La grande affaire industrielle française du moment est la « réorganisation » du groupe EDF. Après le hold-up de General Electric sur Alstom-Energie, la catastrophe industrielle Areva, cette nouvelle affaire va-t-elle mettre définitivement à bas l’industrie énergétique française ?
EDF, mis mal en point

Le plan du gouvernement se présente comme un plan de sauvetage d’EDF. Mais quelles sont les causes du « péril » dont semble s’alarmer le gouvernement ?
Depuis la privatisation partielle d’EDF par le gouvernement Chirac en novembre 2005, la désintégration de la nationalisation d’EDF-GDF de 1946, s’est développée. Les gouvernements successifs ont livré de plus en plus EDF au capital. Ex. l’accord avec AREVA en 2015. En 2016, Macron encore Ministre de Hollande a cédé des actifs d’EDF au privé sous prétexte (déjà !) d’aider EDF à financer des investissements colossaux (ex. L’EPR de Flamanville avec toutes les difficultés connues- 7 ans de retard dans la construction).
Ajoutons l’obligation qui obère les comptes d’EDF : ainsi, l’entreprise livre l’équivalent du quart de sa production nucléaire à ses concurrents à un prix réglementé, le même… depuis 2012. Et ces 100 milliards de kWh ainsi offerts ou presque par la prochaine loi vont devenir 150 milliards de kWh. Il s’agit d’une concession faite aux autorités européennes soucieuses de donner une chance à la concurrence d’émerger en France.
Enfin, puisque désormais, pour les quantités livrées au marché libéralisé (tous les consommateurs hors les particuliers qui bénéficient encore d’un tarif public), EDF est soumis à un prix de marché européen, fort bas, du fait d’une offre trop abondante (développement des renouvelables subventionnés, baisse de la demande d’énergie du fait d’une croissance économique faible, etc.)
D’évidence, dans les difficultés d’EDF, les tarifs spéciaux pour les agents, dénoncés sans vergogne par le Ministre, n’y sont pour rien.
Le nucléaire ne marche pas dans le marché capitaliste
L’énergie nucléaire n’entre pas dans le cadre d’une réorganisation des systèmes électriques en marché classique. D’abord, le nucléaire est un investissement lourd de très long terme et donc les profits liés à cette technique ne sont assurés que par des garanties comme celles accordés par le gouvernement britannique à EDF pour la construction de centrales dans ce pays. Ensuite, des incertitudes existent sur le coût du démantèlement (dont une part est incluse dans le coût du nucléaire existant) mais surtout celui des déchets nucléaires. Le choix de la filière en France incluait les surgénérateurs pour retraiter une partie des déchets or pour l’heure, cette partie du projet nucléaire français est abandonnée.
EDF, même avec l’État comme principal actionnaire, est une entreprise capitaliste commune. D’évidence, le nucléaire l’empêche de dégager un niveau de rentabilité « durable », notamment dans la perspective des fermetures de centrales, d’hypothétiques nouveaux chantiers de centrales nucléaires. Pour justifier la réorganisation du groupe EDF, le Président Macron affirme qu’il ne faut pas soumettre le nucléaire aux aléas boursiers mais dans les faits, la réciproque explique le mouvement : le souci est de ne pas soumettre le cours de la Bouse d’EDF aux aléas de l’industrie nucléaire.
Une architecture qui prépare le coup suivant
Il y aura donc un EDF Bleue (Nucléaire France et Royaume-Uni, Hydraulique, RTE, Thermique à flamme) avec sa filiale EDF Verte (tout le reste dont le réseau de distribution et les énergies renouvelables hors hydraulique). EDF Bleue est destinée à devenir 100% propriété de l’État (d’où le terme plus qu’abusif de « renationalisation ») tandis qu’EDF Verte verrait son capital ouvert à hauteur d’un tiers environ.
Dans ce schéma, il faut bien comprendre que le seul intérêt d’EDF Verte aux yeux d’un investisseur avisé est ENEDIS, le réseau de distribution. ENEDIS assure, en effet, un revenu régulier et sans surprise (puisque ce revenu est décidé par la Commission de régulation de l’énergie). La création d’EDF Verte procure ainsi au Capital une source de profit sure et régulière tout comme les énergies renouvelables qui devraient bénéficier encore quelques temps de subventions avantageuses.
Cette nouvelle organisation devrait recevoir l’aval des autorités européennes qui ne manqueront pas d’exiger quelques contreparties (accélération de la mise en concurrence des concessions hydrauliques notamment, fin des tarifs publics, etc.)
Il est probable que la trajectoire d’EDF Verte soit identique à celle d’ENGIE avec un désengagement progressif de l’État, justifié par les besoins générés par le nucléaire. Hypothèse qui n’exclue pas celle d’un abandon de la filière nucléaire française à terme.
Ce plan - EDF Bleue et EDF Verte - ressemble bel et bien à la fin d’EDF tout court et les organisations syndicales ne s’y sont pas trompées. Elles appellent à une journée d’action unitaire le 19 septembre.
Notre parti qui se bat pour la nationalisation complète du secteur de l’énergie, car la politique énergétique, essentielle pour la satisfaction des besoins sociaux et économiques de la France doit appartenir à la nation, soutient la lutte des travailleurs d’EDF.