Entamées dans le plus grand secret par deux hommes, représentants des intérêts des actionnaires, J.P. Sénard pour Renault et J. Elkann rejeton de la famille Agnelli pour Fiat, les tractations en vue du mariage ne sont pas achevées. Le Conseil d’administration de Renault(1) pour sa part n’a pas encore réussi à se prononcer. (L’information tombe au moment de la publication de ce papier : A la suite de la réunion Conseil d’administration de Renault qui a reporté sa décision ( les représentants de la CGT des salariés se sont prononcés contre la fusion), Fiat-Chrysler a décidé d’ajourner sa proposition de Mariage avec Renault.

Néanmoins, Chrysler reste intéressé. Le gouvernement français par la voix de B. Le Maire confirme que les tractations pourraient reprendre plus tard).
De quoi s’agit-il ?

Une absorption, présentée comme un mariage entre égaux.
Le capitalisme ne connait ni la coopération ni l’égalité. Les multinationales doivent sans cesse devenir plus grosses pour se placer dans la concurrence mondiale capitaliste et gagner des parts de marché. (2). 

C’est bien le cas entre Renault et Fiat Chrysler. Que ce soit en termes de production, de chiffres d’affaires ou de profit tous ces chiffres sont en faveur de Fiat. Par ailleurs, avec 15% des actions de cette nouvelle société ce sont les Agnelli premier actionnaire qui la dirigeront. Même le journal « les Echos », porte-parole du capitalisme émet des doutes sur cette fusion. Il écrit : "Le pari est tentant mais le risque est que, s’il est gagné, les Agnelli en soient de loin les principaux bénéficiaires". Exact, c’est celui qui a la plus grosse partie du capital qui dirige. 

     Fiat lorgne les technologies avancées de Renault. Elle qui a une gamme vieillissante, du retard dans les voitures électriques et autonomes à tout intérêt à se marier avec Renault en avance lui dans le domaine de l’électrification pour en profiter à moindre coût pour lui.
C’est d’ailleurs ce que soulignent plusieurs experts défenseurs du capitalisme. G. Toulemonde indique : On voit très bien ce que Renault va apporter à FCA, mais moins ce que FCA apportera à Renault. Un autre M. Warburton voit dans ce « mariage » une fusion boiteuse et une société ingérable.
     Enfin les arguments de « synergie » entre partenaires, de complément de marché, d’économie dans les « fonctions supports », sur les achats mis en avant en pareil cas se traduisent dans les faits par des fermetures d’usines, des suppressions d’emplois.
     Le risque est grand pour Renault de s’affaiblir, de se voir à terme disparaitre en tant que constructeur indépendant.
     Dans un communiqué la CGT Renault, dénonce une absorption de Renault, de ses technologies et de sa rentabilité par la famille Agnelli. Elle déclare : « La CGT va interpeller le gouvernement dans l’espoir d’être enfin entendue et elle conclut Pour la CGT le gouvernement doit conserver une minorité de blocage permettant de faire prévaloir les intérêts français ».
     La CGT Renault est par expérience bien placée pour savoir que l’Etat qui a deux administrateurs au CA et un droit de vote double ne s’est jamais opposé aux délocalisations de productions qui ont abouti aux 22.000 disparitions d’emplois en France entre 2005 et 2018. Pas plus qu’aujourd’hui il ne s’oppose à cette idée de « mariage ».
L’Etat est le représentant et le défenseur du capitalisme. Son action est toute entière tendue vers la satisfaction et les exigences de celui-ci..
Les gouvernements successifs en privatisant le secteur nationalisé ont ouvert au capital de nouvelles sources de profit. De même qu’ils ne se sont jamais opposés aux délocalisations, à la vente des fleurons industriels à des acheteurs étrangers (par exemple les Chantiers de l’Atlantique à un concurrent italien), pas plus qu’ils n’ont empêché Ford de fermer l’usine de Bordeaux. Les déclarations qui se veulent fracassantes du ministre ne sont là que pour tenter de faire croire que le pouvoir agit. En laissant faire la prise de contrôle opportuniste de Fiat-Chrysler sur Renault, il brade une fois de plus le patrimoine industriel de la France.
Seule la lutte peut faire reculer de tels projets. Ils démontrent en même temps la nécessité de retirer au capitalisme la propriété des moyens de productions et d’échanges, la domination financière, le pouvoir politique. C’est le combat seul qui peut être gagnant.

(1) J.P. Senart est avec N Notat -ex secrétaire de la CFDT- auteur d’un rapport qui préconise une plus grande présence des salariés dans les CA pour mieux intégrer ceux-ci à la marche de l’entreprise. Dans la pratique ont voit ce qu’il en est. C’est aussi un cheval de bataille de L. Berger et de la CFDT sous l’appellation de codécision. Le pouvoir appartient aux seuls capitalistes. Renault-FCA en fait une nouvelle démonstration.
(2). Le cimentier Lafarge se marie avec le suisse Holcim. Entre égaux parait-il. Aujourd’hui Holcim a complètement absorbé Lafarge. Autre exemple : Essilor (verre) et Luxottica (monture) de lunettes qui donne lieu à une bataille pour savoir qui du français ou de l’italien va manger l’autre.