736-29/09/2021 Le patronat français se plaint du manque de main d’œuvre qualifiée disponible pour les entreprises, 300 000 emplois resteraient vacants pour cette raison alors que le pays compte 9 millions de chômeurs.

Le gouvernement annonce vouloir résoudre ce paradoxe apparent en lançant le 27 septembre un grand plan d’investissement dans les compétences pour 2021-2022 au moment même de l’entrée en application du nouveau mode de calcul de l’allocation de l’assurance chômage au 1er octobre, c’est à dire de la baisse de celle-ci. Il ne s’agit pas d’un vaste plan de formation des chômeurs et des salariés, on ne parle pas de formation mais bien de compétences. Les mots sont importants, les conséquences qui en découlent visent à détruire les garanties de qualification et de statut.
Cette notion de compétence s’est d’abord insinuée dans les années70-80 dans la formation professionnelle initiale et continue des futurs salariés comme un corollaire de la pédagogie par objectifs. L’élève, le stagiaire est évalué comme « est capable de … » … étant un verbe qui qualifie un geste professionnel, par exemple « est capable de choisir le matériau adapté aux exigences de la sécurité », ces capacités ou compétences cumulées peuvent, en fin de parcours de formation, conduire à une certification soit un diplôme correspondant à une qualification dans l’entreprise et qui détermine un « niveau ». Ces diplômes, délivrés en formation initiale en Lycée professionnel ou en CFA, CAP et le BEP sont ainsi des diplômes de niveau 5 (ancienne nomenclature) et le BTS de niveau 3 etc. Dans les conventions collectives c’est ce niveau qui garantit un minimum de salaire pour tous les salariés de même niveau, dans la même profession. Mais avant ce niveau final, un patron peut recruter à un niveau moindre pour un emploi requérant seulement tel ou tel geste et donc salaire moindre. C’est le libre-service. Tout est alors individualisé. En outre, aux compétences purement techniques s’ajoute une notion aux conséquences dévastatrice pour les salariés, celle du savoir-être comportemental ce qui institutionnalise des notions de personnalité du type « est capable d’optimiser son temps de travail » etc. Cette stratégie est apparue depuis dans les cursus de l’école maternelle à l’Université et est un rouage important du système de contrôle continu pour les examens de l’Education nationale.
A l’entreprise, les ressources humaines ont totalement intégré ce mode de fonctionnement qui permet de recruter sur des profils et renvoie le travailleur sa propre responsabilité, voire sa culpabilité s’il n’est « pas capable de mobiliser, au bon moment, ses compétences ». C’est la rupture du lien qualification-salaire. C’est un élément important de l’association capital-travail. A l’extrême, le travailleur doit « être capable de s’exploiter lui-même. »
La fonction publique aussi se prépare à appliquer ce système de compétences en lieu et place des concours de recrutement et des tableaux d’avancement.
Le PIC lancé par Castex prévoit « d’adapter le niveau de qualification de 350 000 travailleurs en activité ou au chômage pour leur apprendre de nouvelles techniques de production », 600 millions d’euros y sont affectés. Par ailleurs, 800 millions d’euros sont prévus pour « développer des formations couplées à une promesse d’embauche sous la forme de préparations opérationnelles à l’emploi individuelles ».
Les patrons qui mettront en place des contrats de professionnalisation fondés sur l’alternance entre enseignement et périodes de travail en entreprise, recevront 8000 euros la première année.
Asselin, dirigeant de la Confédération des Petites et Moyennes Entreprises se déclare très satisfait et Laurent Berger considère ce PIC comme une très bonne chose. La CGT pointe la concomitance avec la réforme de l’assurance chômage.
Outre l’aubaine pour les patrons, c’est un pas de plus dans la conception purement utilitariste de la formation au service du profit capitaliste qui ne permet pas au salarié de penser sa condition d’exploitation. Elle lui arrache sa capacité à construire une société débarrassée du capitalisme où le travail retrouve son sens collectif du progrès pour tous. Nous devons combattre cette mutilation de la formation et lutter pour en rendre aux travailleurs la conception et la gestion.

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