739-21/10/2021 Déjà en 2012, un rapport de l’Observatoire de la Jeunesse faisait observer :

« Par temps de crise, les clivages entre jeunes s’accentuent dans la transition vers l’âge adulte. La compétition s’accroît au sein de l’école et le phénomène de décrochage s’amplifie malgré les ambitions affirmées d’égalité des chances. Les jeunes peu ou pas diplômés peinent à accéder au marché du travail, lequel fait fortement reposer la précarisation de l’emploi sur les entrants. Évincée de l’emploi ou occupant des emplois temporaires, une fraction croissante de la jeunesse est exposée au risque de pauvreté. Les jeunes diplômés sont confrontés à une dégradation de la qualité de l’emploi ». Ce rapport soulignait donc que la jeunesse n’est pas une entité homogène et qu’elle est traversée par les rapports sociaux qui en déterminent largement les comportements. La crise sanitaire a incontestablement accentué les problèmes, les différenciations entre les jeunes issus des milieux populaires et salariés de ceux dont les parents bénéficient d’une position de classe qui les place dans les couches dirigeantes au plan économique, politique et culturel.
Toutes le données convergent pour souligner cette accentuation. Ainsi, un rapport récent de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) note à propos de l’emploi des jeunes: « Ces jeunes nouvellement arrivés sur le marché du travail sont confrontés à une conjoncture dégradée par rapport à ceux qui ont pu débuter leur recherche d’emploi depuis plus d’un an, et dont une partie a déjà trouvé un emploi avant la crise. »
Plus fortement encore les jeunes ressentent et expriment la dégradation de leur situation, c’est ce que souligne un étude récente de l’IFOP portant sur de jeunes adultes de 18 à 30 ans et qui montre que 88 % d'entre eux sont convaincus qu'ils vont devoir payer, pendant des décennies, la dette contractée durant la crise sanitaire; qu'ils ont été sacrifiés (selon 68 %) au profit des personnes âgées (les media s’emploient à cultiver cette division); qu'ils ont du mal, pour 87 %, à avoir une vie sociale et affective normale ; ou encore, pour 83 %, que les étudiants se trouvent dans une situation de détresse jamais vue. Ce que le journal Le Monde qualifie de « Génération désenchantée ».
Les images de jeunes célibataires ou en couple faisant la queue pour obtenir des produits de premières nécessités ont choqué et révélé l’ampleur de la misère d’une partie de la jeunesse. Les récentes hausses des prix n’ont fait qu’accentuer le phénomène. Si la reprise des cours en présentiel contribue à une re-socialisation des étudiants, elle ne saurait masquer le décrochage d’un fraction importante d’entre eux qui se retrouve sans diplôme sur un marché du travail particulièrement dur. Pour les jeunes salariés soumis à une précarité grandissante avec les CDD et les contrats courts, ils font en premier les frais des politiques de suppression d’emplois dans les entreprises.
Si l’on observe des phénomènes de résignation, il y a aussi beaucoup de frustration et de colère. Leur accumulation peut constituer un réservoir de révolte que craignent le patronat et le pouvoir.
Aussi, la jeunesse est l’objet d’une attention soutenue de la part du pouvoir. Des mesures sont annoncées quasiment tous les jours et Macron ne ménage pas sa peine pour occuper le terrain.
Ainsi, en septembre dernier, lors de sa visite à Marseille, il a fait des annonces sur son nouveau projet pour la jeunesse(1) . Refonte des écoles, accès aux stages, retour dans les cités, obtention de bourses pour les études supérieures. De son côté le premier Ministre doit annoncer la mise en place du Revenu d’Engagement pour les Jeunes qui toucheraient 500.000 d’entre eux pour un montant individuel de 500 euros contre un engagement de « devoirs » aux contours totalement flous.
Ces annonces font écho au précédent engagement dans le cadre du programme France Relance. Ce programme lancé à l’été 2020, a pour but « d’offrir une solution à chaque jeune » à travers un panel d’aides diverses et variées : aide à l’embauche, formations, accompagnements aides financières aux jeunes en difficultés. Toutes ces mesures visent à individualiser les réponses, a minima, du pouvoir. En aucun cas, elles n’ouvrent des droits collectifs nouveaux susceptibles de répondre aux attentes de la jeunesse. Dans certains cas, comme celui du plan « un jeune, une solution » ce sont des emplois dégradés qui sont proposés ainsi, les 240.000 jeunes en missions de Service Civique, se substituent de plus en plus à l’emploi salarié et occupent de plus en plus des postes vacants une aubaine pour les entreprises, associations ou la diminution des effectifs dans la fonction publique, notamment dans les préfectures et les établissements scolaires, sont en partie compensées par un appel à des jeunes en service civique. Le volontaire est indemnisé par l’État à hauteur de 473,04 euros par mois, les structures d’accueil versant aux volontaires seulement 107,58 euros ou une prestation en nature (frais d’alimentation, transport). Dans le même temps le patronat bénéficie d’aides à l’embauche des apprentis, jusqu’en juin 2022, pour un montant qui varie de 5000 à 8000€ (2).
Force est donc de constater, que même si le Gouvernement veut donner l'impression d'avoir « remonté ses manches » pour les jeunes, rien ne change vraiment. Ainsi, en septembre dernier, 25% des étudiants vivent sous le seuil de pauvreté, 62% ont des problèmes d’alimentation et 69% pour payer leur loyer(3) .
Qu'est ce que le Gouvernement répond à cela ? Précarité avec l'accroissement des inégalités. Jamais autant d’étudiants ne se sont trouvés sans solution et en situation d’échec. Nombreux sont ceux d'entre eux qui se tournent vers un Service Civique ou doivent renoncer à leurs études faute d’accès à un stage ou à une alternance. Jamais autant de jeunes ne sont retrouvés dans une telle urgence sociale.
Si une partie importante de la jeunesse donne le sentiment de se désintéresser de la politique, disons plus précisément et à juste titre des jeux politiciens, elle est traversée par des interrogations sur l’avenir et tout particulièrement sur les questions de justice et de ce que sera la vie sur une terre dont ils ont de plus en plus conscience qu’elle est un bien commun de l’humanité. Leur sensibilité aux problèmes de l’écologie n’est pas feinte, elle résulte de la volonté d’égalité et de justice qui les traverse. Il y a , en effet, un lien profond et décisif qui existe entre l’usage de la nature et les rapports sociaux capitalistes dominants dont la seule loi de développement est celle du profit et de l’accumulation du capital au détriment des hommes qu’il exploite et de la nature.
Mais rien n’avancera sans les luttes sociales et politiques, pour obtenir tout de suite des résultats concrets pour la jeunesse, lui donnant de réels moyens pour vivre, étudier avoir un travail...Cela suppose pour les jeune de se battre, en tant qu'étudiants, jeunes salariés avec leurs aînés :salariés, chômeurs et retraités pour stopper le pouvoir et le capital qui veut encore plus les enfoncer. Et enfin, pour mettre fin au capitalisme comme système par essence prédateur. Pour cela, il faut développer les luttes unies de la jeunesse et de tous ceux qui n’ont que leur force de travail comme source de revenu. Face aux monopoles, groupons nos forces, la pensée et les bras ne doivent faire qu’un pour faire obstacle à cette politique du Gouvernement et du patronat.

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(1) Marseille en grand – 2 septembre 2021
(2) 5000€ pour un apprenti mineur et 8000€ pour un majeur
(3) Chiffres INSEE