaste zone de libre-échange en Asie-Pacifique:
https://www.sitecommunistes.org/index.php/monde/asie/1152-asie-une-nouvelle-union-de-libre-echange-capitaliste
Ce traité marque donc une nouvelle avancée dans la mondialisation capitaliste : de la circulation du capital à celle des marchandises. Que le grand absent du traité soit la question des peuples, de leurs conditions de vie et de circulation n’est donc pas une surprise tant la seule question qui vaille dans la concurrence capitaliste est celle de la liberté de circulation du capital pour plus de profits et d’accumulation.

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