752-19/02/2022 Pour le Président de la République lors de son discours de clôture, du 13 janvier, de la Conférence des Présidents d'Universités (CPU) devenue France Universités c’est l’inadéquation entre le contenu des diplômes et les

besoins des entreprises qui est la cause du chômage des étudiants diplômés des universités. 3 millions d’emplois industriels ont été perdus depuis la fin des années 1970. La part de l’industrie manufacturière dans la valeur ajoutée de l’ensemble de l’économie est passée durant cette période de 25% à 11%. 8% de la population française est au chômage soit 2,5 millions de personnes (données gouvernementales 2021). 10,5% des diplômés d’un niveau supérieur à Bac+2 sont toujours au chômage 4 ans après l’obtention de leur diplôme (Insee 2020).

Mais pour l’ex banquier d’affaires de la banque Rothschild pour qui « il suffisait de traverser la rue pour trouver un emploi », ceux qui dirigent les grands groupes industriels qui possèdent les entreprises, n’ont aucune responsabilité dans cette situation. Comme ils n’ont aucune responsabilité dans l’insuffisance de la Recherche & Développement de leurs entreprises comparée à la concurrence notamment Allemande, Japonaise, etc… Les 6 milliards du Crédit Impôt Recherche n’ont visiblement aucun effet !

De plus dans cette intervention Macron annonce qu'il veut mettre fin à ca qu'il appelle un système qui n'a aucun prix: «On ne pourra pas rester durablement dans un système où l’enseignement supérieur n’a aucun prix pour la quasi-totalité des étudiants, où un tiers des étudiants sont considérés comme boursiers et où pourtant nous avons tant de précarité étudiante, et une difficulté à financer un modèle beaucoup plus financé par l’argent public que partout dans le monde». Cette vision qu'il dessine de l'Université, est celle d'une université payante encore plus discriminante qu'aujourd'hui pour les enfants issus des couches populaires et d’une université financée par le privé et donc sous sa coupe directe.

Rappelons qu’en août 2015, la CPU, la conférence des grandes écoles (CGE) et les directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (Cdefi) avaient signé avec le Medef un « Pacte d’engagement pour le supérieur » afin de renforcer les liens entre le monde de l’entreprise et l’enseignement supérieur pour que les jeunes diplômés puissent trouver un emploi. Visiblement ce pacte signé par le Medef pour la galerie est resté lettre morte.

Pour pallier cette situation, E Macron propose ni plus ni moins une réforme systémique des universités, 13 mois après l’adoption de la Loi de Programmation de la Recherche (LPR) [1]!

Les universités doivent résolument se tourner vers le marché de la formation professionnelle. Elles doivent investir la formation en alternance et l’apprentissage dans tous les secteurs, dans toutes les filières, notamment les filières courtes professionnalisantes.

Pour E. Macron « Faire une carrière dans un même métier va devenir de plus en plus rare » il va falloir se former ou plutôt se réformer en permanence. Les universités ont un rôle essentiel à jouer « pour reformer des trentenaires, des quadragénaires, des quinquagénaires pour leur deuxième partie de carrière ». Il ne s’agit pas de formation professionnelle mais de former à des postes de travail afin d’être directement opérationnel en entreprise mais avec un bagage théorique plus faible. C’est ce que l’on appelle l’employabilité. Les entreprises ne forment quasi plus leurs salariés, elles ont besoin de salariés prêts à l’emploi en fonction de leurs besoins, à l’État de les fournir, quitte par la suite à s’en débarrasser en fonction de la conjoncture. Ces salariés jetés comme des Kleenex devront à nouveau se reformer.

Compte tenu du nombre de salariés concernés le marché est considérable. Il constitue par conséquent une source de financements pour les universités. Le patronat et les collectivités territoriales seront ces sources de financements.

