Quoique l’information ait déjà filtré en février de cette année, il a fallu attendre la rentrée pour que la presse se saisisse du sujet : l’équipe du CEA, qui travaillait sur les réacteurs nucléaires de quatrième génération, a été dissoute. Ce projet, dit projet ASTRID (Advanced Sodium Reactor Technological Reactor for Industrial Demonstration) est selon le CEA reporté sine die.
   La fausse raison et le vrai problème

Le gouvernement a posé dans son plan pluriannuel de l’énergie que le réacteur de quatrième génération n’était pas une urgence dans la mesure où, selon lui, l’uranium serait dans les années à venir disponible en quantité suffisante. Or, la génération quatre n’a jamais été conçue comme une simple réponse à cette problématique de disponibilité d’uranium, mais surtout comme une solution pour la réutilisation de combustibles nucléaires recyclés.
L’enjeu d’ASTRID est de « fermer » le cycle du combustible en « brûlant » du plutonium issu du retraitement des combustibles usés dans les réacteurs des générations précédentes. Autrement dit, ce projet a l’ambition de diminuer les déchets nucléaires ultimes. D’ailleurs, le choix technologique initial français en matière de nucléaire civil impliquait d’une manière ou d’une autre une technologie propre à réduire ces déchets.
Cette décision d’arrêt du projet ASTRID aura également un effet certain sur les conclusions des débats actuels au sujet du Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs. De fait, il va falloir envisager des mesures pour faire face à une plus grande quantité de déchets que prévus.
   Un abandon du nucléaire civil mais pas militaire !
Les gouvernements français ont décidé de plafonner la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50%. C’est dans cette optique que la centrale de Fessenheim sera prématurément fermée (alors que l’Autorité de Sûreté Nucléaire avait autorisé son exploitation pour encore 10 ans). D’autres réacteurs seront dans la décennie à venir mis en arrêt pour des raisons techniques raisonnées. EDF envisage de remplacer ses réacteurs dans la limite imposée (les fameux 50%) par des EPR nouvelle génération. Mais alors, sans nouvelle solution, la question du traitement des déchets des anciens réacteurs à l’arrêt et des nouveaux en activité se posera avec une certaine acuité (difficultés techniques d’entreposage liées à des difficultés économiques de coût).
En effet, l’équipe ASTRID travaillait pour un horizon 2050 soit au moins après une décennie de fonctionnement des nouveaux réacteurs envisagés. Le lecteur comprendra que le récit du gouvernement et de la Direction du CEA ouvre beaucoup d’incertitudes sur l’avenir d’une technologie de production d’électricité qui n’émet pas de CO2. Pourtant, d’après notre compréhension, l’urgence du moment est bien l’émission de CO2. La question de l’abandon du nucléaire civil est donc bien à notre sens sur la table.
Cet abandon pose de manière aiguë la capacité de la France à rester un acteur industriel important dans le secteur énergétique électro-nucléaire car, quoiqu’en disent les anti-nucléaires cette forme de production a un avenir eu égard aux problèmes environnementaux de plus en plus pressants. Devra-t-on alors dans une ou deux décennies recourir à des licences chinoises, russes ou américaines pour relancer une industrie dont nous aurons disparu du paysage avec des dizaines de milliers d’emplois qualifiés à la clé ? Aujourd’hui, à quelques exceptions près, il est de bon ton pour les forces politiques d’exiger l’arrêt du nucléaire civil. Cette position démagogique est dangereuse. Elle affaiblit notre capacité industrielle et notre indépendance énergétique. Dans le même temps, les mêmes, ne pipent pas un mot du nucléaire militaire qui lui n’est pas abandonné. Bien au contraire, les programmes nucléaires, qu’il s’agisse de la propulsion des engins (sous-marins et porte avions) et de l’armement se développent. Faut-il donc croire que ce qui est en capacité de détruire l’Humanité comme l’ont montré les bombes atomiques à Nagasaki et Hiroshima serait le nec plus ultra de l’écologie !
Une réorganisation d’EDF pour organiser la liquidation
Pour mener à bien la liquidation du secteur électro-nucléaire, l’État réorganise EDF en deux parties (voir l’article : EDF : Privatisation et manœuvres électriques dans Communistes Hebdo N°618: une entreprise de production électronucléaire d’un côté, le reste des activités de l’électricien de l’autre. L’État deviendrait propriétaire seulement de la première.
Isoler ainsi le nucléaire s’apparente bien dans le contexte à la mise en place d’une structure de « défaisance » autrement dit, l’organisation, du point de vue du gouvernement, de la socialisation des pertes. Pour autant, ces « pertes » futures, notamment avec l’augmentation des coûts de stockage des déchets nucléaires, résultent bien d’une décision politique qui pourrait mener à la fin de la filière française du nucléaire civil.
Notre parti s’oppose à cette décision qui vise à liquider un nouveau pan de l’industrie énergétique en France et totalement contraire avec les ambitions écologiques affichées, car au-delà de la recherche et de la conception de réacteurs de types nouveaux, il y a la réalisation industrielle et la filière de retraitement des sous-produits de l’industrie nucléaire autant dire la maîtrise nationale d’un secteur dont tout montre qu’il représente une réelle alternative de production d’énergie décarbonée.

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