745-02/12/2021 La préparation du futur commence aujourd’hui. Parce que demain, évidemment, ce sera déjà trop tard. Confortés par ces lapalissades,

les experts issus d’institutions internationales ou non gouvernementales, d’entreprises privées ou publiques, proposent des scénarios au sujet des futurs énergétiques de la planète ou plus modestement d’une nation.
Le sujet est, si l’on peut dire, brûlant puisqu’il s’agit de limiter les émissions de CO2, un des gaz à effet de serre, dont les COP successives et l’idéologie dominante rendent responsable du réchauffement climatique. Premier constat : ces scénarios ont une forte portée pédagogique censée permettre une adhésion aux « solutions » proposées. Une hypothèse conduit à la sauvegarde de l’humanité alors qu’une autre nous mène droit au néant.
Certains scénarios reposent sur des hypothèses de changement de comportements voire selon certains auteurs, qui n’y vont pas de main morte, de civilisation, sans se donner la peine de nous préciser ce qu’ils entendent par là. C’est ainsi, par exemple, que l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise d’Énergie (ADEME) vient de publier une étude où elle trace un avenir basé à 70 % sur les énergies dites renouvelables, mais plus précisement intermittentes et qui ne fonctionnent que lorsque le soleil brille ou le vent souffle, et dont la substance est une réduction drastique de plus de moitié, de la consommation d’énergie et la baisse de la consommation tout court. Par exemple, suivant les schémas étudiés la consommation de viande devrait être divisée par 2 ou 3. Dans cette étude aux accents austéritaires, l’Hydrogène prend toute sa place comme énergie décarbonée sans que l’on nous dise comment il sera produit. Or tout le monde sait que la production d’hydrogène est un gouffre énergétique et tout particulièrement électrique !
Pour construire les scénarios, il existe également la méthode du débat. C’est celle choisie par exemple par RTE (Réseau de transport d’électricité). Chargé de réfléchir sur le système électrique français du futur (2050), il a organisé des réunions pour construire des scénarios alternatifs (6 scénarios). La contrainte de l’exercice consiste à emprunter un chemin qui conduit à une production d’électricité sans carbone puisque la France comme l’Union européenne se sont engagées à la neutralité carbone en 2050.
En fait, RTE a donc consulté des entreprises, des organisations non gouvernementales dans le cadre de consultations publiques. Il peut paraître étrange que dans la perspective de décisions à caractère politique à prendre maintenant pour demain, le politique, justement, n’intervient pas dans le processus dès ce premier stade. Si la diversité est la règle pour les consultations publiques, il faut relever l’homogénéité du Comité d’experts qui veillent sur ce processus de réflexion collective. Il suffit de dire qu’il est présidé par la chef économiste de l’Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE) qui veille au grain des intérêts des grands monopoles capitalistes.
RTE a dessiné 3 scénarios avec de nouvelles centrales nucléaire et 3 scénarios sans nouvelles centrales nucléaires. Il indique qu’en termes de coût, la solution 100% énergie renouvelable serait plus onéreuse que celle qui inclut de nouvelles centrales nucléaires. L’écart serait de 10 milliards d’euros… 10 milliards d’euros en 2050 : personne n’est en capacité de prévoir ce qui va se passer dans les 5 ans à venir mais RTE trouve précisèment un écart de 10 milliards d’euros en 2050 et l’écrit avec tout le sérieux requis. Cela donne un idée du caractère idéologique de telles études qui servent plus à abonder les discours politiques qu’à construire une stratégie nationale et indépendante de production énergétique dans un futur qui dans le domaine de la production électrique se compte au minimum sur 50 ans.
Dans cet ordre d’idée, il faut bien de l’audace pour calculer un « coût complet » pour la collectivité, selon les scénarios, des investissements à réaliser. Il dépend de l’évolution des prix des matières premières, des taux d’intérêt, des taux de change, etc., bref, il y a de l’héroïsme à se projeter à 2050…
Nous ne discuterons pas dans le détail des 6 scénarios car tel n’est pas le débat. Ils sont assez détaillés et cohérents. Pour autant, quelques hypothèses présentées comme des axiomes posent question : ainsi, le pays ne serait pas en capacité de reproduire l’effort d’investissement dans le nucléaire des années 1975-2000. Sans entrer dans le débat sur l’acceptabilité du nucléaire civil, pourquoi donc ? La France se serait appauvrie ?
La réponse est politique : EDF a construit le parc nucléaire avec la garantie de l’État. Or une hypothèse toute aussi axiomatique du RTE, non précisée, conditionne les scénarios : aujourd’hui, comme en 2050 (en tout cas, c’est ce qu’ils souhaitent) le régime économique sera celui d’une économie de marché capitaliste avec des règles de concurrence qui limitent l’action publique dans le domaine économique. C’est ce que les États qui la constituent ont confié à l’Union Européenne et que l’on nomme une « économie de marché non faussée », ce qui signifie libre court aux grands monopoles capitalistes pour diriger la vie économique, sociale et politique. RTE se contente de pousser l’audace à évoquer des hypothèses « sociétales » sur les modes de vie comme si la quantité de viande ingurgitée, l’usage du vélo, la sobriété militante changeaient vraiment la donne !
Il y a donc de la supercherie dans les scénarios RTE, censés couvrir l’ensemble des possibles. Les possibles dans un cadre donné, celui du capitalisme, voilà ce que propose RTE et les diverses ONG et entreprises qui ont pris part au processus.
En fait, sans les contraintes financières de rentabilité, sans le temps laissé au capitalisme pour se transformer en capitalisme « vert » sans y laisser une seule plume, la solution du futur énergétique serait plus rapide avec un effort industriel sur les secteurs clefs, un effort sur les formations, un effort sur les collaborations internationales.
Dans le cadre donné donc, le RTE écrit des fictions pour 2050 pour que quelques-uns décident aujourd’hui du développement des techniques selon des critères peu lisibles si ce n’est leur adéquation avec les règles du capitalisme.
On le voit, toutes ces « études » ont un seul objectif : laisser les mains libres au capital et à ses fondés de pouvoir politique pour adapter ses stratégies en matière énergétique aux possibilités de profits et d’accumulation du capital. Ce n’est évidemment pas notre point de vue et la question énergétique représente un enjeu majeur dans la lutte des classes. Oui notre futur énergétique doit se concevoir sur un temps long avec l’objectif de répondre de manière efficace et stable à une demande en hausse qu’exige la production manufacturière et les services, les besoins de logement et de transport, l’éducation, la santé...La France possède des atouts pour mener une telle politique et tout particulièrement dans le domaine nucléaire qui doit rester le socle de sa production électrique. La question d’un plan de construction de nouveaux réacteurs, les recherches pour des réacteurs de nouvelle génération, les recherches pour l’utilisation de l’énergie thermonucléaire ne doivent pas être reportée à plus tard. Pour réaliser ces objectifs au service de la population et dans le cadre d’une coopération internationale renforcée, il faut arracher la production énergétique des mains du capital monopoliste en créant un service public entiérement nationalisé et démocratique de l’énergie, celui-ci doit intégrer tous les aspects du problème, de la recherche, à la construction en passant par les financements, la distribution et la gestion. C’est dans ces conditions, par les luttes sociales et politiques contre le capitalisme et pour le changement de société que nous imposeront les conditions d’une modernisation de notre secteur énergétique et un futur énergétique au service de la nation et du peuple.

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