Mais pour le Président de la République l’assujettissement de l’enseignement aux besoins patronaux ne concerne pas seulement le supérieur, mais aussi le secondaire. « Nous avons besoins de nos universités comme d’ailleurs du monde de l’entreprise dans nos collèges dans nos lycées » pour améliorer l’orientation des élèves et ne pas les mettre en situation d’échec. L’enseignement secondaire doit donc être raccordé aux formations professionnalisantes des universités.

Les universités étant régionales, les formations professionnalisantes qui y seront dispensées seront fonction des entreprises de la région.

Pour que ceci ne reste pas dans les tiroirs, des contrats d’objectifs et de moyens seront passés entre l’Etat et les universités. Rappelons que le contrat qui définit les droits et obligations du salarié et de l’employeur est spécifique du privé. Il n’y a pas de contrat dans la Fonction publique puisque l’on y travaille pour l’intérêt général. Le contrat est la matérialisation de la sujétion de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (ESR) au service des intérêts privés du patronat et non pas de la Nation.

Les moyens seront attribués en fonction de l’atteinte des objectifs fixés dans le contrat, mesurée par la tyrannie des indicateurs.

Leur gouvernance devra évoluer. Elles devront être gérées comme les entreprises comme le sont les hôpitaux publics avec le résultat que nous connaissons. Les universités doivent devenir de plus en plus autonomes (tout en restant sous le contrôle serré de l’Etat via la contractualisation) dans le recrutement et la gestion de leurs personnels de façon à se débarrasser progressivement du statut de fonctionnaire.

La recherche que l’on se le tienne pour dit, ce sont les universités. Ce ne sont plus les organismes nationaux de recherche. « Les universités doivent devenir le centre de gravité pour la recherche »

L’existence des organismes nationaux de recherche avec leurs missions premières de recherche fondamentale, leurs instances d’évaluation et le statut de leurs personnels constituent encore des obstacles à l’assujettissement de l’ESR à la compétitivité des entreprises.

Pour le Président de la République, ils doivent se réduire à des agences de moyens finançant des programmes nationaux de recherche. Il faut en finir avec le cloisonnement entre les travaux recherche et ceux d’enseignement, en favorisant le va et vient entre recherche et enseignement. Il ne s’agit ni plus ni moins que de mettre fin au statut des chercheurs à temps plein, ce qui permettra de compenser le manque criant d’enseignants chercheurs sans avoir besoin de créer des postes.

Ces orientations satisfont pleinement la CPU. Les présidents d’université se voient en quelque sorte devenir les préfets de l’ESR dans leur région et mettre la main en même temps sur les laboratoires des organismes nationaux de recherche et leurs personnels. Elle revendique « la délégation pleine et entière de gestion de toutes les unités mixtes de recherche pour une réelle simplification et une meilleure efficacité de leur fonctionnement ». C’est ce que demandait il y a peu dans les mêmes termes la Cour des Comptes[2] ! Mais elle ne s’arrête pas là, pourquoi se gêner ? Elle demande « de restructurer le pilotage et l’innovation en biologie de la santé en confiant aux universités la tutelle des unités de recherche ». Cela revient à demander la disparition de l’Institut National de la Santé Et de la Recherche Médicale (INSERM) ! Pour le CNRS on verra plus tard !

Les tenants de la concurrence exacerbée, de la déréglementation, de la suppression des statuts qui assurent une relative indépendance aux personnels de l'ESR, affichent la couleur, ils veulent aller plus vite et plus loin pour adapter la société française aux exigences et à l’appétit sans fin du profit des entreprises. L'enseignement supérieur et la recherche n'échappent pas à leurs projets. Une forte riposte s'impose, construisons la ensemble!

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[1]https://www.sitecommunistes.org/index.php/france/economie/1104-le-sens-profond-de-la-loi-de-programmation-de-la-recherche

2https://www.sitecommunistes.org/index.php/france/economie/1635-note-de-la-cour-des-comptes-intitulee-l-universite-a-l-horizon-2030-plus-de-libertes-plus-de-responsabilite-deregulation-a-tous-les-etages-et-la-fin-des-organismes-nationaux-de-recherche